Chapitre 7

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— Un combat contre la vie de Noyaa, ordonna Nilaja face à son père.

— En quoi accepterais-je cela ? rétorqua-t-il.

— Je suis prête à tout abandonner pour elle. Absolument. Tout.

Et ce n'était pas peu dire. Sa vie érigée par les désirs grandissants et profonds de liberté ne tenait que sur un fil dès qu'il s'agissait de sa meilleure amie. L'histoire de Nilaja commençait avec Noyaa. Cette dernière était la lumière dans les ténèbres. Pour la remercier, Nilaja lui tendrait plus que la main. Elle pourrait se donner la mort pour Noyaa, prendre la vie et même lui donner le monde.

De toute façon, Noyaa régnait sur son cœur. Celui-ci tambourinait dans sa poitrine à chaque fois que Nilaja pensait à elle, qu'on faisait mention d'elle dans une simple conversation, son regard s'adoucissait et s'illuminait instantanément. Les joues de Nilaja rougissaient et un fin sourire se dessinait sur son visage. Elle l'aimait de tout son être.

Durant un instant, un silence s'installa. Un rire gras le brisa.

— C'est pathétique. Tu es vraiment l'enfant le plus bête que je n'ai jamais vu. Et dire que tu portes mon sang, mais quelle honte ! dit son père de la façon la plus froide possible.

Aucune émotion ne le traversait. Il articulait chacun de ses mots aiguisés comme des lames affûtées comme si elles ne blessaient pas. Le cœur de Nilaja rata un battement et une larme roula le long de sa joue lorsqu'elle cligna des yeux. Ses lèvres tremblotaient.

Pourquoi ? N'était-elle pas sa fille avant tout ? Pourquoi devait-elle être parfaite à ce point ? Sa sœur et son frère n'avait jamais eu à subir toute cette pression. Ni son regard emprunt de déception. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Nilaja avala sa salive. Ses larmes ne faisaient que couler, elle reniflait bruyamment sans pour autant réussir à remonter sa morve, et elle peinait à retenir ses couinements.

— Vous... vous êtes le pire père au monde, cracha Nilaja.

Aucune réponse ne vint la contredire.

— Si tu réussis à me donner un coup de poing au visage, ta copine restera en vie. Dans le cas contraire, non seulement, elle périra mais tu obéiras à mes ordres sans aucune contestation.

Ce fut sa dernière réponse avant l'effondrement de ce monde créée sur sa tête. Avant de disparaître, l'on pouvait apercevoir une lueur aussi vive que les rayons du soleil dans les yeux de Nilaja. Une détermination farouche s'était coincée dans le coin de son iris dorée.

L'adolescente se retrouva dans un corridor sombre, vêtue de ses anciens vêtements comprenant une tunique et l'épée accrochée à son dos. Sa mère l'attendait au sein de l'obscurité, les bras croisés et la bouche pincée. Sa soeur l'accompagnait, elle avait les yeux baissés.

— J'espère que tu te rends compte de ce que tu fais, lança sa mère.

— Parfaitement.

— Tu es faible, ma chère fille.

— Vous aimeriez que ce soit le cas, n'est ce pas ? affirma Nilaja.

La pénombre avala Nilaja lorsqu'elle dépassa sa mère sans lui jeter un seul regard ni pour elle ni pour sa sœur. Une flamme s'alluma dans la noirceur des lieux et dévoila le visage fermé du père de Nilaja. Ce dernier l'attendait avec une bougie dans le creux de la main près d'un escalier qu'ils descendirent avant de sortir du corridor.

La lumière éclatante du jour gifla Nilaja. Celle-ci papillonna des yeux en mettant sa main devant elle pour se protéger des rayons du soleil. Lorsqu'elle s'habitua enfin, elle se trouva face à des troncs d'arbres fins ponctués de buissons verdoyants. Un ruisseau s'étendait près d'eux et menait à une belle clairière. Là où se déroulerait le combat, là où tout se déciderait, et là où Nilaja devait gagner à tout prix.

— N'oublies pas ce que tu dois faire, ma fille, déclara son père. Un seul coup de poing et tu pourras sauver ta copine. Montres moi ce que tu vaux.

Qu'est-ce que donneraient ces années d'entraînements ? La sueur accumulée avec en prime la douleur intense de se voir si incomprise de sa famille — qu'elle devait en même temps protéger —, la douleur, les larmes versées après ces séances si violentes et si sanglantes. Est-ce que ce sacrifice en valait la peine ?

