Chapitre 14 : Un moine, un dieu-loup et un sorcier entrent dans un bar...

432 112 11
                                    


Même son sourire arrogant, relevé par la lueur de la lampe à huile qu'il tient à la main, me soulage. C'est dire à quel point je me sens désespérée. Je me redresse avec difficulté, rejetant son aide, pour m'appuyer contre un tronc. J'ai mal partout, à tel point que me retrouver à poil devant l'Exécuteur ne me gêne pas autant que ça le devrait. Avec toute l'assurance et la majesté dominante dont il est capable, il s'agenouille à ma hauteur.

— Tu l'as vu ? lui demandé-je.

— Vu quoi ?

Il pose la main sur mon front, comme pour vérifier ma température.

— Arrête, grondé-je.

— Crimson...

— Tu ne peux pas être passé à proximité d'une telle créature sans l'avoir remarqué. Pas toi.

Il joue l'incompréhension avec un tel naturel que, malgré mes doutes, je ne saisis pas s'il ment. Son regard ancré dans le mien est trop calme pour être honnête. À bout de force, je grimace en me détournant.

— Oublie. Tu ne me diras rien de toute manière.

— Oublier quoi ? Tu refuses de te confier. Que veux-tu que je te dise ?

La chaleur qu'il émet me permet de retrouver un peu mes moyens. Les loups-garous les plus puissants génèrent une onde assez chaude qui leur sert, par exemple, à se promener en simple veste en cuir au milieu de l'hiver mordant. C'est le genre de truc qu'un Exécuteur apprend avant même de savoir se transformer.

— Ça t'étonne ? ricané-je en repoussant de nouveau sa main quand il essaie de dégager une mèche de mes cheveux. La confiance se mérite, Anoki.

— Tu es encore en vie, alors que tu me les brises sévères Crimson. Si après ça je ne mérite pas ta confiance...

Cette discussion déjà houleuse mènera rapidement à une dispute, je le sens. J'essaie de me relever, mais mes jambes pèsent une tonne.

— Tiens, ajoute-t-il en fouillant dans son sac à bandoulière. Enfile ça avant de mourir de froid.

Il me tend une combinaison grise, un sweat-shirt, une veste polaire, puis dépose une paire sur une épaisse racine, à l'abri de la neige. Mon odorat, jusque-là anesthésié par mes métamorphoses accélérées, se réveille au contact de son parfum. La plupart des vêtements lui appartiennent.

Comme mon corps manque de coordination, l'Exécuteur m'aide à m'habiller en me touchant le moins possible. Il ne fait aucune remarque sur ma nudité, ma fuite du manoir, ou la raison pour laquelle j'ai l'air aussi désemparée. En réalité, il garde le silence. Je n'arrive pas à décider si je le préfère sarcastique ou muet comme une tombe.

Bientôt, il extirpe de son sac un plaid épais qu'il enroule autour de mes épaules.

— Tu vas réussir à marcher ? m'interroge-t-il.

— Je suis une future Alpha.

— Qui a manqué de se transformer en un joli glaçon...

— Je m'en serais sortie sans toi.

Pour étayer mes dernières paroles, j'essaie d'effectuer quelques pas. Bémol, mes jambes ne répondent plus à mon cerveau. Je manque de tomber, et me rattrape au dernier moment à mon sauveur. Au lieu de le repousser, je m'enfonce un peu plus contre son torse. Son souffle se suspend, ses muscles se tendent de manière imperceptible. Malgré mon humeur, notre proximité se transforme en un refuge que je n'arrive pas à détester. Comme je ne me dégage pas de sa prise, il chuchote :

La malédiction du dieu-loupWhere stories live. Discover now