Chapitre 1 Partie 9

5 4 0
                                        

⚠ Ce chapitre aborde des thèmes susceptibles d’affecter la sensibilité de certains lecteurs : violence, harcèlement, discrimination, tentative de suicide, violence sexuelle, mort explicite, manipulation.
***

Les gouttes s'écrasent sur le sol, récurant toutes les impuretés du monde. Tout le monde se précipite vers un abri, évitant ses lames aquatiques.

Au milieu du torrent, je marche. Insensible au froid qui ralentit mon avancée. Indifférent à la douleur qui s'abat sur mes membres. Mais pas aux regards qu'ils me lancent. Je les vois. Ces yeux inquisiteurs qui me transpercent plus que l'eau translucide. Je les entends. Ces murmures qui s'élèvent au-dessus du tonnerre, portant tous le même dédain pour mon nom.

Une boule serre ma gorge. J'aimerais leur hurler qu'ils font erreur et que je suis victime d'injustice. J'aimerais qu'ils perçoivent la réalité avec ma vision des choses. J'aimerais que, pour une fois, ils arrêtent de me considérer comme le méchant de l'histoire. La police a placardé des avis de recherches partout. Je ne suis plus un homme. Juste une bête de foire.

La façade de mon domicile se révèle, voulant exhiber sa laideur aux yeux de tous. Elle semblait encore plus instable sous l'averse. Comme sur le point de s'écrouler. Comme moi, il y a peu. J'en ai traversé des choses. J'en traverse encore. Mais enfin, je vois le bout du couloir. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que tout ne se remette à sa juste place. Avant que je ne revienne à ma juste place.

À l'intérieur, pas un souffle. Mon corps se dirige vers la grande armoire de la chambre, l'ouvre et y entre. Je récupère le sac caché dans un compartiment au fond. Avec tout cet argent, on pourra même refaire notre vie si les choses ne s'arrangent pas ici.

Le cliquetis de la porte qui s'ouvre suspend ma respiration. Instinctivement, je referme la porte du meuble sur moi, laissant un minuscule espace pour voir la chambre. Je n'avais nullement l'envie de montrer tout cet argent à ma femme. Ni de lui servir des explications. Ou peut-être que je ne veux pas croiser son regard. Je ne veux pas y lire dans le même dédain que j'ai vu dans les leurs.

Je l'entends parler. Gaie. Pétillante. Je sens mon cœur rater un battement. Ça faisait longtemps que j'avais perçu cette émotion dans sa voix. Une autre voix lui répond sur le même ton. Celle d'un homme.

Les pas se rapprochent de la chambre et leurs paroles deviennent plus distinctes.

— ...Oui... J'ai croisé des policiers dans le hall. Et sa tête est partout... Je me demande comment il va...

— Ne me dis pas que tu t'inquiètes pour lui, Lisa.

De ma cachette, je vois le dos affaissé de ma femme assise sur le lit. Ses yeux étaient rouges et bouffis. Elle n'avait pas l'air en forme. Je ne pouvais qu'entendre son interlocuteur. Qui était-il ? Un proche ? Un collègue ? Son amant ? J'espère de tout cœur que ce n'est pas la dernière option.

— C'est vrai. Je suis morte d'inquiétude pour lui.

— Mais enfin ! Tu as oublié tout ce qu'il t'a fait ?

Moi ? Je n'ai jamais rien fait de mal à ma femme. Personne n'a jamais voulu d'elle. Elle a même eu de la chance que je lui accorde mon attention.

— Non. Comment oublier ?

Elle rit nerveusement et baisse la tête. J'ai toujours adoré la voir si pathétique. Toutefois, c'était différent aujourd'hui : la voir comme ça me troublait.

— Je sais que tu me prends pour une femme naïve qui reste malgré tous les abus de son mari. Mais je ne peux pas partir, l'abandonner.

— Lisa ! Tu t'entends parler ?! Henri est un monstre.

ScriptumWo Geschichten leben. Entdecke jetzt