Chapitre 8

1 0 0
                                    




Le père de Nilaja donna un coup de poing dans le visage de sa fille. Elle plongea les mains sur son nez, laissant déferler une grosse drainée de sang coulant le long de menton jusqu'au sol avant de lâcher un long gémissement de douleur. Son épée tomba dans un bruit sourd sous une poussière épaisse.

— Quelle perte de temps... Toute une éducation à refaire à cause d'une simple fille, se lamenta Bamidele.

Nilaja grogna et lança un regard chargé d'éclairs sur son père. Elle poussa des jurons.

— Vous allez regretter ce geste !

Pour toute réponse, il posa un simple oeil ennuyé sur la jeune fille avec des sourcils froncés. Ce qui alimenta la colère de Nilaja qui se jeta sur Bamidele. Celui-ci, bien que surpris, la repoussa aisément d'un coup de pied en plein dans le ventre.

Elle se releva. Ces coups, ces blessures, elle les avait déjà expérimenté ! Nilaja les connaissait mieux que quiconque, ayant combattu l'homme en face d'elle depuis son enfance. Il n'était plus question de subir. Il fallait lui montrer coûte que coûte qu'elle avait autant de valeur qu'une mer de diamants ou qu'une terre gorgée d'or !

— On voit bien la déchéance de notre illustre famille à travers toi !

— Je ne vous écouterais plus, dorénavant, répéta minutieusement Nilaja en détachant bien les lettres. Je sauverai notre famille à ma façon et je ferais ce que bon me semble ! Et je vais commencer par sauver ma meilleure amie.

Le soleil nimbait le tronc des arbres d'une couche dorée et illuminait la chevelure crépue de Nilaja avec ses rayons d'or. Autour du père et de la fille, le vent se cognait au tronc des arbres. Nilaja frissonna avant de serrer les poings. Ce n'était pas grâce à des actes vains et à de simples paroles que la vie de Noyaa serait épargnée.

Il fallait absolument qu'elle gagne. Bon sang, il lui suffisait juste de coller son poing contre la figure de son père ! Un seul suffirait. Juste, un seul, un seul, seul et elle en était incapable.

— Noyaa, c'est ça ? C'est une fille sans intérêt, je ne vois pas franchement ce que tu lui trouves pour la préférer à nos valeurs familiales.

— Peut-être parce que je songe à regarder mes arrières avant de parler trop vite ? rétorqua une voix que Nilaja affectionnait plus que tout au monde.

Cette dernière hoqueta de surprise.

Bamidele haleta alors qu'un voile sombre recouvrit les traits de son visage taillé dans la pierre. Un pli froissait son front lorsqu'il regardait la meilleure amie de sa fille s'avancer vers lui, les bras croisés sur sa poitrine avec l'air le plus détendu au monde et un sourire plaqué aux lèvres.

Seules ses cicatrices présentes sur les coudes et sur son cou demeuraient la preuve irréfutable de la journée précédente. Nilaja écarquillait ses yeux tandis que sa bouche restait entrouverte.

Noyaa n'avait absolument rien de vraiment très alarmant, hormis ses horribles plaies alors qu'elle venait de passer les pires heures de sa vie. C'était comme si rien de tel ne s'était passé ; Nilaja se sentit bête et drôle d'un coup.

Comment s'en était-elle sortie ? Comment s'était-elle soignée alors qu'hier encore, Noyaa était plongée dans un bain de sang des plus terribles ? Nilaja frissonna d'effroi en y repensant. Si seulement elle avait pu empêcher cela arriver...

La jeune fille sursauta lorsqu'elle sentit les doigts de Noyaa sur sa joue. Nilaja ferma les yeux pour savourer le doux toucher tandis que les larmes menacèrent de couler. Quoi qu'il en était, la vie de sa meilleure amie était sauve. C'était tout ce qui comptait.

Nilaja observa le sourire que lui offrait Noyaa et le lui rendit. Elle aurait dû se sentir soulagée, plus vivante que jamais à présent que Noyaa était revenue. Et pourtant, un sentiment de frustration pénétrait son cœur sans qu'elle ne puisse l'en empêcher. Un sentiment qu'elle rejeta dès que certaines pensées s'infiltrèrent dans son esprit.

Nilaja jeta un coup d'œil vers son père. Ce dernier avait disparu sans laisser de trace ni omis un quelconque bruit. Elle fronça les sourcils et releva un peu plus les épaules. Où et quand était-il parti ? Quelles étaient ses nouvelles intentions étant donné le retour de Noyaa ?

— C'est ta soeur qui m'a aidée, révéla-t-elle alors qu'elles se promenaient dans la clairière pour se rafraîchir un peu les idées.

— Comment ça ?

— Ses pouvoirs de guérison. Elle les a utilisé quand ton père s'absentait. Je crois qu'il s'en doutait et qu'il a fait semblant de ne rien voir. L'arrogance lui a coûté très cher ahah !

— Je suis désolée...

Un silence pesant s'installa entre les deux jeunes femmes.

— Pourquoi ?

— C'est à cause de moi qu'il...

— Non, coupa abruptement Noyaa. C'est faux.


Nilaja remarqua le ton chavirant de celle-ci mais préféra le garder pour elle. Le vent fît danser sa boucle d'oreille tandis qu'elle y porta la main dessus. Elle caressa la surface un peu dur de l'objet, la respiration saccadée et les lèvres tremblantes. Elle avala sa salive avant de reprendre avec ses doigts toujours accrochés à son petit soleil offert par Noyaa qu'elle serrait trop fort.






— Je dis pourtant la vérité. C'est parce que j'ai posé les yeux sur toi au lieu de continuer mon chemin qu'il...

— Arrêtes ça. De culpabiliser. Il s'en ait servi comme excuse parce qu'il est fourbe, Nilaja ! Il ment comme il respire et il ferait tout pour parvenir à ses fins, tonna Noyaa.

Cette dernière releva le menton de Nilaja avec son index et ses yeux reflétaient une vérité étincelante.

— Je ne t'en voudrais jamais, Nilaja.

— Mais...

— Cccchhhhhhssssst... Sa voix te décevra continuellement, la mienne veut juste te guider.

La voix de Noyaa apaisa les angoisses de Nilaja, caressée par ses paroles. Ses épaules se détendirent tandis qu'un sourire fendit ses lèvres. À présent, tout devenait plus limpide avec la présence de sa meilleure amie. Si clair et si beau.

L'évidence sonna tellement dans sa tête que ses oreilles sifflèrent. Nilaja se mordit la langue alors que son cœur s'embrasait. Si une telle situation devait se reproduire, elle devait se bouger.

Et pour ça, elle devait se pardonner ses propres erreurs et se libérer de ses obstacles nuisibles. Sa guérison était fondamentale pour qu'elle puisse devenir plus forte. Assez, pour pouvoir sauver ceux qui comptaient.

La fille des SauveursWhere stories live. Discover now