Chapitre 31

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Depuis mon arrivée ici, je ne me suis jamais aussi bien sentie qu'hier. Ils m'ont préparé une surprise sans même que je m'en rende compte, en même temps c'est le principe d'une surprise... Mais ça m'a vraiment touchée. J'aurais aimé que ma famille soit là, mais il leur est interdit de venir au bloc et de toute façon il n'aurait pas pu, puisqu'il n'y a plus de trains.

Malgré ce qui se passa hier, j'ai vraiment insisté pour que Yanis me laisse seule aujourd'hui. Il a accepté du moment que s'il y a quelque chose qui me tracasse je lui dise. Mais ce qui me tracasse n'est pas d'une grande importance alors je dis que tout va bien. Je pense sans arrêt au comportement de Bishop hier, c'était vraiment étrange et n'étant pas très curieuse de nature, je reconnais vouloir savoir ce qui se passe.

Aujourd'hui, je n'ai pas de but précis de ce que je vais faire. Alors j'ai décidé de me rendre dans le jardin du bloc. Moi qui connaissais les couloirs par cœur, maintenant je connais le jardin jusqu'au bout des doigts. Il y a deux potagers à la droite de la porte d'entrée dont proviennent les fruits et légumes de la cantine. Tout au fond, deux haies d'arbres tous bien alignés à équidistance. Au centre un énorme parterre de gazon dont pousse quelques fleurs. Mais la saison n'étant pas de mise, les fleurs se font rares. En été, le parterre doit être beau à voir. Il y a des bancs un peu partout, au soleil, à l'ombre, dans le potager, sur l'herbe, entre les arbres... Et moi je suis allongée sur l'un des bancs à la lisière des arbres, à regarder les branches bouger au rythme du vent. Je ne fais pas grand-chose de bien intéressant, je réfléchis, somnole, regarde le ciel et rêve de liberté... Je suis justement en train de somnoler que quelque chose vient me cacher ce doux soleil d'automne. J'ouvre les yeux et me redresse presque aussitôt que j'ai aperçu le patron. Il a le visage fermé ne laissant apparaître aucune émotion.

- Oui ? Il y a quelque chose ? je lui demande.

- J'ai quelque chose pour toi, me répond Bishop le visage aussi grave qu'hier, voire plus.

Je m'assois correctement, dos contre le dossier du banc et prends le papier que me tend Bishop. Son regard devient instantanément compatissant et je comprends que ce papier annonce une mauvaise nouvelle. Mon cerveau hésite à l'ouvrir, mais je prends une grande respiration et lis ces quelques mots.

Nous sommes navrés de vous annoncer que Monsieur Erwan Parker est mort dans l'attentat du 12 novembre dernier dans son école. Veuillez accepter nos plus sincères excuses.

Le monde vient de s'écrouler autour de moi. Je relis cette phrase une bonne vingtaine de fois avant que l'information parvienne à mon cerveau. Une phrase, 28 mots qui me donnent l'effet d'un boulet de canon reçut dans la poitrine.

- R-Rassure-moi, c'est une blague ? Parce que si s'en est une ce n'est pas drôle.

Bishop n'a point bouger et changé d'émotion. Il a toujours ce visage triste.

- Non, ce n'est pas possible ! Mon frère n'est pas mort ! Il y avait deux Erwan dans son école, tu es sûr que c'est lui ? je demande en haussant la voix.

Les gens commencent à nous regarder tous les deux, mais retournent vite à leurs occupations.

- Oui, c'est bien lui. Erwan Muller est actuellement chez ses parents, sain et sauf.

L'information est tellement absurde que je n'arrive même pas à pleurer. Je suis plus en colère qu'autre chose. Je relis encore cinq fois avant de me rendre de la date : 12 novembre. Mon anniversaire était le 17.

- Depuis quand es-tu au courant ? je demande plein de rage dans les yeux.

- Le lendemain même de l'attentat, répond-il sans une once d'hésitation dans la voix.

- Tu as gardé l'information cinq jours avant de me le dire ? Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? Comment as-tu osé garder ce-ce papier rien que pour toi ?

Je suis désormais debout, droite, ma taille m'important peu devant lui, les poings serrés à m'en faire mal à la main. Mais je ne ressens plus aucune douleur. La seule chose qui me préoccupe ce sont les explications qu'il a à me donner.

- Je suis vraiment désolé, mais j'avais ordre de ne pas compromettre les entraînements.

- Non mais j'hallucine ! Tu as un cœur en toi ou quoi ? Les entraînements avant la famille c'est ça ? Mais qu'ils aillent se faire voir tes entraînements ! On parle de mon frère !

Tout ce que me dit Bishop me rend encore plus en colère qu'autre chose. Je décide donc de mettre fin à notre conversation et me dirige vers la sortie, mais il me retient et me murmure du bout des lèvres un « je suis désolé ». Je lui jette un regard noir, me foutant de ces excuses et m'en vrais trouvé un endroit où je pourrais me calmer. Mais avant de partir je me retourne une dernière fois et lui dit :

- Je n'avais déjà pas confiance en toi, mais maintenant c'est sûr ça n'arrivera jamais !

Ma voix est remplie de venin et je m'en tape. J'atteins finalement la porte, sans lui jeter de regard et me dirige dans les couloirs en cherchant désespérément un endroit calme. Je ne veux voir, ni parler à personne.

Je trouve finalement une salle ouverte. En allumant la lumière, je m'aperçois que c'est la salle de mon anniversaire d'hier puisqu'il reste encore du gâteau. A cette simple vue, je m'écroule au sol et pleure toutes les larmes de mon corps. Il m'est impossible de mettre fin à mes pleurs. Les larmes coulent comme des cascades. J'en veux au monde, j'en veux à Erwan Muller de s'en être sorti, j'en veux au bloc qui ne me laissera pas rentrer chez moi voir mes parents et surtout j'en veux à Bishop. Il était au courant depuis le début et a attendu six jours avant de me l'annoncer. Comment a-t-il pu me regarder pendant les entraînements ? S'est-il au moins senti coupable de me l'avoir caché ? Je ne le saurais jamais et j'en m'en cogne désormais. La seule chose qui m'intéresse là, maintenant ce sont mes parents. Ils ont perdu leur fils, et n'ont pas été présents pour mon anniversaire. Notre disparition doit leur être infernal. Ils ne sont pas là avec moi, mais j'ai une chose à leur dire : Papa, maman sachez que je vous aime ! 

L'Envers du Décor [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant