Chapitre 9 - Zacharie (Partie 3)

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Zacharie ramait de toutes ses forces

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Zacharie ramait de toutes ses forces.

Les premiers rayons du soleil émergeaient sur l'horizon marin. Bientôt la ville flottante disparaîtrait derrière la brume. Dans quelques heures il aurait quitté la mer, posé le pied à terre. Dans quelques heures, il s'attirerait le courroux des Vogueurs, son peuple, en abandonnant le monde aquatique qui l'avait vu naître, en foulant le sable interdit et la roche maudite.

Au loin, le son d'un cor attira son attention.

Les pêcheurs s'apprêtaient à quitter le port pour naviguer au-delà de la baie bienveillante qui protégeait les cinq mille âmes qu'abritait Kelluva. Les canots s'éloigneraient alors en pleine mer, dans la direction opposée à la sienne. L'un des marins fulminerait certainement en découvrant qu'on lui avait volé son outil de travail, son outil de survie. Mais c'était un moindre mal.

Zacharie ne s'en souciait pas. Il fendait désormais les mornes vagues à vive allure. Il entrevoyait un avenir brouillé par ses pensées néfastes qui l'avaient accompagné jusqu'ici. Le sang, le couteau, l'agonie silencieuse de cette femme. Les tremblements incontrôlables qui suivirent et sa fuite instinctive jusqu'au trou à murène. Dans l'obscurité du cabanon, il avait réfléchi hâtivement, mais aucune solution ne lui était apparue comme possible. Il avait ensuite déniché un canot esseulé, replié le mât et veillé à disposer son précieux paquet, enchâssé entre les filets et les flotteurs entassés à l'avant, de telles sortes que les roulis et les éclaboussures ne l'affectent pas. Puis, il avait sorti les rames et s'était lancé vers l'inconnu, poursuivi par le doux souvenir de Lucia.

Le cor sonna de nouveau.

Les embruns rafraîchissants du matin le revigoraient doucement et c'est alors qu'il l'entendit pour la première fois. Ce son aigu et plaintif, ce cri perçant qui s'échappait du paquet. Affolé, il lâcha les rames, se pencha vers lui et en effeuilla quelques couches, alors qu'un remous tentait de lui faire perdre l'équilibre.

Là, au milieu des linges souillés, un bébé chétif pleurait sans qu'une larme ne roule sur ses joues rougies. L'enveloppe amniotique recouvrait encore ses épaules et ses cheveux poisseux comme un châle translucide et sanglant. Sa peau portait encore les traces brunâtres des liquides qui l'avaient protégé pendant sa croissance.

Zacharie dégagea les tissus et le prit dans ses bras.

« Désolé de t'avoir secouée comme ça, petite sœur », murmura-t-il.

Il la serra contre son torse, essuya ses yeux bleu marine et malicieux.

« Maintenant, je suis ta seule famille. »

Les pleurs se calmèrent.

« Et toi ! Toi, tu seras aussi ma seule famille, lui dit Zacharie, la voix chevrotante. »

Le bébé battait des paupières.

« Maman n'a pas eu le temps de te donner un nom. Alors c'est moi qui dois m'en charger. J'espère que tu l'aimeras. C'était le sien. Celui de maman. »

Le jeune garçon pleurait silencieusement. Il se pencha sur le côté et du creux de la main, ramena un peu d'eau de mer sur le front de la fillette. Elle grimaça. Zacharie retrouva le sourire en la voyant frémir de dégoût sans retenue.

« Tu t'appelleras Aliénor ! » annonça-t-il.

Son cœur cognait dans sa poitrine.

« Puissent Valta et les siens te garder en vie ! »

Une bourrasque fouetta son visage. Kelluva avait disparu.

« Aujourd'hui, Aliénor. C'est une nouvelle vie qui commence. Aujourd'hui, nous devenons des Fouleurs d'Ouräth. Nos frères nous pourchasseront sûrement, mais ne t'en fais pas pour ça... »

Des terres torturées se dessinèrent.

« Moi, je te protégerai. »

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