Cendrillon (mais pas trop) [Terminé]

Chapitre 19

Le lendemain était le jour du mariage. Le saloon était en effervescence. Alex, toujours vêtue de son pantalon et de sa chemise (elle tenait à porter la robe le plus tard possible pour éviter d'être emprisonnée au saloon), aida Jane à s'habiller, la coiffa et la quitta. Un instant plus tard, cachée dans l'escalier, la jeune servante vit sa belle-sœur sortir de la chambre et rejoindre James. Ils avaient l'air de comploter quelque chose.

-Sûrement un plan de fuite, se réjouit Alex. Voilà qui va peut-être faire échouer les projets de Molly !

Lorsque Molly, debout dans le hall du saloon, entourée de Rachel et de Jane, vit descendre Alex, elle devint rouge.

La jeune fille portait une magnifique robe vaporeuse couleur argent qui illuminait son visage. Ses cheveux noirs relevés sur la nuque dévoilaient des boucles d'oreilles de la même couleur et ses escarpins à talons faisaient un bruit mat sur le tapis épais de l'escalier. A côté d'elle, Rachel, drapée dans une somptueuse robe de soie rose, paraissait tellement quelconque...

-Comment as-tu pu mal comprendre mes ordres à ce point ? tempêta Molly devant une Alex qui se recroquevilla.

-C'est la modiste... elle m'a dit qu'elle ne voulait pas que je...

-Ah oui ? Tu accuses une pauvre femme qui a sûrement dû se plier à tes exigences farfelues ? Eh bien tu vas te plier aux miennes !

D'un revers magistral, Molly envoya une gifle à Alex et la prit par le poignet.

-Si tu te crois si maligne, tant pis pour le protocole. Tu restes au saloon et tu ne reverras même pas ton prince. Viens !

Molly remonta rapidement l'escalier et enferma Alex dans sa propre chambre. La pauvre jeune fille fut envoyée à terre sans ménagement. Sa belle-mère s'approcha d'elle.

-Ca t'amuse, de jouer à l'intrigante ?

Alex ne répondit pas. Une nouvelle gifle.

-J'ai toujours su que tu n'étais qu'un monstre, une gamine affreuse qui essaye de s'assurer la sympathie des gens en leur faisant croire des choses fausses...

-Je ne suis rien par rapport à vous, cracha Alex. Si je suis un monstre, vous êtes un démon !

-Tu essayes de voler le mari de Jane en le séduisant !

-Ce n'est pas vrai ! pleura Alex. Il ne m'aime pas, il aime cette Christel qu'il a rencontrée au bal... Vous n'avez rien à craindre de moi. Je n'ai rien fait !

-Eh bien si tu n'as rien fait, tu ne vas rien faire pendant encore un petit moment. Te voilà bien enfermée ici, tu restes au saloon pendant le mariage. Dans deux heures, nous revenons avec ton cher Jeffrey qui n'aura d'yeux que pour Jane !

Et, laissant Alex éplorée, Molly quitta la pièce en fermant la porte à double tour.

En sortant du saloon avec ses deux filles, elle se heurta au prince, parfait dans son costume noir, une montre en or étincelant à son poignet.

-Ah, Altesse ! commença Molly de ce ton sucré qu'elle employait toujours avec lui. Comment trouvez-vous ? Votre fian...

-Où est Alex ? coupa-t-il.

-Oh, mais bien sûr ! fit Molly. Venez, venez, je vais vous conduire à elle...

Aveuglé par l'amour, le prince la suivit jusqu'à la chambre où était enfermée Alex.

-Voilà, Altesse, fit Molly d'un ton ravi en ouvrant la porte. Je vous laisse dix minutes pour faire vos adieux.

Elle sortit en sifflotant et monta la garde devant la porte.

Le prince s'était précipité vers sa dulcinée.

-Alex !

-Oh, prince ! Que faites-vous ici ?

-Je suis venu te sauver la vie Alex.

La jeune fille sursauta devant ce tutoiement si brusque et rougit.

-Quoi ? Mais pourquoi ? Je ne suis rien pour vous... Epousez Jane et je serai libre.

-Libre oui, mais heureuse ? Non. Et tu ne penses pas à moi ? Je mourrais si tu étais loin de moi...

-Non, ne dites pas ça... Jane est plus belle, plus intelligente, plus cultivée que moi. Elle vous rendra heureuse, j'en suis sûre.

-Fais-moi un sourire, fit doucement le prince en sortant la dent d'Alex de sa poche.

-Non... Ecoutez, si vous ne voulez pas épouser Jane, fuyez au moins, retournez chez vous, et oubliez tout d'ici, ce saloon, Molly, et notre aventure... Je serai bien ici...

Le prince attira Alex contre lui et prit son visage dans ses mains.

-Et si je t'enlevais ?

-Pourquoi ? Vous me détestez ! Vous n'aimez que Christel, la princesse, la riche, la gracieuse...

-Non, Alex. C'est toi que j'aime, je t'aime à la folie. Je m'en suis rendu compte tard, mais pas trop tard ! Nous allons nous enfuir, je vais t'épouser et nous serons heureux.

Il approcha son visage encore plus près. Durant un instant, Alex crut revivre ce moment d'absolu lorsqu'ils étaient allés chercher la reine, dans l'église en ruine. Elle ferma les yeux et le prince l'embrassa.