Chapitre 5

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Sur le chemin des ponts, Nilaja croisa Noyaa du coin de l'œil près de la rivière, les pieds plongés dans l'eau. Son regard semblait se river dans le vide et fixait l'horizon sans fin. Ses cheveux noirs rayonnaient sous la lumière du soleil. Sa tunique bleutée était à manche courte et mettait en valeur la musculature de ses bras. Le pan de son vêtement avait été remonté.

La jeune femme ne cessait pas de se craquer les doigts et tous les autres membres de son corps. Nilaja la scruta pendant un temps sans bouger de sa place. Sa meilleure amie se retourna vers sa direction ; ses yeux se plongèrent dans les siens. Il y eut un moment de silence comme si la forêt s'était tût en même temps que les deux jeunes femmes, elle aussi. Le cœur de Nilaja rata un battement et ses joues rougirent de honte.

D'un geste vif, elle jeta une œillade au pont. Son admiration pour ses sandales ou ne serait-ce que pour le bois du pont n'avait jamais été aussi grande. Lorsqu'elle leva la tête, Noyaa la fixait toujours mais avec un sourire au coin des lèvres. Elle ne semblait pas embêtée par la situation malgré ses doigts enfoncés dans l'herbe. C'était sûrement une tentative de la rassurer. À cette pensée, les yeux de Nilaja brillèrent.

Elle descendit les ponts pour arriver à proximité de Noyaa. Celle-ci se retourna, prête à se lever quand l'Oshuan se jeta sur elle, manquant de les faire tomber. Elle serra ses bras autour d'elle. Comme un adieu. Le sourire de Noyaa s'étira, bien que ses lèvres mordirent les extrémités de sa bouche.

Elle posa ses mains sur le dos de Nilaja. Ce silence allait être brisé par la plus extravertie des deux quand l'une des jeunes femmes parla avec la voix nouée.

— Je veux que ce qui a de meilleur pour toi. Tu es tout ce j'ai de plus cher. Je ne te remercierai jamais assez d'avoir toujours été là.

Le visage de Noyaa se retrouva capturer par une averse de baisers. Le rire de sa meilleure amie réchauffa le cœur de l'Oshuan. Les yeux de la jeune fille brillèrent d'autant plus lorsqu'elle les releva ; Nilaja prit le visage de Noyaa entre ses mains tout aussi émue.

— Et c'est pour ça que...

— Que tu veux me demander en mariage ? s'esclaffa Noyaa.

— Possiblement un jour mais je veux surtout que tu me dises tout ce que tu as sur le cœur.

Il y eut un long silence. Les rires de Noyaa cessèrent et elle esquissa un sourire. Celui-là même qui ne quittait jamais son visage et que Nilaja avait toujours connu. Le premier à qui elle ne pouvait détenir des doutes depuis le premier jour de leur rencontre.

Cela remontait maintenant à ses sept ans, lorsqu'elle avait été séparée de ses parents. À ce moment-là, aucun membre de sa famille ne pouvait s'occuper d'elle. Son existence s'était alors retrouver bouleversée.

La rue était devenue son foyer en très peu de temps. La crasse l'habillait de la tête aux pieds, accompagnée de ses haillons. Ses beaux vêtements avaient été volés par d'autres enfants et elle dût vivre nue aux yeux de tous durant une longue période. Son poing se serra. Quelle humiliation !

Nilaja devait se battre pour obtenir de la nourriture, être agile et maligne. Cela lui avait bien profiter jusqu'au jour où elle était tombée sur un groupe d'enfants bien plus âgés qu'elle. C'était à ses dix ans.

Elle s'était confrontée à des gosses de riches ; avait été battue jusqu'au sang avec des pierres. La mort tendait ses bras quand Noyaa réussit à faire fuir ses agresseurs. À partir de là, elles ne s'étaient plus jamais quittées.

