18. Lucie

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Smith ne m'a pas adressé la parole depuis que je lui ai révélé le poids que je traîne chaque jour. En vrai j'ai toujours cru qu'il allait disparaître, un moment ou un autre, mais c'est plus compliqué que ça. Mon frère Charlie, lui, restera à jamais dans mon coeur. Et cet accident va déguerpir de ma mémoire, vite fait. Je ne veux plus jamais souffrir, et accumuler les conneries. Smith n'est qu'une étape douloureuse dans ma vie - tout compte fait - de plus à passer. Enfin, c'est ce qu'il faut que Smith soit. Bientôt tout ce cirque sera finit, et je pourrais enfin retourner chez moi. Je prie seulement pour que mon école de psychologie ne me laisse pas tomber, après toutes mes absences. Tout en y réfléchissant, ça fait seulement une semaine que je connais Smith, et que je cohabite avec lui.

- Enfile ça, souffle Smith d'une voix autoritaire.

- Tu daignes enfin m'adresser la parole, monsieur-le-solitaire ! je rigole, amèrement.

Il me lance un short et un débardeur en pleine tête, me cachant presque la vue. Je prends alors ces habits dans mes mains, regardant tranquillement Smith fouiller dans une malle. Il est toujours torse nu, laissant sa main en sang dans son t-shirt, qui maintenant est fichu. Pff, je vous jure... Pendant un moment, mes yeux s'attardent sur ses cicatrices. Je me demande bien ce qui a pu lui arriver, avant. Mais désormais, ce ne sont plus mes affaires. Après notre petite dispute, tout est devenu froid, et le marché s'est alors consolidé dans nos corps et nos mémoires.

- Où va t'on ? La soirée n'est pas censée commencer dans une petite demie heure ? je m'exclame, en regardant ma montre.

Il se retourne, me détaillant de la tête aux pieds. Sans vraiment que je le veuille, mon sang vient remplir les veines coincées entre les cellules de mes joues. Je dois m'être transformée en pivoine, pendant quelques secondes, je crois bien. Fais chier !

- Seulement dans trente minutes ? se moque t-il. Remballe tes arrières pensées, et suis moi !

Il passe la porte d'entrée, sans un regard pour moi. Je le rejoins alors, et avant même que je puisse fermer la porte, il crie à travers les escaliers :

- Prends les affaires que je t'ai donné, plus tôt !

Je grogne, en entrant une nouvelle fois dans l'appartement, pour prendre ces fichus vêtements. Ensuite, je ferme enfin cette vulgaire porte, qui commence sérieusement à me gonfler. Je suis tellement fatiguée et énervée en ce moment. Les règles vont bientôt arriver, je le sens, et c'est très mauvais...

Lorsque j'arrive au rez-de-chaussé, Smith m'attend dans sa voiture. Je refoule mon angoisse au plus profond de moi, et monte dans celle ci sans faire d'histoire. Smith démarre instantanément, en montant le son de sa radio. C'est Lenny Kravitz, qui passe en ce moment, rythmant le silence qui s'est installé depuis tout à l'heure.

Après quelques minutes de route, nous arrivons devant un grand local, dont le nom explique tout, et éteint toutes mes interrogations : GymFit. Je suis alors Smith, qui ouvre la porte sans à avoir à la forcer, ni à l'ouvrir avec une clé. Je fronce les sourcils, peu sûre de lui et de ses plans parfois foireux. Mais mes doutes sont réduits à néant lorsque Smith allume la lumière, pour nous présenter une vieille salle de sport laisser à l'abandon. Soudain, il se dirige vers un punching-ball, dans lequel il frappe un coup.

- Je venais souvent ici, lorsque j'étais ado. A dire vrai, je passais mes week-end à taper sur ce punching-ball et à m'entraîner sur ce ring, devant toi. C'était le bon vieux temps ! Jim, celui à qui appartenait le club, était comme un second père pour moi.

- Où est ce Jim ? je demande, curieusement.

- Il est mort.

Sa voix est glaciale et son visage, impassible. J'ai l'impression, qu'il essaie une fois de plus, d'atténuer sa douleur en refoulant ses sentiments. Mais cette manière de garder tout pour soit, n'est pas quelque chose de très bon pour une personne en général. D'autant plus pour Smith, qui lui, a l'air brisé. Tout comme moi. Je le sais, puisque j'ai essayé de vivre seule et repliée sur moi même lorsque j'ai quitté Alban. J'ai été plusieurs mois, sans voir le jour et ma famille. Personne ne pouvait m'approcher, ou m'adresser la parole. Les traumatismes ont toujours des effets secondaires, tous plus ou moins graves. Mais ils ont tous un point commun : ils vous bouffent de l'intérieur jusqu'à ce que votre coeur soit impuissant, et qu'il se glace.

FIGHT FOR US 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant