Chapitre 3

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Les premiers temps à Poudlard furent étranges.

Harry avait l'impression de revivre en partie sa sixième année, bien qu'il n'ait plus la pression de devoir se battre pour le monde magique.

En fait, il passait son temps à traquer Malefoy afin de lui parler et le Serpentard le fuyait avec une obstination remarquable.

Hermione lui hurlait régulièrement dessus, appuyée par le regard désapprobateur de Ron, sous l'œil hilare de Ginny qui refusait de prendre parti.

Cependant, la situation n'avait rien à voir avec ce qu'il avait déjà vécu : il avait l'impression de profiter de la vie plus que de la risquer, et la fuite permanente de Malefoy ne le rendait pas furieux ou frustré. En fait, Harry ne s'était jamais senti aussi vivant.

Il fallut quelques semaines pour qu'il prenne conscience des conséquences de ses actes. S'il s'amusait, ce n'était visiblement pas le cas de Malefoy. Le Serpentard semblait se replier sur lui-même, pâle et cerné, maigrissant à vue d'œil.

Pour une fois, Harry ne se montra pas aveugle ou borné : il fut le premier à s'en rendre compte.

À force d'épier les faits et gestes du Serpentard, il nota qu'il ne mangeait pas vraiment, se contentant de remuer la nourriture dans son assiette distraitement — quand il ne manquait pas le repas purement et simplement. Puis, il se rendit compte de sa démarche hésitante, les épaules voûtées et la tête basse, de ces cernes impressionnants qui s'étalaient sous ses yeux, et de son expression traquée, comme s'il craignait pour sa vie.

Choqué des conséquences de ses actes — alors qu'il ne ressentait pas la moindre envie de blesser Malefoy — Harry passa une nuit blanche à ruminer, et à réfléchir à ce qu'il pourrait faire pour arranger les choses. Réparer ce qu'il avait fait.

Harry commença par prendre du recul. Il refusait d'avouer à ses amis à quel point il s'était montré idiot, tout comme il refusait de donner raison à Hermione, ce qui donnerait à son amie des arguments solides pour qu'il reste à l'écart de Malefoy.

Bien que Ginny soit sa confidente et la personne la plus proche de lui, il garda également le silence près d'elle, avec l'impression qu'il ne devait pas partager Malefoy. Il y avait une sorte de possessivité presque primale qu'il était incapable d'expliquer.

Malefoy était à lui. Son rival. Il avait cru qu'il était son ennemi. Il l'avait presque tué, et cet épisode l'avait marqué profondément, au point où la culpabilité le hantait, toujours aussi brûlante.

Durant la guerre, Malefoy l'avait reconnu lorsqu'il avait été capturé par les rafleurs, mais il avait gardé le silence. Ils s'étaient juste fixés dans les yeux et le refus de Malefoy de le dénoncer avait suffi pour qu'il puisse s'échapper.

Puis, le jour de la bataille... ils s'étaient fait face dans la salle sur demande. Harry était certain que s'il avait été seul, Malefoy n'aurait pas levé sa baguette contre lui. Mais Crabbe et Goyle étaient présents et Crabbe avait jeté un feudeymon, qu'il avait été incapable de maîtriser.

Ce jour-là alimentait bon nombre de ses cauchemars également, quand il se souvenait que Malefoy avait été proche de brûler vif.

Harry n'avait pas pu l'abandonner au milieu des flammes.

Il avait fait demi-tour pour lui, sans se soucier de sa propre sécurité et des cris de ses amis. Il avait tendu la main et l'espace d'un instant, il avait craint que ce ne soit pas suffisant.

S'il avait lâché trop vite Malefoy, ou mal évalué la distance... Mais la main de Malefoy s'était logée dans sa main, et il l'avait serré avec une force qu'il ignorait avoir, avant de le tirer derrière lui sur le vieux balai oublié de tous qui leur avait sauvé la vie.

Malefoy s'était agrippé à sa taille, collé contre son dos, et le souffle du jeune homme dans le cou de Harry avait suffi à calmer son cœur qui battait la chamade. Sa présence près de lui avait semblé naturelle et Harry était certain que Malefoy avait ressenti la même chose. Il s'était serré contre lui sans la moindre hésitation et il n'avait pas eu le moindre geste de recul à son contact. Au contraire. Il avait semblé pendant un bref instant plus détendu, comme si ses soucis et ses peurs s'envolaient.

Ce moment de grâce n'avait pas duré. À peine sortis de la salle sur demande en feu, ils avaient dû s'éloigner l'un de l'autre. Harry avait accroché le regard de Malefoy, mais ce dernier semblait rongé par la culpabilité et ses pupilles dilatées montraient à quel point il était terrorisé.

Il avait souvent pensé à Malefoy par la suite, à son désespoir inscrit sur son visage et à la peur qui voilait son regard gris. Harry avait su que Malefoy s'était résigné à terminer sa vie à Azkaban...

Il avait surveillé la Gazette et il avait attentivement écouté les conversations d'Arthur, lorsque ce dernier rentrait du ministère. Certains membres de l'Ordre passaient encore au Terrier pour parler de la guerre et des procès de Mangemorts, et Harry restait toujours à proximité, les oreilles grandes ouvertes, terriblement attentif.

Le jeune homme ignorait s'il avait le pouvoir d'agir sur ce qui se passait dans le monde magique maintenant que son rôle était terminé, mais il était déterminé à combattre chaque injustice qu'il découvrirait... en commençant par défendre les Serpentard en général et Malefoy en particulier.

Heureusement, il n'avait pas eu à le faire. Drago Malefoy n'avait même pas eu à subir un procès, malgré la marque sur son bras. Kingsley Shakelbolt, en tant que nouveau ministre, avait lancé un appel au pardon et à la paix, décidant d'emprisonner les plus cruels des Mangemorts et de laisser les moins actifs libres, bien qu'ils soient sous surveillance.

Ensuite, Harry n'avait plus entendu parler de Malefoy jusqu'à leur rencontre dans le Poudlard express, probablement parce que sa famille faisait en sorte de ne pas se faire remarquer.

Harry ne savait pas si Lucius Malefoy s'était réellement repenti, depuis qu'il était à Azkaban, mais il se doutait que Narcissa contrôlait ses interactions avec son fils d'une main de fer...

Alors qu'il se montrait plus discret, il nota que Malefoy semblait se détendre légèrement. Harry se sentit stupide de ne pas avoir pris en compte les séquelles laissées par la guerre, d'autant plus que le Serpentard était considéré comme un ennemi par la majorité de ses camarades. Il était dévisagé avec haine ou dégoût, bien loin des paroles apaisantes du ministre ou même de la directrice MacGonagall le premier jour.

À force de surveiller les allées et venues de Malefoy sur la carte du Maraudeur, Harry finit par réussir à le coincer. Seul à seul. 

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