Chapitre 10

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 La nuit avait été courte voir inexistante et pourtant je me sentais en pleine forme. J'avais l'impression de sentir l'air pur de mes terres depuis ici malgré le fait que des centaines de kilomètres nous séparaient encore. Nous étions néanmoins presque arrivés au village frontalier où on nous attendait, à tel point que je pouvais apercevoir les premières maisons. Une pression m'écrasait la poitrine. Amric avait tenté de me rassurer toute la soirée mais ça n'avait servi à rien, une partie de moi restait persuadée que cette rencontre se passerait mal. Et je ne semblait pas être la seule à être anxieuse, Vanivi se crispait de plus en plus à chaque foulé de Grena, sa jument, alors que nous approchions.

Une fois la porte du village passée, nous descendîmes de cheval et nous dirigeâmes vers une petite auberge. Sur le chemin, la foule se retournait vers nous, fixant d'abord Estephan qui se tenait devant nous tous, droit et fier, puis vers nous. Un murmure parcoura la foule à ma vue. "Mais c'est la reine dorée, je croyais qu'elle avait disparue" chuchota un vieil homme, appuyé sur sa canne. Je levais les yeux vers lui et lui souris, il sembla d'abord étonné puis me souris ce qui accentua les plis aux coins de ses yeux. Tous s'écartaient sur le passage du guerrier doré, pas parce qu'il leur faisait peur, non, simplement par respect pour cet homme qui risquait sa vie pour leur liberté.

Nous arrivâmes et je confiais à contre cœur ma jument au palefrenier. J'aurais aimé m'occuper d'elle moi même mais Trisna menaça de me tuer si je n'allais pas me reposer immédiatement. Je grimpai donc les escaliers en traînant des pieds jusqu'à la chambre qu'on m'avait indiquée. Elle se situait au premier étage, tout au fond d'un long couloir en pierre. En ouvrant la porte, je tombais nez à nez avec une jeune fille, elle devait avoir dix sept ans tout au plus. Ses yeux noisettes tachetés de gris rencontrèrent les miens.

"Votre majesté, bredouilla-t-elle en faisait une révérence maladroite. Je suis servante ici, je suis chargée de votre chambre alors si vous avez besoin de quoique ce soit, n'hésitez pas."

Elle resta devant moi le visage tourné vers le sol. Sa voix tournait en rond dans ma tête sans que je ne sache pourquoi.

"Merci, dis-je en réfléchissant. Excusez moi mais ne nous serions nous pas déjà rencontrée?"

Elle se raidit.

"Je ne pense pas majesté, je ne suis qu'une pauvre servante de campagne, dit-elle simplement. Veuillez m'excusez ma reine mais je dois retourner préparer l'auberge pour la soirée de ce soir."

Sur ces mots elle disposa rapidement avant que je ne l'intercepte à l'escalier.

"Comment vous appeler vous très cher, demandai-je.

-Ylliale, murmura-t-elle.

-Quel joli prénom, répondis-je en lui souriant."

Elle hocha la tête avec un léger sourire et dévala les escaliers jusqu'aux cuisines. Moi, je retournais à ma chambre, dont j'avais laissé la porte grande ouverte. La pièce possédait une petite fenêtre donnant sur le potager de l'auberge, un lit et une petite commode posée dans un coin de la pièce. Je jetais mon sac à côté du meuble en bois et m'assis sur le lit. Un long soupir franchit mes lèvres. Maintenant que l'impatience et l'anxiété de l'arrivée était passée, la fatigue m'accablait. Je me laissai tomber sur le dos et fixai le plafond. Le matelas me paraissait si confortable, comme un doux nuage prêt à enlacer mon corps épuisé. Je ne pris même pas la peine de me changer et me glissai sous les draps en laissant simplement tomber ma paire de bottes. Les couvertures ne me tenaient pas très chaud mais le soleil s'était déjà élevé assez haut dans le ciel pour faire glisser ses rayons par la fenêtre de la chambre. Le sommeil me gagna rapidement. Je rêvais de ma maison et au fond de mon cœur j'espérais que ma famille m'y attende. J'espèrais que ma mère m'attendait sur le seuil de la porte, dans ses longues jupes en coton aux couleurs vives et ses chemisiers en lin. Ses cheveux bouclés grisonnés par les années passées. Que mon père serait assis dans son fauteuil près du feu, attendant pour me lire une histoire. Je me serais lovée contre son large torse et aurait joué avec sa barbe en l'écoutant patiemment. Que mon frère jouerait dans notre chambre après son entraînement au combat. Qu'il me montrerai ce qu'il avait appris en m'encourageant quand j'échouerai. Qu'on dînerait tous ensemble en écoutant papa nous raconter les nouvelles du village. Que le vieux monsieur d'à côté viendrait boire le thé avec maman pour lui demander de lui apprendre à coudre, à broder ou à cuisiner, une habitude qu'il avait prise depuis le décès de sa femme. A sa mort, il s'était retrouvé sans rien ni personne et ne savait pas réellement se débrouiller tout seul. J'adorais ce vieil homme, il me taillait des jouets en bois dès qu'il en avait le temps. Je me rappelais à quel point il aimait les enfants, son fils était parti rejoindre les rangs du roi, au désespoir de son père.

Au Prix De La LibertéWhere stories live. Discover now