Chapitre numéro trois.

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« Une chose dont on ne parle pas n'a jamais existé.
C'est l'expression seule qui donne la réalité aux choses. »
-Oscar Wilde

« -Je crois savoir qui tu es. »

Tic tac, le temps s'est arrêté.

Ces mots ne cessaient de résonner dans ma tête en vain. C'était assez surprenant d'entendre ça de la part d'une figure que je venais à peine de rencontrer. J'avais pourtant l'impression qu'il me rappelait vaguement une mémoire perdue dans les oubliettes de mes pensées, et c'était bien triste de ne pas me souvenir de lui et de ce qu'il avait apporté à mon existence. Je voyais dans ses yeux ses réminiscences émergeant de toutes les couleurs au plus profond de lui. J'étais troublée qu'il me connaisse probablement tandis que je ne savais même plus le visage de celle qui m'avait mise au monde. Pourtant, comment oublier cette femme dont le sang coule dans nos veines ? Je ne peux me confier qu'à moi-même vu que je suis seule à présent. Enfin, j'étais.

« -Comment cela ? dis-je étonnée.

-Tu apparaissais dans mon rêve la nuit dernière. Quand je me suis réveillé aujourd'hui, je ne me souvenais de rien, sauf de ton visage.

-Et comment étais-je dans ton rêve ?

-Exactement comme telle, fit-il d'un ton bref. »

Je ne préférais pas savoir ce qu'il pensait de moi étant donné que je ne sais même pas qui je suis. Il n'avait pas l'air de vouloir m'en dire davantage de toute façon. Il était un coffre scellé. Il était difficile à cerner. C'était troublant. Mais cela donnait envie de percer cette carapace de mystérieux secrets.

« -De quoi te souviens-tu ? lui demandai-je. »

Ce n'est pas que je n'aie plus peur de lui, c'est que j'avais envie d'en savoir plus. Je suis ici, seule, atterrissant au milieu de nulle part et je n'ai aucun renseignement concernant où je me trouvais, et je n'arrivais pas à décréter le pourquoi du comment.

Mais il ne disait rien. Le calme faisait écho. La brise caressait mon visage. La faim hurlait et cognait à la porte sans que je ne puisse la soulager. Ma gorge était aussi sèche que ce paysage sableux. On aimerait s'enterrer, aspirer de notre côté la moindre parcelle d'ombre et de fraîcheur qui ferait surface mais elles sont introuvables. Elles doivent s'abriter sous les tropiques d'un monde idéal.

Je fermai les yeux un instant car ce moment nous gratifiait de ce calme que j'attendais chaque seconde.

« -Es-tu en train de mourir ? s'inquiéta-t-il.

-Profite un instant. Ferme les yeux et écoute.

-Ecouter quoi ?

-On ne voit rien, on n'entend rien et cependant quelque chose rayonne en silence.

-Qu'est-ce qui rayonne ?

-Je ne sais pas trop. L'espoir sûrement.

-Et pourquoi pas l'amour ? »

Je rouvris les yeux et le fixai.

« -Je ne sais pas ce que c'est que l'amour.

-C'est fantastique, mais dévastateur, fit-il étrangement.

-Pourquoi ?

-Chacun a sa façon d'y goûter. Je trouve ça fabuleux car cela nous fait ressentir des choses qu'aucun Dieu n'a jamais pu connaître. Nous éprouvons quelque chose qui embrasse ton cœur et te câline le bras aussi soigneusement que la neige. Mais si cela finit mal, ton monde est réduit en un rien désarmé, ne laissant que poussière et souffle de peine.

...Where stories live. Discover now