Chapitre 13 (*)

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Smith

Lorsque je rentre dans la chambre de ma mère, pour la troisième fois — je crois bien — je me sens bizarre. Comme si j'avais un mauvais pressentiment. Lucie avait tellement l'air contrariée ou ailleurs, dans cette chambre. Maintenant, j'ai du mal à me concentrer sur autre chose, que les traits de son visage quelque peu déformés par je ne sais quel sentiment. Et puis, c'est quoi cette histoire d'être ensemble, Lucie et moi ? Je ne comprends rien, je suis secoué. Tellement que sur le moment, je n'ai pas contredit les paroles de ma mère.

Enfin, j'ai pu entendre le son de son rire et apercevoir les vestiges de ses sourires chaleureux. Je ferais n'importe quoi pour ça.

— Tout va bien, Samuel ? Où est passée Lucie ?

— Hum, elle avait besoin de marcher un peu.

Ma mère me sourit radieusement, une lueur brillante dans les yeux. Je ne l'ai jamais vu aussi heureuse depuis qu'elle a foulé le sol de cet hôpital. Je comprends tout à fait, qu'elle soit contente que j'ai trouvé la femme avec qui je veux passer ma vie — ou pas — mais je ne pensais pas que cette nouvelle — ce mensonge plutôt — pouvait lui donner l'envie de rire ou de sourire, pour de vrai. En même temps, elle a toujours su que son fils finirait seul, puisque j'en ai décidé ainsi, et parce que ça sera le cas.

— Vous vous êtes disputé ? C'est à propos de moi ? Tu sais, je n'ai pas voulu être oppressante, tout à l'heure. Je suis seulement contente de voir mon fils avec une si jolie et gentille jeune femme ! Au moins, tu réussiras dans ce que je n'ai pas vraiment réussi.

— Maman, tu te fais du mal en pensant à lui, arrête.

Rien qu'en voyant son air triste, je rentre en rogne. J'aimerais tellement pouvoir l'effacer de sa mémoire. Pouvoir enlever cette mauvaise passe qui a affaibli ma mère.

— Samuel...

Tout à coup, on frappe à la porte. Je regarde aussitôt ma mère, en fronçant les sourcils et en l'interrogeant du regard. Mais rien, elle a l'air aussi confus que moi. Je m'avance immédiatement près de la porte, puis je l'ouvre d'un coup sec. M'attendant à un personnel médical, je me pousse sur le côté. Sauf que la carrure imposante qui se dresse à côté de moi, surmontée d'un costume trois pièces, me coupe le souffle. Je relève doucement les yeux, pour tomber sur des pupilles aussi claires que les miennes. Les mêmes.

Mon cœur bat la chamade et mes poings se serrent d'eux-mêmes — un vieux réflexe en sa présence — le long de mon corps. Qu'est-ce qu'il fout ici ?

— Sam, me salue-t-il.

Comment ce salaud ose-t-il m'appeler par mon diminutif ? Comment ose-t-il se pointer comme ça, tout sourire ? Je contracte la mâchoire, impuissant. Mon père, ou plutôt Frank — puisqu'il n'a plus le droit de répondre à ce titre trop familier — s'approche de ma mère, le pas lent. Je l'observe, cette même peur au ventre constante, celle que j'avais lorsque j'étais encore gamin.

— Je suis désolé de ne pas avoir pu venir plus tôt, Pénélope.

Je fronce les sourcils, toujours aussi stoïque face à la scène qui se joue devant moi.

Je rêve ou quoi ? Il se fout carrément de nous, ce salaud. Il n'a jamais regretté de nous avoir abandonné, pour partir avec sa putain de secrétaire. De toute façon c'était mieux comme ça, sinon il aurait fini par défoncer ma mère, et moi avec. Mais se pointer ici, avec des excuses bidons, c'est tellement lui. Je lui décerne sans hésiter la palme d'or du meilleur hypocrite.

Putain, j'ai envie de le frapper. Mais je me retiens de le faire devant ma mère.

— Ce n'était pas la peine de faire autant de route seulement dans le but de te foutre de notre gueule, Frank !

FIGHT FOR US 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant