Chapitre 11 : douches froides

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J'attrape des sous-vêtements propres, une combinaison qui ne pue pas la transpiration et me traîne dans les douches communes.

Les miroirs brisés renvoient l'image d'une pauvre fille brune au visage trop pâle et aux cernes monstrueux. Je n'ai pas fermé l'œil ces derniers jours, et quand j'y parvenais, je cauchemardais. J'ai mal dans mes muscles, chaque mouvement m'envoie des électrochocs dans le corps. Je déteste Arche du plus profond de mon être.

Et j'en veux terriblement à Anoki de ne pas m'avoir libéré. J'ai fini par accepter l'idée qu'on ne sera jamais du même côté lui et moi.

Je lance un coup d'œil au garde, qui tourne les talons et m'attend hors de la pièce. Une fois seule, nue, et triste, je me glisse sous le jet froid sans trouver la force de pester contre la température. Une sorte de vide me plombe le moral, je n'ai envie de rien. L'idée même de me révolter me fatigue. Ma louve restée prostrée dans un coin de ma tête ne réagit plus aux stimuli alentour. Je frotte ma peau à en avoir mal, pour essayer de chasser l'odeur des gardes qui m'ont attaché. Au bout d'un moment, l'eau se coupe. Cela signe la fin de cette délicieuse douche...

Je sors de la cabine encore nue et à moitié mouillée. Un courant électrique léger remonte le long de mon dos, chatouille ma nuque, et vient se loger dans mon cœur. Le souffle en suspension, je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. Même si je ne vois pas Anoki, je sais qu'il est tout près. Sa présence irradie dans toutes les cellules de mon corps. J'attrape une serviette éponge, m'enroule dedans, et me prépare à la confrontation. Il ne tarde pas à se matérialiser dans l'encadrement de la porte, aussi grand que large, aussi puissant qu'agaçant. Mes lèvres se retroussent sur une grimace, et les siennes sur un sourire sardonique.

— Si tu avais attendu une demi-heure de plus, tu aurais eu de l'eau chaude. Il est bientôt six heures du matin, et c'est à cette heure-là qu'on allume la chaudière.

— Pour ce que ça change, il n'y en a jamais assez pour tout le monde. Tu es venue pour te foutre de moi ? Si c'est le cas, dégage. Je ne suis pas d'humeur.

Il incline la tête sur le côté en feignant la curiosité, et a le culot de demander :

— Tu m'en veux ?

Bien sûr que oui. Il n'a pas bougé le petit doigt pour m'aider pendant mon emprisonnement dans la chambre. Pire, il m'a maîtrisé à la force de son esprit pour laisser les gardes m'attacher.

— Va te faire foutre, craché-je.

Je serre un peu plus la serviette autour de moi pour dissimuler le tremblement de mes mains. Sur le sol humide, je suis en train de crever de froid.

— Les taser des gardes sont modifiés de façon à infliger le plus de dégâts possible aux loups-garous, annonce-t-il.

— Et ?

— Et si tu avais résisté, tu te serais pris quelques bonnes décharges, ce qui t'aurait cloué au lit au moins une semaine. Le mieux était de coopérer pour réduire ta peine.

Un ricanement acerbe m'échappe. Le son ressemble plus à un trémolo qu'autre chose. Même si une partie de moi tente de me convaincre qu'Anoki a voulu me filer un coup de main, je ne digère pas son inaction.

Mais dans le fond, il bosse pour Arche. Cette triste vérité me fout encore plus à genoux. Ma déception reste aussi vive que ma rancœur.

— Tu attends des remerciements ?

— Non, réplique-t-il.

— Alors bouge de là, tu me bloques le passage.

Au lieu de s'exécuter, il se dirige vers moi. D'un mouvement de la main, je tente de le stopper en lui ordonnant de ne plus approcher. Bien entendu, il ne m'écoute pas.

La malédiction du dieu-loupWhere stories live. Discover now