Mon père me dévisage sagement, avant de soupirer lourdement. Je triture les petits bouts de peau au bord de mes ongles rongés, avant de me mordre la lèvre inférieure. Je suis un peu gênée qu'on ait cette conversation, mais je préfère l'avoir avec mon père que ma mère. Je sais que je peux lui faire confiance, et qu'il ne me jugera pas trop vite, au contraire de ma mère qui va démarrer au quart de tour, comme toujours.

Je souffle un bon coup, avant de me retourner vers le premier homme de ma vie.

- Bon, voilà, il s'appelle Smith. Enfin c'est son nom de famille, et il préfère que je l'appelle comme ça. Tout compte fait, je sais pas trop. (Je ris). Tout le monde l'appelle comme ça, alors je m'habitue. (Je marque un temps d'arrêt, réfléchissant à la suite). Ce n'est qu'un ami, et encore.

- Et encore quoi, Lucie ? s'inquiète mon père.

J'essaie de reprendre le cours de mes esprits, mais je suis perdue. Je me suis laissée aller dans cet engrenage à cause de ce jeu malsain dont je suis la victime. Dont je suis le putain de butin. J'aurais dû rester aux côtés de Smith, pour le soutenir et pour que cette boucle infernale cesse. Mais j'ai été lâche, et je le suis encore plus lorsque je vois dans quel état j'ai laissé mes parents. Je suis sûre qu'il va s'en sortir sans moi.

- Tout va bien ?

- Oui, oui. C'est seulement compliqué, mais c'est terminé, je glisse durement.

- Tu ne veux pas m'en dire plus sur ce Smith ? tique t-il. A quoi tu penses ?

Je pense à ce que j'ai fait, aux conséquences. Je pense à Smith. Je pense à ma mère qui a l'air si mal. Mais en premier lieu, je pense à ma vie qui va se jouer dans quelques minutes après cette conversation. Si j'ai laissé en plan Smith devant cette grande baraque remplie de gens bourrées, c'est seulement pour pouvoir cassé cet engrenage. Pour casser ce lien qui me retenait à Mesa. Et surtout pour faire taire ces voix qui me criaient que j'allais finir par tomber dans le mauvais camps, avec Carter.

- Tu n'as aucun souci à te faire, c'est bel et bien terminé.

- Mais de quoi, ma puce ? chuchote désespérément mon père.

Je ne réponds rien, tout en regardant l'arbre qui me fait face. Tout est terminé et demain je retournerais à la fac comme si rien de tout ça, ne c'était passé. Je ne suis le butin de personne, et ces combats illégaux n'ont jamais existé.

- J'aimerais bien avoir ma glace, papa ! Le glacier vient juste de s'installer, je me réjouis faussement.

Il se lève instinctivement du banc, et part en direction du glacier. Quelques minutes plus tard, il revient avec une glace saveur citron en main, et une autre à la pistache. Nous passons un moment à ne pas parler, laissant le silence nous prendre peu à peu. Lorsque le téléphone de mon père se mette à sonner. Celui ci se lève, avant même que j'ai pu entendre à qui il s'adressait.

Étant curieuse par rapport à ce coup de téléphone, je me lève le plus délicatement possible, afin de venir me placer non loin de mon père. De là, je peux entendre ce qu'il traficote avec son interlocuteur.

"Aujourd'hui ? Vraiment ? soupire mon père."

"Vous ne pouvez pas repousser les tests, s'il vous plaît ?"

"Pourquoi donc ? se moque mon père. Parce que ma fille est rentrée à la maison, et que je ne veux pas qu'elle s'inquiète pour sa mère une fois de plus ! Voilà pourquoi ! rugit-il."

"Très bien, nous arrivons dans une bonne heure, docteur, murmure t-il."

Je reste tétanisée, le regarde vide. Sans même savoir pourquoi, je sens une main se poser sur mon épaule avec tendresse. Soudainement, je me rends compte qu'il s'agit de mon père.

FIGHT FOR US 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant