- Je suis désolée, Smith, je chuchote.

- Ne le sois pas, c'était il y a bien longtemps.

Puis, il se retourne pour aller ouvrir un placard, qui visiblement va bientôt tomber en ruine. Je l'observe attentivement, en sortir des protections pour la boxe. Il les enroule alors autour de ses mains, en mettant ensuite un peu de poudre. Smith enlève une fois de plus son t-shirt - qui cette fois est propre - avant de se diriger vers un autre punching-ball, beaucoup plus impressionnant que l'autre. Et dans un bruit sourd, il frappe, encore et encore. Je le regarde faire pendant un petit moment, toujours cette même question en tête. A dire vrai, je me la pose depuis que j'ai vu pour la première fois un match de boxe à la télévision. Ça devait être avec mon père et mon petit frère, je crois. Je me demandais si leurs douleurs étaient plus grande que la nôtre. Je me demandais aussi parfois, si taper dans "cette grande saucisse" - comme je l'appelais étant petite - pouvait effacer la douleur qui était ancré au plus profond de notre âme. Si elle pouvait la faire disparaître pour toujours, nous soulager.

Soudainement, l'adrénaline me submerge, me faisant faire une chose que je n'aurais jamais cru possible que dans les rêves à l'époque. Je me lève pour courir jusqu'au vieux placard, afin d'en sortir des protections, enfilant chacune d'elles sur mes mains. Avant de m'affronter à une de "ces grosses saucisses", je jette un coup d'oeil à Smith, qui lui est toujours aussi concentré. Un sourire se dessine alors sur mes lèvres, lorsque je vois ses sourcils se froncer et former par la suite une barre entre eux. C'est tellement mignon !

- Il y a des gants au fond de la caisse là bas, si tu veux ! me propose Smith.

Sans un mot, je me retourne, et me dirige vers cette fameuse caisse. En l'ouvrant, j'y trouve plusieurs paires de gants, de différentes couleurs. Mais laquelle choisir ? Il n'y a aucuns renseignements qui me laissent d'indice sur les tailles, ou alors les mesures.

- Les rouges sont pour les femmes, Lucie, me déclare t-il comme s'il avait lu mes pensées.

- Vous étiez pas un peu macho dans ce club ? je rigole.

Smith ne me répond pas, me laissant seule contre toutes ces questions qui me consument le cerveau.

- Ok, je lance.

Je soupire alors fortement, pour me donner du courage. Puis je me dirige vers le punching-ball, qui me fait maintenant face. Pendant un moment, j'observe cette immense masse qui va peut-être m'aider à oublier, pendant l'espace d'une seconde. Honnêtement, j'aimerais vraiment que cette chose, aussi puissante soit-elle, m'aide à oublier cet accident qui m'a renvoyé à des années lumières de mon existence. J'aimerais aussi oublier cet enfoiré qui a su prendre le dessus sur moi, alors que je ne m'en rendais pas compte. J'étais si bête, si aveuglée par le fait d'aimer quelqu'un. Je lui ai plusieurs fois déclarer ma flamme, croyant qu'il était ma moitié pour toujours. Mais je me suis bien trompée ! Je me suis perdue dans cette océan de douleur, de frustration, de peur et de haine.

- Alban, ce premier coup est pour toi, je murmure pour moi même.

Mes poings me démangent tellement, qu'ils finissent par s'abattre sur le punching-ball, le faisant à peine bouger. De toute façon, ce qui m'importe dans ce coup, n'est pas de faire bouger cette grosse machine, mais de pouvoir me défouler et éclater les souvenirs qui persistent en moi. Je veux qu'ils disparaissent, comme ces cicatrices sur ma peau, qui me rongent de l'intérieur chaque jours qui passent.

- Je veux que tu vives le même enfer que moi, lorsque j'étais amoureuse de toi, je siffle entre mes dents.

J'ai crié des choses affreuses sur mon passé, en tapant du poing sur cette chose immonde, et pas une seule seconde Smith n'a tourné la tête vers moi, pour me balancer une de ses questions déstabilisantes. Je le remercie pour ça. D'ailleurs, je suis si heureuse qu'il m'ait amené ici. Je me sens libre comme l'air, et libérée d'un lourd poids. Une partie de mes angoisses est partie lorsque j'ai tapé, avec rage, sur ce punching-ball. Malheureusement, elles viendront me hanter demain, une fois de plus. Rien est éternel, tout est éphémère. Sauf lorsque quelque chose ou quelqu'un, trouve le pouvoir de contrôler ça. Et alors tout est possible.

FIGHT FOR US 1Where stories live. Discover now