Chapitre 1

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   Je pris une profonde inspiration et avançais sur le tapis blanc. On poussa la porte devant moi pour que je puisse entrer dans la salle de bal. La lumière aveuglante des lustres m'agressa les yeux. Une foule de nobles attendait en bas de l'escalier. Et sur le pallier de marbre m'attendait mon époux. Ce vieil homme aux cheveux gris et aux yeux noisettes remplis de mépris. Si j'en avais eu le courage, je l'aurais poussé de ces nombreuses marches en espérant sa mort. Mais je restais à mon habitude, sage et docile sous ses ordres.

J'eu à peine le temps de le rejoindre qu'il me cloua une couronne sur la tête. Elle était ornée de pierres bleues et blanches. Sûrement des saphirs et des pierres de lune, les pierres les plus fréquentes dans les environs. Une satisfaction malsaine se peigna sur son visage. Il avait gagné. En posant cette couronne sur mon crâne, il avait scellé mon destin. J'étais à présent Nivna Creschar, reine du continent d'Eliana et épouse de ce sénil bon à rien. Il se pencha vers moi en souriant.

"Souris mon ange, tu es reine."

Il ricana en se tournant vers la foule. Il agrippa ma main et la leva vers le ciel.

"Peuple de Filava, aujourd'hui nous sommes réunis pour célébrer le couronnement de ma femme. J'ai donc l'honneur de vous présenter Nivna Creschar, votre reine, s'exclama-t-il."

La foule applaudit joyeusement. Tous savaient ce qui m'attendait, et personne ne faisait rien. Ce soir signait mon arrêt de mort. Avant cette soirée, j'étais protégée par mon titre d'héritière des terres du Sud, les seules terres résistant encore à son règne. Mais à présent, non seulement je n'avais plus aucunes protections mais en plus, je venais de condamner mes terres à un massacre. Ils tueraient chaques civils ayant participé à la rébellion qu'ils soient hommes, femmes ou même enfants.

J'aurais dû m'enfuir quand il m'a enlevé il y a onze ans de celà. Certaines des autres filles l'avaient fait, quelques-unes avaient réussi et vivaient cachées dans l'ombre de la société, d'autres avaient été rattrapées et égorgées sur la place publique. La plus vieille d'entre elle avait neuf ans, soit seulement un an de plus que moi à l'époque. Je me rappelais encore de son regard, elle n'implorait personne, non, elle voulait qu'ils meurent avec elle. Une flamme inextinguible avait brulé dans ses yeux jusqu'à ce qu'elle les ferme.

En repensant à celà, j'avais resserré ma poigne sur sa main.

"Ne t'inquiète pas mon ange, tu ne risques pas de me perdre ce soir. Surtout pas maintenant puisque nous allons aller danser, dit-il avec un sourire ironique."

Je hochais la tête avec dégoût alors qu'il m'entraînait déjà vers le centre de la piste. Les couples s'écartaient autour de nous. Tous m'examinaient de la tête au pied. C'était ma première soirée mondaine en tant que reine et certains de ces nobles ne m'avaient jamais vu. J'étais blonde aux yeux verts ce qui, dans les terres royales, n'avait visiblement jamais été vu. Ils me contemplaient comme un vulgaire animal qu'ils s'apprêtaient à mettre en cage.

Alistor me fit pivoter pour que je lui fasse face. Il posa ses mains sèches au creux de ma taille et balança maladroitement ses hanches de droite à gauche. Je posais à contre-coeur mes mains sur ses épaules osseuses. Ce vieil homme partait en poussière mais restait tout de même le plus grand tirant qu'Eliana n'est jamais connu. Plus la musique avançait, plus il collait sont bassin contre le miens. Si il n'avait été qu'un simple noble, les gardes l''auraient jeté dehors pour comportement inapproprié. Il affichait une expression fière, il était si heureux de m'avoir enfin totalement à sa merci.

La musique se finit enfin et je m'écartais promptement, prétextant me sentir mal. Je me dirigeais vers le banquet à vive allure sous le regard oppressant des courtisans. Je remplis mon verre de vin à ras bord et le bus d'une traite. L'alcool me brûla la gorge mais je m'en fichais. Il fallait que je sorte de là, un point c'est tout. Je me dirigeais vers le grand balcon à l'opposé de la salle. Des aristocrates m'arrêtaient, m'appelaient, m'assommaient de questions. Je ne leur prêtais aucune attention et continuais ma route. J'arrivais enfin sur le balcon, personne ne s'y trouvait. Je pris une bouffée d'air frais et me laissais glisser sur le mur de pierre. J'enroulais mes mains autour de mon visage dans un sanglot muet. J'étais devenue sa prisonnière officielle. Je le serai toute ma vie, même à sa mort. Mon nom sera pour toujours et à jamais associé au sien. Notre mariage devant les dieux devait se tenir dans une semaine, et ce jour-là, cette punition des cieux serait scellée. Comme j'aurais aimé mourir dans ces cachots, cela m'aurait évité tout cela. Une autre fille aurait été condamnée, peut-être aurait-elle été plus forte que moi, plus rebelle, plus courageuse. Ou peut-être qu'il aurait choisi une des plus jeunes, plus douce et plus fragile. A cette pensée, les larmes redoublèrent. Je me relevais et m'approchais de la rambarde. Tout pourrait s'arrêter avec un seul pas en avant. Mais qu'adviendrait-il de mon peuple? Je devais les protéger. Et pourtant, au fond de ma poitrine, je sentais une petite partie me dire de sauter. Tout serait fini. Plus de viol. Plus de torture. Plus de lui. Juste moi et ma famille aux cieux, enfin réunis. Je souris doucement entre deux ruissellements de larmes. Une mains posées sur le muret glacé l'autre prête à soulever ma robe, je regardais le ciel noir parsemé d'étoile. La lune seule éclairait mon visage, c'était une belle nuit pour mourir. Alors que j'allais passer ma jambe par-dessus la rambarde, j'ai perçu une présence dans mon dos. En me retournant, je trouvais une jeune homme se tenant dans l'encadrement de la baie vitrée, bouchant ainsi la vue aux regards des curieux. Il était grand, blond, bien habillé. Sûrement un noble. Je me redressai de toute ma hauteur pour donner une impression de confiance.

Au Prix De La LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant