Chapitre 10 - Zacharie (Partie 2)

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Apathique, Zacharie ne réalise pas

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Apathique, Zacharie ne réalise pas. Ses pensées entravées, suite vaporeuse de divagations, s'éternisent sur des détails trompeurs, des notes lointaines. Un chapelet de lettres se tisse. Ses perles se coordonnent. Les ondes sonnent.

« Ik... ik vorenden... »

Est-ce à lui qu'on s'adresse ?

Une voix tremblante l'extirpe du néant.

« Ik... ik vorenden mik. Ik bin Mobius Klein ! lance-t-elle.

Je... je me présente. Je suis Mobius Klein ! comprend Zacharie.

— Assocurorsi chi, infurni ! s'insurge une seconde, féminine.

Soyez convaincu, bon sang !

Les paroles sèment la pagaille dans sa boîte crânienne. Sans savoir pourquoi, les phrases percent son esprit fatigué jusqu'à provoquer en lui une réaction insolite. La signification résonne comme un écho implacable. Pourtant, ces mots – il en mettrait sa main à couper –, jamais il ne les a entendus auparavant. Il en est persuadé. Ils n'appartiennent pas à sa langue natale. Pire encore, les deux voix sonnent dans deux jargons totalement opposés, vibrent sur deux harmoniques distinctes. Malgré leurs différences, elles se renvoient la balle. Elles communiquent sans mal.

Alors, comment peut-il entrevoir cette dualité ?

Les étranges syllabes gutturales et étouffées de la première semblent avoir toujours eu une signification pour lui, de même qu'il discerne la vive énergie de la seconde, celle qui multiplie les voyelles délicates. Ce qui se déroule n'a aucun sens. Ou plutôt, bien au contraire, tous ces phonèmes inconcevables n'en ont que trop.

Après tout, Zacharie ne parle qu'une seule et unique langue, le kieli, la langue des dieux pour les hommes, la langue de tous les hommes, celle des Vogueurs, génération après génération, celle des Sombreurs à travers leurs cantiques, originaires des textes anciens, et même celle des Fouleurs impies dans une variante plus souple et profane. Comment un autre dialecte, une autre façon de conjuguer les mots, peut-il exister ? Est-ce celui des dieux eux-mêmes, celui qu'on dit inaccessible et sacré ? Mais alors, quel dieu porte ce nom si étrange ? Mobius Klein. Quel dieu tremble lorsqu'il se présente à ses fidèles ? Quel dieu supporte les réprimandes ?

La voix s'impose, plus claire que jamais.

« Je me présente. Je suis Mobius Klein ! Nous permettez-vous d'entrer ?

— Voilà, c'est beaucoup mieux ! s'égaye une troisième en arrière plan.

— Merci de votre soutien, Xenon ! » s'irrite la première.

Les structures linguistiques inconnues se perdent en murmure. Tout s'aligne, se traduit comme par magie. Aux deux canaux superposés se substitue maintenant un seul dialogue, un flux unique de paroles tout à fait compréhensibles. Il ne reste plus qu'une vague trace dans ses pensées, un doute. Les mots l'atteignent désormais sans effort, sans double langage. A-t-il réellement entendu ces distorsions vocales ?

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