Chapitre 11

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Elle se trouvait devant lui, exactement comme il l'avait quitté, brune avec ses yeux légèrement foncés, pétillants de joie. Il avait manqué son regard, son sourire, son étreinte, son odeur. Elle lui manquait terriblement. Il ne voyait qu'elle, et cette maudite forêt où il l'avait perdu, où il avait rencontré Aza, le lion blanc qui lui avait tout raconté à propos de la guerre, de la Prophétie, de son rôle de Meneur. Olaï respectait ce lion, et il avait été rapidement attaché à lui. Il constituait pour lui cet appui, cet élan d'affection qu'Olaï ne trouvait nulle part sur son camp que chez lui, il était très compréhensif, et essayait de guider son Meneur du mieux qu'il pouvait. Mais il l'avait tout de même perdue, elle avait disparue entre ses mains, sans qu'il puisse l'aider. Elle avait été ôtée de lui à tout jamais. Il avait perdu Sipar.

 

Ivella ne connaissait pas l'endroit où elle se trouvait. Tout était sale et luisant, de la mousse couvrait les murs, accentuant la moisissure de l'endroit. Il s'agissait d'un espace très confiné, où Ivella se sentait à l'étroit. Elle n'arrivait pas à regarder devant elle, tellement l'endroit était obscure autour d'elle, comme si elle avait plongé aux fonds des ténèbres. Elle perçut un léger chuchotement, presque inaudible, qui l'appelait. Une voix très faible, quasiment cassée, qui s'était tue par la suite. Puis une voix plus grosse, plus rauque l'interpella. Ivella ne comprit pas se qui se passait. Ensuite, une autre voix, telle celle d'un pantin ou d'un clown, une voix sadique et hurlante, qui ricanait entre deux cris, l'appela. Ivella sursauta dès qu'elle l'entendit, elle avait toujours détesté le domaine du cirque, des clowns et des animaux enfermés. Plusieurs voix se mélangèrent peu à peu, toutes masculines, jusqu'à créer un cri, un hurlement strident et étouffé. Ivella se couvrit les oreilles et son corps fléchit sous son propre poids, faible. Elle croyait qu'elle allait devenir folle, qu'elle perdait peu à peu la raison, qu'elle serait hantée à tout jamais par ces voix qui hurlaient tour à tour son nom. Elle détestait les hommes, elle détestait son père qui a arraché facilement la vie à sa mère, elle détestait cet endroit, et voulait sortir, elle était si oppressée. Elle entendit, malgré les hurlements, un cri qui lui glaça le sang, un cri à déchirer les tympans.

Ivella avait été secouée d'un spasme d'horreur qui l'avait réveillé en sursaut, elle était pantelante, comme après chaque cauchemar qu'elle voyait. Mais il y avait bel et bien une voix qui l'appelait, celle d'Olaï.

Il était étendu, alternant entre les hurlements et les murmures portant le nom d'Ivella, la suppliant de l'aider. La jeune fille remarqua que son cas était semblable à celui de la veille, mais beaucoup plus piteux. Il implorait sans cesse l'aide d'Ivella, allant presque à l'ordonnait.

Il était clair qu'il n'avait plus possession de son corps, et tituba vers Ivella, en chuchotant son nom. Les pupilles des yeux d'Ivella s'étaient contractées sous l'effet d'une peur soudaine, et recula, malgré le fait qu'elle avait déjà le dos plaqué au mur. Olaï s'arrêta net, et se mit subitement à pleurer, révélant à Ivella ses yeux éteints. Des coups frappés contre le mur adjoint et des raclements sonores s'élevaient de la part du garçon, accompagnés de ses pleurs incessants. Il était hors de lui, et Ivella savait qu'une simple gifle n'allait pas lui rendre la raison. La déception lui brûlait la gorge, et elle ignorait ce qu'elle devait faire : l'aider ? Si oui, comment s'y prendre ?

Elle eût une sensation qu'elle n'eût depuis longtemps, cette sensation de vide, de peur, cette sensation où elle avait la gorge nouée, où elle sentait son cœur de serrer, où tout son corps s'était crispé sous le poids de l'angoisse. L'angoisse d'échouer, de voir quelqu'un s'éteindre peu à peu devant elle, alors qu'elle restait impassible, ne sachant que faire.

« Olaï ? » appela-t-elle, imperceptiblement

Il la regarda, cloué sur place. Il n'hurlait plus, il ne frappait plus, ses yeux arrêtaient de pleurer. Il la regarda. Ivella se leva, et tendit doucement sa main envers Olaï, pour l'initier à s'approcher. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait, et se laissait aller, dictée par son inconscience. Olaï s'approcha de manière progressive vers Ivella, ses yeux reprenaient peu à peu leur brillance, mais il s'écroula subitement par terre, hoquetant de douleur.

Chaos sauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant