La fille des Sauveurs

Chapitre 10

Nilaja papillonna des yeux à cause des dernières fumées, sa gorge s'embrasait encore un peu et son nez se fronçait lorsqu'elle sentit encore l'odeur de la braise. Elle toussa et passa la main sur son front luisant de sueur.

À côté, sa meilleure amie haletait. Nilaja posa un œil en bas, des milliers de kilomètres de feuilles descendaient en dessous d'elle. Elle frissonna, les yeux écarquillés. Un peu plus, et la mort frappait à coup sûr.

Yéjídé fît disparaître les flammes d'un claquement de doigt, un sourire de félin aux lèvres et des yeux malicieux qui semblaient tout connaître. Aussitôt, Noyaa entremêla les doigts de Nilaja aux siens. Ils glissaient sans cesse mais Noyaa les tint pour de bon. Ses sourcils se fronçaient et sa mâchoire se serrait.

Un nouveau problème encore plus compliqué que le précédent venait d'arriver. Le cœur de Nilaja se serra dans sa poitrine tandis qu'elle se mordit la lèvre. Qu'allait-il se passer, dorénavant ? Sa vie venait de basculer en quelques secondes à peine.

Elle jeta un coup d'œil pour sa meilleure amie. Pour elle aussi, les choses allaient être différentes à présent. Noyaa avait tout quitté pour Nilaja. Sa famille, ses amis, son pays.

Allait-elle tout perdre encore une fois à cause d'elle ? Ses lèvres se serrèrent et son cœur battait la chamade encore, encore et encore. Il valait mieux penser à autre chose.

— Ne t'inquiètes pas, ma jolie, je ne compte faire aucun mal à votre chaton !

— Comment pouvons-nous vous faire confiance ? répliqua Noyaa.

— C'est cruel de dire ça de quelqu'un qui vient de vous sortir d'un gros problème...

À ces mots, ses panthères rugirent. Yéjídé plaça une main sur son front, l'autre sur sa poitrine généreuse en se penchant théâtralement en arrière. N'allait-elle pas se briser le dos à se contorsionner comme cela ? se demanda Nilaja.

Les poils de ces félins s'hérissèrent et certains montrèrent leurs crocs, prêts à attaquer au moindre mot déplacé de la part des jeunes filles. Nilaja hoqueta en posant un pied en arrière tandis que Noyaa passa un bras protecteur sur les épaules de Nilaja prête à se transformer si besoin.

— Allons, mes chéris, il faut accueillir chaleureusement nos...

— Abrégez, cracha Noyaa, resserrant son emprise sur Nilaja.

Celle-ci détourna enfin son regard des panthères, mal à l'aise d'avoir été aussi désemparée. Elle leva la main pour caresser du pouce la surface dure de sa boucle d'oreille. Nilaja humidifia ses lèvres avec sa langue.

Maintenant, à cet instant précis, elle avait cette drôle d'impression d'être redevenue une enfant. Ses convictions semblaient s'envoler dans le ciel comme des oiseaux relâchés d'une cage dorée. Ses yeux se plissèrent à cette pensée.

Bon sang, qu'est-ce qui n'allait pas chez elle ? Pourquoi rien ne fonctionnait comme elle le souhaitait ? Elle le méritait, après toutes ces années de perdues.

— Mademoiselle, je n'aime pas trop le ton que vous employez avec moi, susurra Yéjidé d'une voix mielleuse.

— Dites nous ce que vous nous voulez, intervint Nilaja.

Plus elle parlait, plus son assurance récente disparaissait. Elle avait la boule au ventre. Pourquoi tout allait de travers en ce moment-même ? Dans quelques heures à peine, son clan ne sera plus à cause d'un simple ordre lancé par l'Impératrice.

Elle espérait ne pas être la seule de sa famille à s'en sortir, même s'il y avait peu de chances là-dessus. Elle espérait tellement. Et pourtant, une partie plus sombre d'elle-même se réjouissait presque de la tournure des événements.