Nilaja releva la tête, une nouvelle lueur enflammée dans les yeux. Celle de la détermination. La jeune fille se fît la promesse d'assurer le bonheur de Noyaa dès que les moyens s'ouvriraient à elle. Ses mains prirent celles de sa meilleure amie, l'encourageant alors à enfin parler.

Cette dernière sembla ouvrir la bouche quand soudain un cri traversa toute la forêt. La première chose qu'elles virent fut une trompe énorme. Des pas lourds qui faisaient trembler la terre retentissaient. Une créature à moitié éléphant et moitié serpent se montra.

Les deux jeunes filles se figèrent tandis que leurs yeux s'écarquillèrent. Un frisson parcourut l'échine de Nilaja alors que  dernière cligna des yeux.

Une seconde s'écoula.

Noyaa abandonna les bras de Nilaja pour s'élancer vers la créature. Prise d'adrénaline, elle fît un bond et son tatouage prit de l'ampleur pour se balader à travers le corps de la jeune fille. Sa peau devint de l'écaille. Cette dernière fut miroitée par le soleil, ce qui donna une impression de voir une véritable flopée de diamants. Ses jambes et ses pieds prirent la forme d'une longue queue verte. Le corps s'allongea et devint long.

Une minute passa. Un sifflement résonna. Et, un anaconda leva sa tête. Ses yeux dorés scrutaient ceux de la créature. De petites ailes blanches se déplurent. À nouveau, la langue fourchue de Noyaa sortit. Ils se fixèrent sans piper un bruit.

Le sang de Nilaja s'était glacé et sa bouche était sèche. Le silence plu. Doucement, elle se pinça les lèvres face au spectacle. Réagir. Vite. Pourtant, ses jambes étaient toujours sur place et elle ne s'était pas arrêtée de trembler.

Encore plus lorsqu'elle crut ressentir le regard de son père derrière son dos. Des yeux emplis de déceptions. Ses entraînements sanglants, où elle avait failli perdre la vie avaient finalement été une perte de temps ? Ses cicatrices sur ses genoux et ses bras n'étaient-elles pas suffisantes comme rappel ? La liberté de sa famille ne devait-elle pas être sa raison de vivre ? Ce pour quoi, elle avait été créée? Son propre prénom était déjà annonciateur.

Que se passait-il, bon sang ? Allez, petite mauviette ! Tu es l'Oshuan. Des épreuves encore plus coriaces t'attendaient. Tu ne peux pas être faible.

Jamais.

Son cœur rata un battement lorsque sa meilleure amie lança le premier coup. Elle se jeta sur la créature en s'entourant autour d'elle. Celle-ci tentait de se débattre en hurlant avec sa trompe. Noyaa allait réussir à l'étouffer.

Presque. Une ombre passa sur son visage. Nilaja serra ses dents jusqu'à avaler le goût métallique de son sang. Elle en fit de même pour ses poings. À quoi jouait-elle ? Il y avait à peine quelques minute, elle s'était fait une promesse. Et là... Elle osait se dégonfler ?

Elle fit un pas en avant. Soudain, elle entendit le bruit de claquement des mains si familiers. Si significatifs. Nilaja faillit s'étrangler dans sa salive. Derrière la créature, se trouvait son père. Le regard qu'il lui lança la fît baisser aussitôt les yeux.

Qu'est ce qu'il faisait, ici, bon sang ? Noyaa siffla et alors qu'elle s'apprêtait à écraser sa proie, le serpent fut éjecté et envoyer balader dans la rivière. La créature hurla et tenta de s'enfuir. En une seconde, ses morceaux de chairs lévitaient dans le ciel.

Il ne restait plus aucune trace de cette horreur. Son père continua d'applaudir avant de placer ses mains derrière son dos. Bientôt, une foule se rassembla autour de lui.

Un test. Un échec. Une honte.

Un espoir effrité.

La fille des SauveursWhere stories live. Discover now