Chapitre 1

8 0 0
                                    




Partie 1

Elle était la fille de son père, de sa mère et de la déesse de la rivière. Plusieurs identités qui bataillaient en elle dans un combat sans répit afin de pouvoir remporter l'héritage de sa vie. L'Oshuan. Cependant, des questions entravaient sa lutte. Oshun souhaitait-elle vraiment revenir pour continuer d'être vénérée par son peuple et d'être aimée par ce dernier ou un certain sentiment de culpabilité la traversait-elle même dans la mort ?

— Les humains ont toujours cherché la perfection absolue, en sachant que ce n'était qu'une illusion. Un échappatoire de ce qu'ils étaient réellement. Prenons deux domaines. La beauté et le travail. Trouves le point commun.

L'Oshuan scruta l'individu du coin de l'œil, les mots trempés dans le silence.

— La pression et la peur de l'échec.

— Ça en fait deux, remarqua la jeune fille.

– Peu importe, répondit l'individu avant de disparaître mystérieusement dans un amas de vapeur bleue.

*

L'Oshuan reporta son regard vers la mer. Cette dernière surplombait les offrandes que la Maison Oshun apportait à la Maison Yemoja. La déesse partageait son influence sur les rivières avec l'Orisha de l'amour et était la mère des océans mais aussi de celle des premiers dieux primordiaux. Dans les versions racontées par les prêtres, toutes se concordaient pour souligner la complicité entre ces deux déités.


Assise sur un banc éloigné de tous, un mince sourire collé à son visage, Nilaja Abioyé sondait l'horizon. Les enfants yémojanes et orishan couraient dans le sable, riant dans une parfaite harmonie. Le soleil du soir promenait ses rayons sur leurs peaux, veillant sur eux comme un grand-père aimant. Les adolescents s'adonnaient à des jeux d'eau dans la mer, éclaboussés par une joie enfantine. Quant aux adultes, ils jacassaient en continu tout en surveillant leurs jeunes progénitures. Le vent souffla sur ses cheveux crépus, retirant sa sueur du revers de sa main fraîche.

Nilaja le prit comme un brève salut chuchoté dans le creux de son oreille et frissonna de par la brise laissée en cadeau par cet amoureux de la liberté. Elle inspira, noyant ses angoisses. Sa dernière épreuve ne se passe que dans trois jours et cela faisait une semaine qu'elle stressait. De quoi avait-elle peur ?

Après tout, dix-sept années s'étaient écoulées sans qu'elle ne cesse de s'entraîner. La jeune fille s'était prouvée et avait prouvé maintes et maintes fois qu'elle était capable d'être Oshun. Derrière Nilaja, une ombre se mêla à la sienne et une main se posa sur l'épaule de l'Orishan.

— Pourquoi t'es-tu mise à l'écart des autres ? demanda une voix familière.

La boucle d'oreille pendante de Nilaja siffla dans un son aigu tandis qu'un soleil taillé à l'extrémité de l'accessoire se balançait. Elle scintillait avec les rayons de l'astre. La jeune femme se retourna et planta ses yeux dorés dans ceux plus clairs de Noyaa Pa. Une habitante de la Maison d'Oshun. Elle n'était pas une orishan.

Cette dernière possédait une peau mate où un tatouage sur son bras gauche représentait un serpent. Ses courts cheveux noirs de jais encadraient son visage tandis qu'une cicatrice lui barrait la moitié de sa frimousse. Nilaja avait plein de réponses à cette question et pourtant, une phrase banale sortit de sa bouche sans qu'elle ne puisse avoir un contrôle :

— Prendre l'air, dit-elle avec sarcasme, un sourire en coin collé à ses lèvres.

Noyaa éclata de rire avant de se mettre devant l'Oshuan. Elle s'inclina, prenant la main de Nilaja pour la baiser. Elle s'assit près d'elle et contempla le paysage où s'écoulait un bonheur infini.

La fille des SauveursWhere stories live. Discover now