Flopin l'incorruptible

Chapitre 1 : Le moulin

L'histoire commence quelques semaines après que Flopin, jeune Crâ pré-adolescent, ait quitté sa famille (son père le Iop Tristepin, sa mère la Crâ Evangelyne, sa sœur Iop Elely et son petit frère le Iop Pin). Cela a causé beaucoup de tristesse, d'un côté comme de l'autre, mais Flopin en avait besoin : il éprouvait un mal-être dans sa famille, qui était constitué d'être plus impressionnants les uns que les autres : sa mère brillait par son intelligence, et les autres brillaient par leur puissances immense. Lui, c'était le petit gars sérieux, appliqué, sage, qui faisait toujours ce qu'on lui disait et suivait à la lettre les règles. Mais il sentait bien dans le regard de ses parents que c'était d'Elely, sa sœur, qu'ils étaient impressionnés : par sa force, par son courage. Même sa mère, dont pourtant il était très proche, n'arrivait pas à le cacher. Ce n'était pas qu'il ne sentait pas aimé, au contraire, il avait toujours reçu beaucoup d'amour. C'était plutôt qu'il avait l'impression qu'on ne reconnaissait pas vraiment sa valeur, il éprouvait un grand sentiment d'inutilité, il avait l'impression d'être comme une tâche sur le tableau. C'est pourquoi il décida de suivre son-père maternel, qu'il connaissait à peine, vieux Crâ expérimenté et assassin de métier, dans ses aventures, dans l'espoir de devenir une version plus parfaite de lui-même. Cela faisait quelques semaines que Flopin avait quitté sa famille, et il expérimentait déjà le fait déjà de dormir dehors, dans le froid, et d'être réveillé par les premiers rayons du soleil. Il avait aussi déjà expérimenté la chasse, mais selon la méthode Crâ, c'est à dire de manière méthodique. 

- Prends le moins de risques possible. Réfléchis toujours avant d'agir.

Voilà ce que lui assenait à longueur de temps son grand-père. A par pour ce genre de leçons, son grand-père ne lui disait pas grand chose. C'était quelqu'un de taiseux et de peu expressif, toujours dans le contrôle. Flopin avait bien essayé de créer un minimum de complicité, ils étaient de la même famille après tout, mais ils restaient dans un rapport strictement de maitre à élève. Il l'appelait Mentor et ce surnom avait été accepté, ou plutôt il n'avait pas été rejeté. 

- Ralentis et éveille tes sens, lui dit Mentor, alors qu'ils approchaient d'un moulin, situé sur les bords d'une rivière. Nous ne savons pas à quel nombre s'élève nos ennemis.

Flopin obéit, et avec application, éveilla ses sens. Maintenant, il percevait la brise du vent, le vol des insectes et...des bruits de pas, dans la grange du moulin, situé à 200 mètres.

- Pouvez-vous me dire quel est le plan, Mentor ?, demanda Flopin.

- Regarde ce que je fais, répondit laconiquement Mentor.

Sur ces mots, il avança furtivement vers la grange. Flopin l'imita.

- Héhé, on va se faire un sacré magot là, dit un des types de la grange.

- Ouaip, ce type, là, il pèse à Bonta !, dit un autre.

Au milieu de ces deux bandits, était agenouillé un type, embâillonné, qui poussait des gémissements, manifestement pour supplier de le relâcher.

- On attend la rançon, puis on le découpe en rondelle !, dit le premier bandit d'un air particulièrement mauvais.

Sur ces mots, le prisonnier écarquilla les yeux et supplia de plus belle.

Flopin regarda sur le côté. Mentor lui faisait des signes de la main.

"J'ai compris."

Avec l'agilité et la discrétion d'un Chacha, Flopin fit le tour.

- Bonjour Messieurs, dit Mentor.

Les deux bandits se tournèrent aussitôt vers la voix et brandirent leurs armes.

- T'es qui toi ?! Dégage ou on te trou !

- Relâchez cet homme, répondit Mentor d'un air impassible, déguerpissez d'ici, je ne me répèterais pas.

- On le défonce !, dit l'un des bandits.

Ils se ruèrent alors sur Mentor. Ce dernier esquiva tous les coups, avec vitesse et agilité. Pendant ce temps, avec discrétion, Flopin s'approchait de l'homme embâillonné, lui fit signe avec l'index de rester silencieux puis le fit sortir de la grange. L'un des bandits tourna la tête et remarqua cette fuite.

- Hé ! Un gosse emmène le prisonnier !

- Et moi, dit Mentor, je vous corrige !

C'est alors qu'il arrêta d'esquiver les attaques, fit un saut de 2 mètres en arrière, puis décocha deux flèches en surbrillance qui firent s'écrouler les deux bandits aussitôt. Ensuite, d'un pas calme, il rejoignit Flopin et le prisonnier.

- Je pense que c'est le moment pour le relâcher, dit Flopin qui s'apprêtait à libérer les liens.

- Non, dit laconiquement Mentor.

Flopin leva les yeux vers lui, interloqué.

- Mais il est sauvé, dit Flopin, les deux bandits sont hors d'état de nuire, c'est pour ça qu'on est venu, non ?

- Nous ne sommes pas venus pour le sauver, dit Mentor, nous sommes venus pour la rançon.

Devant l'air toujours perplexe de Flopin, Mentor continua :

- Un bon Crâ doit économiser ses flèches, et à chaque effort fourni, il doit rechercher une récompense. Nous avons sauvé cet homme, nous avons pris des risques, même si ils étaient minime, avouons-le, nous avons dépensé de l'énergie. Nous méritons une compensation : ce sera la rançon. Attendons.

Sur ces mots, Mentor s'agenouilla en tailleur. Flopin sera les dents.

- Ce n'est pas bien, dit-il. C'est du vol.

Mentor leva un sourcil.

- Tu peux toujours rentrer chez toi, rejoindre ta gentille famille. Elle n'attend que toi.

- Non, dit Flopin, ce n'est pas...

- Alors remets tu en cause mes enseignements ?

Flopin sembla bouillonner de l'intérieur. Puis se calma.

- Non, dit le jeune Crâ en s'assaillant lui aussi en tailleur, pardonnez mon insolence.

Ce fut la femme du type qui arriva, 1 H plus tard, seule, l'air terrorisée. 

- La rançon, dit Mentor, sans même chercher à lui expliquer le contexte.

La femme lui tendit la bourse plein de kamas, d'une main tremblante. Après hésitation, Flopin se leva pour la rejoindre elle et son mari qui étaient déjà en train de repartir pour leur expliquer un peu mieux la situation. Mentor, toujours assis en tailleur, poussa un soupir.

- Son cœur est trop faible, dit-il dans un souffle. Il est comme son père.

Peu après, les deux Crâ reprirent leur route.