Chapitre 8 - Lhortie (Partie 1)

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« Lieutenant-Chef ? murmura une voix déconfite

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« Lieutenant-Chef ? murmura une voix déconfite. Vous dormez déjà ? »

Alors que Lhortie se glissait à peine dans son lit, quelqu'un toquait timidement à sa cabine. Elle serra les dents. Sans réponse de son supérieur, l'homme insista.

« Chef ? C'est Foliot, votre sous-lieutenant, chef !

— Bien sûr que c'était lui ! » songea le lieutenant.

Elle l'aurait reconnu entre mille : il jappait sans cesse d'insupportables formules de politesse à la manière d'un cabot fidèle. Son enthousiasme et sa voix nasillarde l'irritaient, mais il avait aussi ses avantages. Indulgent et naïf face à toutes les situations, il lui suffisait d'une infime récompense pour oublier tous les coups de pied qu'elle lui mandatait. Il ne connaissait pas la rancune.

« Qui y a-t-il, Foliot ? gronda Lhortie.

— C'est vraiment urgent, chef ! Je crois qu'on a un problème, chef !

— Voyez-vous ça ! »

Atterrée, elle s'extirpa de sous ses couvertures, puis elle enfila son seul chemisier en coton. Derrière la porte, elle imaginait Foliot se dandiner comme un pendule. L'homme souffrait d'un tic dérangeant qui s'immisçait lorsqu'il poireautait au garde à vous. Cette mauvaise habitude lui avait valu le surnom de Culbuto, ce qui n'empêchait pas les troupiers de le respecter pour ses qualités d'écoute, de compréhension, mais surtout pour son courage lorsqu'il relayait les informations au lieutenant à leur place. Quand le sujet s'avérait brûlant, les soldats passaient toujours par Foliot. Messager, mais aussi souffre-douleur auprès de son supérieur, il commandait le Présage lorsque celle-ci voulait se reposer. Lhortie saluait son obstination, sa fidélité et son obéissance, mais l'homme souffrait d'un manque total d'initiative. Sûrement son plus gros défaut, parmi une flopée de travers qui écornait son image. Il fallait s'y résoudre. Elle ne l'avait pas choisi, tout comme elle n'avait pas choisi son équipage.

Aussi, d'un tour de main, le lieutenant enroula sa chevelure brune en un chignon improvisé, puis ouvrit la porte sur le couloir. Foliot lui apparut dans la pénombre. Son crâne, terrain de jeu d'une calvitie avancée, brillait à la lueur blafarde des lampes. Une ride chevauchait ses sourcils broussailleux derrière lesquels se fondaient des yeux inquiets.

Lhortie le dévisagea, circonspecte.

« Alors ? lui demanda-t-elle sèchement.

— Le timonier, chef ! Il affirme qu'on perd de la vitesse, chef. Je ne sais pas quoi faire !

— J'imagine que vous avez contacté la salle des machines ?

— Oui, chef ! Bien sûr, chef ! » lança Foliot, fier de lui.

Lhortie resta de marbre.

« Et donc... ?

— Personne ne répond, chef ! Alors je suis venu vous voir ! »

Le lieutenant prit une profonde respiration et referma la porte derrière elle. Foliot se recroquevilla, le visage contrit, puis commença à se balancer.

« Vos ordres, chef ?

Il faut tout faire soi-même ! » songea Lhortie.

Tout faire, ce n'était pas peu dire ; elle fulminait intérieurement. Elle avait besoin de repos... vraiment. Sa colère s'accentuait en des pics qu'elle ne maîtrisait plus comme une ritournelle hypnotique d'injures ponctuées d'envies de meurtre, d'abandon et de grands espaces. Tout y passait. Mais elle restait fière et droite dans ses bottes. Seuls son chignon ébouriffé et sa chemise débraillée pouvaient témoigner d'un léger surmenage. C'était le contrecoup de la nuit dernière, une nuit blanche interminable passée à préparer son discours pour l'embarquement. Elle y avait distillé la dose parfaite de conseils, d'avertissements et de formules de bienvenue. Était-ce vraiment nécessaire ? Oui, bien sûr ! Il lui fallait imposer le respect, maintenir l'ordre, refréner une quelconque envie d'insubordination, empêcher le chaos de répandre ses graines à bord du Présage, car une simple broutille pouvait vite tourner au drame.

« Suivez-moi ! » lança-t-elle.

D'un pas décidé, Lhortie se dirigea vers la poupe. Foliot lui collait au train.

DAEHRAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant