Josh.

330 7 0
                                    

☆☆☆

- Alors, tu viendrais t'amuser avec moi le week-end prochain ?  - Je ne sais pas...

Ce n'est peut-être pas l'idée la plus brillante que j'ai eu, mais j'ai très envie de lui montrer. De lui montrer comment on s'amuse chez nous, comment JE m'amuse.

- Je vais pas y aller en sachant que tu t'ennuie à en mourir quelque part dans cette ville... dis-je. Tu ne vas pas rester dans ton coin toute ta vie !

Elle se tourne vers moi et dans un murmure, elle me répond:

- D'accord...

Je lâche un soupire de soulagement, et m'appuie sur la barrière. Je passe mes deux jambes de l'autre côté et m'assois dessus. Olivia me regarde un moment sans bouger, comme ci ce que je venais de faire était complètement fou.

- Bah viens, je lui propose.

D'un air mal assuré, elle imite mes gestes, s'accroche à mon bras pour faires passer ses longues jambes et enfin, une fois installé, elle n'ose plus bouger. Sa main toujours tenant fermement mon tee-shirt n'a pas bougé non plus.

- Ne me fais pas tomber, dit-elle en regardant en bas.
- T'es folle ! je m'écris. Ça te tuerai !

Brusquement, Olivia tourne son visage vers le mien, paniquée. Je rigole en la voyant ainsi.

- Je suis avec un psychopathe... murmure-t'elle en souriant suffisamment pour que son unique fossette ressorte.
- Tu veux qu'on descende ? 

Je la vois observer une nouvelle fois la rivière plus bas. Avec le soleil qui décline, les rayons qui sont passés à travers le feuillage des arbres donnent à l'eau une teinte brillante.

- Non. Pas tout de suite.

Nous ne disons rien pendant un long moment. Je l'observe du coin de l'oeil et elle ferme les yeux quelques instants. Les yeux rivés sur sa longue queue de cheval blonde, je lui demande:

- Pourquoi tu ne te détache jamais les cheveux ?

Olivia ouvre les yeux et hausse les épaules.

- Ils sont très longs, alors je suis plus libre quand ils sont attachés.
- Ah...

Après ça, nous parlons un peu de tout et de rien. J'apprends que ses parents sont tous les deux avocats, mais que son père n'exerce plus à cause de sa maladie depuis l'annonce de celle ci. Sa mère a également arrêté son activité l'année dernière. Olivia me dit aussi que s'il n'était pas malade, ses parents seraient divorcés. Je comprend qu'on ne veuille pas laisser son mari mourir seul.

- Il peut guérir ? je lui demande.
- Non. Nous avons tout : l'argent, les médecins, les dispositions. Mais quand la maladie est plus forte, tous ça ne sert à rien. La maladie est plus forte donc elle gagne.

Bizarrement, je ne crois pas qu'elle ait envie de pleurer. Son sourire à disparu mais elle ne semble pas écroulée par la tristesse.

- De quoi est mort ton père ? me demande Olivia doucement.

Alors ils lui ont dit. Je vais les tuer.

- Tu as pitié, je lui répond.
- Non.

Je la regarde en haussant les sourcils: cette fille pue la pitié. La compassion.

- Bon ok... dit-elle. Je ne peux pas m'en empêcher ! Ça a dû être si dur...
- Si tu veux savoir c'que ça fait de perdre son père, je ne peux pas te le dire. Il est mort quand j'avais deux ans environs. Une crise cardiaque. La mort basique. Je ne m'en souviens pas. Ni de sa voix, ni de son visage.
- Je suis désolée.
- Ne le sois pas. Je t'avoue que vivre sans un père, ça peut te rendre différents, tu dois te débrouiller seul. C'est plus difficile que pour les autres parce que quand ton vélo est cassé, il n'est pas là pour te le réparer. Mais c'est pas impossible. Tu apprends, tu le fais toi même. Ou tu demande de l'aide.

En disant ces derniers mots, je repense au moment où je l'ai aidé à réparer son 4x4.

- Je... Je ne suis pas comme toi, me dit-elle timidement. Il y a tellement de choses que je n'ai jamais faites ! J'ai toujours été épaulée, quand je ne pouvais pas faire quelque chose, quelqu'un me le faisait.
- Je n'ai pas dit que tu devais tout faire seule.
- J'aimerai être comme toi...
- J'adore être comme moi, je répond.

J'adore l'entendre rire. C'est comme... C'est comme si c'était une bonne nouvelle ou un retour à la normale. Un partie de moi pense pourtant que plus rien ne serai comme avant.

Nous restons sur le pont jusqu'à 19h00. Je sais que normalement ma mère ne devrait pas tarder à rentrer chez moi et que lorsqu'elle arrive, elle adore quand le dîner est déjà prêt.

- Tu veux venir dîner chez moi ? je demande à Olivia.

Elle ouvre la bouche, comme si elle voulait dire quelque mais que rien ne voulait sortir. Enfin, elle bafouille :

- Bah... en fait... euh...
- Quoi ?
- J'ai dit à ma mère que j'étais chez Sofia...
- Oh.
- Mais si tu veux vraiment que je vienne... répond Olivia en souriant. Je peux lui dire que je reste manger chez elle.
- Si tu veux, dis-je en haussant les épaules. Mais je ne veux pas te forcer à mentir à ta mère.

Super. Maintenant elle pense que je regrette de lui avoir proposé de venir. Donc elle ne viendra pas.

- Est-ce que je dois te dire que j'ai vraiment envie que tu vienne ? je demande en souriant.

Elle me regarde en me rendant mon sourire.

- Oui.

Je soupire exagérément. Je n'ai jamais fais ça...

- Viens. Ça pourrait être vraiment cool.
- C'est pas exactement ça... Mais d'accord.

Elle descend tout doucement de la barrière, toujours en aggripant mon tee-shirt. Je la regarde attraper son téléphone dernier cri et pianoter dessus. Elle ne cesse de tenir sa jupe d'uniforme car celle-ci se soulève avec le vent. À cet instant, je me dit que porter ça tous les jours doit être vraiment chiant.

Lorsqu'elle raccroche, elle me lance:

- On monte Simon ?
- Simon ?

Elle n'a quand même pas oublié mon prénom ?

- Bah tout à l'heure, tu as dis "En voiture Simone"! Eh! J'essaie d'être drôle !

J'eclate de rire.

- N'essaie pas, je retorque. N'essaie jamais! C'était tellement nul...

Olivia fait mine d'être touchée et croise les bras alors que je m'installe sur le vélo.

- Premièrement, dis-je, c'est moi qui dit quand on part.
- Deuxièmement ? 
- En voiture Simone!

Lorsqu'elle rit, elle balance sa tête en arrière et ça me fait craquer. Carrément même.

Je repousse cette idée le plus loin et le plus rapidement possible dans mon esprit. Devenir amie avec elle ne me semble plus impossible mais espérer plus... C'est être inconscient. Un mec comme moi ne peut pas l'intéresser. Je ne pourrai jamais rivaliser avec les mecs de son quartier.

Je pédale et la laisse se tenir à moi. Tout en essayant de garder l'équilibre, je m'imagine faire ça tout le temps. La transporter partout sur mon porte-bagage, pour pouvoir parler tranquillement et peut-être sentir ses longs cheveux blonds frotter mon visage.

Et là, à cet instant, j'en suis sûr. Je ne sais pas comment Olivia va faire, mais je sais qu'elle va changer ma vie. En bien ou en mal, je n'en sais rien. Mais je pense qu'elle vaut la peine de voir.

Avec Le TempsWhere stories live. Discover now