Chapitre 19 - Mobius (Partie 2)

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L'amphithéâtre se dorait des premières lueurs du matin

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L'amphithéâtre se dorait des premières lueurs du matin. Les ras rayons se heurtaient aux imperfections des baies vitrées. Ils se projetaient sur les pupitres disposés en arcs de cercle. Des panneaux de bois recouvraient les murs jusqu'aux angles des plafonds, où courait un liseré sculpté d'un millier de masques morbides, tantôt amusés, tantôt suppliciés. Le murmure des écoliers bourdonnait sous la voûte. Dans les gradins bondés, on se chamaillait gentiment à coup de pied, de poing et de cheveux tirés. Frieda avait forcé les élèves à se décaler d'un cran pour installer Mobius sous les fenêtres du premier rang. Ce dernier avait enfoui sa tête entre ses épaules. Il préférait se taire pendant que son unique voisin discutait avec d'autres.

Le cours allait bientôt commencer.

Debout sur son estrade, le professeur d'anatomie n'attendit pas le silence. Il pointa vers le tableau son bras télescopique, un greffon grossier d'humérus et de coudes qu'il agitait comme un mètre dépliant. À l'extrémité, sa main pâle s'escrima contre l'ardoise. Elle égrenait son savoir à la craie. Dès les premiers mots tracés, les spectateurs s'apaisèrent et saisirent leurs plumes. Chacun reproduisit sagement les pleins et les déliés sur son cahier. Les pointes métalliques griffonnaient en cadence. En retard sur les autres, Mobius versait seulement l'encre dans le creux de son plumier. Lorsqu'il commença enfin à inscrire le titre de la leçon, une lourde voix emplit tout l'espace et le stoppa dans son élan. Le professeur s'était adossé à son bureau, face à l'assemblée. Sa bouche chirurgicalement distendue portait ses paroles jusqu'au fond de l'amphithéâtre.

« Aujourd'hui, je vous réserve une petite surprise ! Mais avant ça... »

Son bras se plia en cinq et reprit une allure parfaitement banale.

« ...qui peut me dire ce qu'il sait de la douleur ? »

Les doigts se levèrent. Frieda remuait sur son banc ; il s'impatientait.

« Je t'écoute ! lui lança le professeur.

— La douleur est un léger stimulus qui nous avertit quand on va vraiment trop loin.

— Quand on se coupe un bras, ajouta un élève.

— Ou encore quand on prend un coup dans les baloches » pouffa un dernier.

Quelques rires traversèrent les rangs. Mobius ne trouvait pas ça très drôle.

« C'est exactement ça ! » s'exalta le professeur.

Il se tourna vers une surface encore vierge du tableau et y traça une courbe.

« Résistance à la douleur en fonction de l'échelle des Temps. »

Puis, il fit volte-face. Son auditoire dressait des sourcils intrigués.

« Qui peut me commenter ce graphique ? »

Frieda intervint le premier. Il se soumettait à l'exercice avec enthousiasme.

« Alors, l'abscisse couvre une période de trois mille ans. On voit très nettement que nos ancêtres supportaient dix fois mieux la douleur que les générations d'aujourd'hui. On constate aussi de violentes régressions. Je suppose qu'elles sont dues aux grandes épidémies qui ont affaibli notre patrimoine héréditaire.

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