Chapitre 34 : Couper les ponts

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Une main ferme attrapa Elune et la tira se sous le bureau. Elle se retrouva assise par terre en pleine lumière.

— Tu n'as rien à faire là, fit la voix glaciale d'Orlyë.

Le visage d'Elune se décomposa. Elle ne l'avait pas vu se baisser. Il la dominait de toute sa hauteur. Ses yeux verts l'auraient foudroyée sur place s'ils le pouvaient.

— Tu n'as rien à faire là, répéta-t-il en appuyant sur chaque syllabe.

— Je... Je venais juste apporter une lettre, balbutia-t-elle à mi-voix en se relevant.

— Sors.

Elune courba l'échine et fit un pas en direction de la porte avant de s'arrêter. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Sa respiration était saccadée. Elle aurait voulu pouvoir disparaître et se soustraire au regard du Maître du Temps. Pourtant, elle fit volte-face et se plaça entre le bureau et Orlyë.

— Ces lettres et ces statuettes ne sont pas à vous, osa-t-elle dire en levant la tête.

— Ce n'est pas à toi d'en juger. Sors.

Elune resta immobile. Tout son corps lui hurlait de s'enfuir en courant, mais elle refusait de reculer. Si elle abandonnait maintenant, elle ne parviendrait jamais à faire entendre sa voix.

— Ces lettres et ces statuettes ne vous appartiennent pas. Vous les avez prises à...

Elle hésita. Loëry lui avait interdit de parler de lui au Maître du Temps.

— Je sais parfaitement qu'elles sont à Loëry, répondit Orlyë d'un ton agacé. Cependant, ce n'est pas toi qui me l'apprendras.

— Vous les avez volés !

— Non.

Complètement désarçonnée par sa placidité, Elune lui jeta un regard désemparé.

— Pourquoi vous ne faites que mentir et vous cacher ? Vous êtes censé être le protecteur des Eyliens, le garant de notre survie. Mais vous vous contentez d'attendre, cloîtré dans votre bureau, sans rien dire ni faire. Dans moins d'une lune, les partisans d'Ylkad viendront ici pour vous forcer la main. Pourquoi attendre ? Vous savez parfaitement ce qui est à l'origine des interférences. Il vous suffit de partir à la recherche de votre enfant. Il porte le don originel du Temps. Si vous le trouvez, vous pourrez régler le problème. Alors pourquoi rester les bras croisés ?

— Tu penses sincèrement que je reste les bras croisés ? Tu ne sais pas de quoi tu parles.

— Si ! Les interférences ne se déclenchent que si deux Maîtres du même type coexistent. Cela ne peut se produire que si le Maître actuel à un enfant. L'œuf a existé ! Il a éclot ! Il vous suffit de le retrouver !

— Pour mettre fin aux interférences, il faut que le don originel soit entre les mains d'une seule personne. C'est-à-dire qu'il ne doit exister qu'un maître. Pour cela, il n'existe que deux solutions. Ou je devrais tuer cet enfant, ou je devrais lui transmettre ce qu'il me reste de pouvoir afin qu'il devienne le nouveau Maître en me tuant au passage. Je ne laisserais jamais le nouveau maître seul face à Admar. Il ne saurait que faire face à ce fou et à ses idées démentes. Le diamant primitif ne doit pas être recréé ! J'ai passé ma vie à faire en sorte que ce diamant reste brisé. Istler l'a brisé pour une bonne raison. Je ne serais pas celui à cause de qui cet Artefact sera restauré ! Cette mission passe avant tout. Même avant la vie des Eyliens.

— Alors Ylkad avait raison. Vous préférez laisser mourir des innocents plutôt que d'affronter vos erreurs. Vous nous laissez mourir comme vous avez laissé mourir Ludwygia.

La Mélodie des Plumes - Tome 1Where stories live. Discover now