Dans l'esprit de Nilaja, toutes les images dévoilant le temps passé avec sa famille lui semblait éphémères et vide d'amour. Pourquoi se sentait-elle autant dans l'obligation de sauver ces gens ?

— Oui, père, siffla-t-elle abruptement. Je vous jure de dépasser toutes vos espérances et de vous faire regretter le jour où vous m'avez conçue.

— Ben voyons, pouffa Bamidele. À vrai dire, tu le fais déjà. Et, mine de rien, ta bêtise grandit jour après jour. C'est franchement malheureux d'observer ça...

Nilaja serra la langue et refoula ses larmes. Elles pouvaient attendre, dans quelques heures, lorsqu'elle retrouvera sa meilleure amie, elle pourra verser autant de larmes qu'elle le souhaitera.

Il fallait que la douleur disparaissait afin de revenir plus forte. Et, pleurer, est la première étape pour gagner ce chemin. Ils marchèrent jusqu'à atteindre la clairière.

Les rayons du soleil luisaient sur la peau de Nilaja tandis qu'elle fixait le dos de Bamidele. Elle serra les poings et prit sur la droite. Il y avait plus d'ombres dû aux arbres, mais elle saurait s'adapter. Lorsque Nilaja se tourna, ses yeux croisèrent ceux de son père. Ce dernier souriait, brillant sous la lumière ardente de l'astre. Il écartait ses bras.

– Commençons sans plus attendre.

Un corbeau croassa. Une myriade de plumes noires s'échouaient sur la terre verdâtre et Nilaja bondit. Son corps réagissait plus vite que sa tête alors qu'elle levait le poing.

Celui-ci se rapprochait de plus en plus de la figure de son père, quand sans bouger, il la repoussa en la faisant voler à nouveau. Il s'amusa à la faire léviter dans tous les sens avant de la jeter violemment à terre à plat ventre.

La respiration de Nilaja se bloqua et elle eut tout juste le temps de se tenir le coeur lorsqu'elle se releva en titubant quand son corps bascula vers l'arrière et percuta un arbre de plein fouet. Elle cracha du sang.

Sa vision plongea dans des brumes obscures alors que sa tête tournait.

— C'est comme ça que tu comptes sauver ta petite copine ? Tu devrais déjà commencer à faire ton deuil, se moqua le père.

— Allez vous faire voir !

— Choisis bien tes mots, Nilaja. Je suis ton père et tu es là uniquement parce que je l'ai décidé. Tu es née dans le seul but d'accomplir cette mission. Uniquement pour ça. Tu ne devrais jamais nous décevoir. Tu es...

— Une arme. Un pion. Une marionnette. Un jouet. Une poupée gravée sous le nom de cette famille.

La tête de Nilaja tournait, mais plus la jeune fille parlait, plus elle devenait lucide. Le goût de fer montait dans sa bouche.

— Tout ce que je souhaitais, c'était votre amour et celui des miens, continua-t-elle. Je voulais 'aussi partir d'ici, mais, après mûre réflexion, pourquoi faire ? Pour libérer la famille du joug de notre Impératrice ?

— Exactement, tonna Bamidele.

Nilaja étouffa un rire.

— Noyaa a toujours été ma maison.

— Tu dois faire tout ce que je te dis. M'obéir au doigt et à l'œil. C'est ça, ta raison de vivre.

— Non. Je n'ai plus à écouter tes ordres, papa.

Elle se leva lentement sous le regard furieux de son père. Il croyait fermement qu'elle était faible. Nilaja serra les poings et les dents alors qu'elle marchait vers lui avec un air calme.

Une pluie de sang s'écoulait le long de son crâne tandis que Nilaja s'avançait d'un pas précis. Elle inspira, le cœur battant. Son ventre se tordait dans tous les sens et une nausée l'étranglait. Nilaja sortit l'épée de sa manche et la tint entre son poing droit. Sa respiration devenait de plus en plus soutenue au fur et à mesure que le noir de son regard s'intensifiait.

— Plus maintenant, continua Nilaja lorsqu'elle fut assez près de son père pour que ce dernier ressentit son haleine contre son visage.

La fille des SauveursOnde as histórias ganham vida. Descobre agora