Le séducteur qui ne savait pas draguer

Chapitre III : Il en reste une

Point de vue Matt Pratty :

Étais-je en train de rêver ou cet Alexandre Jones me défiait du regard ? Pourquoi gardait-il ses yeux rivés sur moi ? Et puis, si c'était un air menaçant qu'il voulait se donner, c'était complètement raté. Il donnait plus l'impression d'être constipé...

— J'ai fini Jones...

Ma voix résonna dans la petite salle et ce fut comme si la musique d'un duel de western se déclenchait en arrière plan.

— Moi aussi j'ai fini Pratty...

Entre nous se tenait Edward Andrews, un garçon aux cheveux roux et aux yeux gris comme un ciel ténébreux. Passionné d'espionnage et de photographie, il étalait sur une table en face de nous toutes sortes de clichés.

— Voici les photos de tous les rendez-vous amoureux de Pratty, dit-il en pointant du doigt un dossier. Et voici les tiennes Alexandre. Je peux quasiment affirmer qu'il n'y a eu aucune triche.

Pour vérifier que tout le monde jouerait à la loyale lors de ce concours, j'avais confié à Edward la tâche de superviser les opérations séduction et, n'ayant pas d'autres choix que de m'obéir au risque d'un coup de poing bien placé, il avait fini par accepter.

Me regardant presque dans le blanc des yeux et de façon trop insistante à mon goût, Alexandre attrapa mon dossier pour le feuilleter.

Comme convenu, et parce qu'Edward avait bien fait son travail, se trouvaient dans mon dossier une trentaine de clichés environ me montrant au milieu de plusieurs rencards. Une photographie était attribuée à chaque jeune fille que j'avais réussi à séduire.

— Ton dossier m'a l'air complet Pratty, grogna Alexandre Jones après un moment de réflexion en le refermant sèchement.

— Le tien aussi Jones, répondis-je en reproduisant les même gestes avec le second dossier.

— Je vous l'ai pourtant dit, répéta Edward une nouvelle fois. Vous êtes à égalité, encore...

À égalité ? Encore ? Le sort s'acharnerait-il toujours contre moi ? J'étais bien meilleur que Jones alors pourquoi devais-je partager mon piédestal ? C'était d'une injustice ! Rageusement, je tapai du poing sur la table :

— Ce n'est pas possible ! On n'a pas pu finir notre mission séduction en même temps.

— C'est Samy qui surveillait Alexandre lorsqu'Emily a accepté de sortir avec lui, au moment même où Amy a accepté de sortir avec toi Matt, répondit Edward d'un air désemparé.

Samy, l'autre garçon qui supervisait le défi, avait déjà jeté l'éponge et avait quitté les lieux, ne laissant qu'Edward avec nous. Le garçon aux cheveux roux voulait à tout prix que cette stupide mission se termine.

Cela faisait des mois que cette pathétique mascarade durait et des années que cette guerre Pratty-Jones faisait rage dans l'école.

Savoir qui était le plus séduisant n'intéressait pas Edward, plus porté sur la nourriture et sur les jeux vidéo.

— Je vous le répète, peu importe le défi que vous vous lancez, le résultat reste et restera toujours le même : vous êtes et vous serez à jamais ex aequo.

Alexandre n'avait pas émis le moindre son depuis quelques minutes.

Les sourcils froncés, il comparait sa liste de filles séduites avec la liste officielle des élèves de l'école que nous avions facilement réussi à nous procurer.

— Qu'est ce que t'as, Jones ? demandai-je finalement, intrigué par l'air perplexe de mon rival. Y a un problème ?

— Tu connais une Brook ? Demi Brook ?