Chapitre 1

7K 418 57
                                    

Je me réveille en sursaut et trempée de sueur. A côté de moi, Kelly remue avant de se tourner.

Elle se redresse en position assise et me frotte tendrement le dos.

- Encore ce foutu cauchemar ? me demande-t-elle.

Ayant la gorge trop sèche pour répondre de vive voix, je me contente de hocher la tête. Ce n'est pas vraiment un cauchemar, c'est plutôt un souvenir. La réminiscence de la pire période de ma vie. C'était il y a cinq ans et pourtant j'ai l'impression que ça s'est passé hier. Je me lève en dépit de mes jambes flageolantes. Il faut que je boive. Et que je me rafraîchisse, j'ai la sensation d'être complètement asséchée. Je descends l'escalier en colimaçon pour rejoindre la cuisine, à l'autre bout de ma maison. Je me sers un grand verre d'eau et me tourne vers la grande baie vitrée juste à côté. Ma maison de cent cinquante mètres carrés est en plein travaux. En effet, j'ai décidé de la faire agrandir un peu en y faisant construire une véranda. Hélas, l'entreprise qui devait s'en charger m'a planté la semaine dernière, je me retrouve donc avec une véranda à peine commencé, seulement soutenues par des étais et le sol jonché par des bâches transparentes. Je n'ai encore trouvé personne depuis pour continuer la rénovation. Je m'en serais bien occupée mais je ne suis pas du tout bricoleuse. Je suis avocate, pas maçon. Et ça m'agace au plus haut point de voir ma demeure dans cet état. Des bras m'enlaçant la taille me tirent de mes pensées. Kelly me dépose un doux baiser dans le cou.

- Tu me manques, Lana, me dit-elle. Depuis trois jours, je ne te reconnais plus, tu as l'air absente.

Je sors avec Kelly depuis un peu plus de cinq mois. Depuis que j'ai quitté Max, j'ai complètement éradiqué tous sentiments envers les hommes. Je les hais. Tous autant qu'ils sont, je les vois comme des bourreaux, des requins, des démons. Je me suis alors mise à regarder les femmes d'un autre œil. J'ai eu quelques aventures sans grand succès avant Kelly, mais je ne maîtrisais pas encore mon homosexualité pour leur donner tout ce dont elles voulaient. Après tout, je n'avais vécu qu'avec un seul homme et je ne m'étais alors jamais posé la question quant à mon orientation sexuelle. Mais lorsque cette magnifique blonde pulpeuse aux grands yeux verts a croisé mon chemin dans ce bar pour gays, j'ai su que je pouvais être lesbienne sans avoir honte de moi. Nous avons dansé ensemble, bu des verres, nous avons attendu quelques jours avant de nous embrasser et elle m'a donné confiance en moi quant à notre première nuit ensemble. Je n'avais encore jamais fais l'amour avec une femme. J'avoue que j'étais très réticente, au début. Mais Kelly a été douce et patiente et depuis, j'adore chaque nuit passées avec elle. 

Nous sommes toutes les deux très féminines. Au premiers abord, personne ne se doute que nous sommes en couple. Mais nous assumons totalement notre homosexualité, aujourd'hui. Je pose mon verre vide sur l'îlot centrale de ma cuisine avant de me tourner face à ma copine. Je prends son visage de poupée en coupe dans mes mains et lui dépose un baiser tendre et amoureux sur ses lèvres parfaites.

- Je sais, lui murmuré-je en collant mon front au sien. C'est juste que je stresse de ne pas trouver quelqu'un pour finir cette fichu véranda. C'est un vrai désastre.

Et un vrai mensonge que je viens de proférer. Bon, ça s'agace un peu de ne pas parvenir à trouver une seule entreprise de libre pour me monter la pièce, mais ma véritable angoisse est loin de ce contexte. Depuis trois jours - trois nuits, plutôt -, je vois quelqu'un rôder autour de ma maison. Je crois que c'est un homme, à en juger par sa démarche, mais il est bien trop loin pour que je puisse le confirmer, à chaque fois. Je l'ai remarqué alors que je regardais par la fenêtre. Au début j'ai eu peur et le temps de prendre ma lampe torche dans le tiroir, il avait disparu. J'ai alors cru que j'avais tout simplement rêvé. Que je voyais Max partout. Mais la seconde fois, avant-hier, je l'ai bien vu. J'en ai lâché mon verre. Il se tenait toujours au même endroit, plongé entre les arbres qui entourent ma maison isolée, devant ma pseudo-véranda. Cette fois, je ne l'ai pas lâché du regard et il est resté là pendant plusieurs minutes. Je crois qu'il me regardait, lui aussi, mais je n'en suis pas sûre. Ou elle, je n'ai pas encore deviné de quel sexe est cette mystérieuse personne. Ce qui est sûre, c'est qu'elle me fait peur. 

Juste une nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant