Chapitre 12

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Nous avions passé la frontière il y a déjà deux jours. Aujourdhui était le jour de notre arrivée. Mon cur battait à tout rompre dans ma poitrine. Je rentrais à la maison. Je marchais dans lherbe en tenant Grivana par la bride. Javais retiré mes chaussures pour sentir lherbe sous mes pieds, comme quand jétais petite. Les autres marchaient derrière moi dans un silence rempli de respect. Jobservai les montagnes, les arbres, les dernières fleurs. Nous étions proches de mon village, la végétation navait pas bougé, comme si elle avait attendue mon retour pour refleurir. Je fermais les yeux et laissais ma jument me guider dans les hautes herbes. Lodeur salée de la mer me parvenait déjà malgré le fait quelle était à des kilomètres. Je me revoyais, enfant, assise dans le sable, dos à dos avec mon frère, à écouter le son des vagues tout en triturant un joli coquillage. Je revoyais le sable fin sous nos pieds et notre mère nous appeler en préparant les chevaux. Je revoyais les plis aux coins de ses yeux verts et lexpression pleine de douceur quelle affichait en nous rappelant. La patience dont elle faisait preuve envers moi quand je peinais à monter à cheval. Mais lexpression qui mavait le plus marquée était celle de ce soir. Une détermination sans nom avait enflammé ses iris quand ils mavaient saisis. Nous avions toujours été proche, quand mon frère et mon père passait leur journée à sentrainer, elle restait avec moi et me racontait des histoire de sa voix rassurante en me tressant les cheveux. Elle me manquait tant, et en même temps, javais limpression que la détermination dont elle avait fait preuve ce jour là, brûlait à présent au creux de ma poitrine. Comme si elle vivait un peu à mes côtés.

Je caressai le pommeau de ma dague, comme pour me rappeler qu je nétais point seul. Je métais trouvé une famille, prête à accomplir limpossible pour moi. Et eux, je ne le perdrais pas.

Princesse, dit Estephan.

Je me tournai vers lui.

Lève la tête, fit-il en souriant.

En me retournant pour regarder devant moi, je vis se dessiner le rêve de toute ma vie. Mon village. Ma maison. Chez moi. Je marrêtai et observais cet endroit dont javais tant songé. Il était là, à deux cent mètres tout au plus. Quelque chose en moi sillumina. Jétais à la maison.

Mon visage se noya de larmes et mes genoux lâchèrent. Jétais à la maison. Je sentis un bras maider à me relever. Amric se tenait à côté de moi en me souriant pleinement, ses yeux à lui aussi était noyé de larmes. Nous étions à la maison, enfin. Je fixai encore cet horizon plein despoir avant de faire un pas vers lui. Je cru que mon coeur allait exploser dans ma poitrine. Un deuxième pas. Je nentendais plus que le bourdonnement dans mes tympans. Trois pas. Je pris une profonde inspiration. Quatre pas. Et avant même davoir eu le temps de prévenir, je mélançais aussi vite que je le pouvais. Le vent frais menveloppait et me poussait vers ses terres. Il me restait une vingtaine de mètres quand deux soldats surgirent, sinterposant à ma course. Le plus jeune pointa son épée vers ma gorge. Non, non, non, non, pourquoi ne me laissaient-ils pas passer. Sétait chez moi là bas.

Qui êtes vous, demanda le plus vieux.

Je ne répondis pas, je ne pu. Mes cordes vocales refusaient démettre le moindre son. Mes larmes coulaient dans mon cou jusquà ma poitrine. Pourquoi ne pouvais-je pas accéder à mes terres? Je m'effondrais à genoux, mon menton percuta violemment la pointe de lépée. Un filet de sang se mêla à mes larmes et dégoulina sur le col de ma chemise.

Le vieux soldat sapprocha.

On peut pas vous aider si on sait pas qui vous êtes, dit il à la fois durement et doucement.

Je ne répondis toujours pas. Des bruits de sabots se firent entendre dans mon dos. Estephan descendit de cheval et attrapa l'homme par le col, Erove et Amric le rejoignirent rapidement en saisissant le plus jeune. Je nentendais rien, comme si le monde avait été plongé dans un mutisme protecteur. Les filles sagenouillèrent vers moi et me parlaient. La seule réponse que je pu leur donner fut encore plus de larmes. Calane me prit dans ses bras et je maccrochai à elle comme à une ancre. Ma vision devint de plus en plus sombre jusquà séteindre complètement. Avant de sombrer dans ce vide glacial, on cria mon nom.

Au Prix De La LibertéWhere stories live. Discover now