4.Maéva

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—Allez, dépêche toi ! Je hurle presque pour me faire entendre malgré la musique, les cris et les sirènes des manèges qui se déchaînent autours de nous. Ils vont lancer le prochain tour et on va encore devoir attendre dix minutes !

Amélia a le nez plongé sur son portable. L'esprit bloqué dans l'éternité. J'attrape son bras pour la faire réagir, avant que mon ventre ne se mette à gronder à cause des odeurs de barbe-à-papa qui envahissent l'immense parking où la fête foraine s'est installée, en dépit du ciel menaçant. Ce n'est que le premier jour. Toute les attractions n'ont pas encore ouvert, mais des centaines de jeunes s'y sont précipités. Si bien qu'il faut se battre pour la moindre place. Évidemment, je suis beaucoup trop sage pour gagner, alors je plante là, devant mon attraction favorite, la seule qui ne me retourne pas les entrailles.

—C'est bon, la chenille ne va pas s'envoler, grommelle Amélia. Et de toute façon tu es trop vieille pour ça, tu crois pas ?

—Pfff... fais-je pour marquer ma protestation. Il n'y a pas de panneau de limite d'âge, à ce que je sache.

—Non, mais tu as une grande sœur et ça fait parti de mon rôle de veiller à ce que tu grandisses en toute sécurité. Et, si des jeunes de ton lycée te voient en train de faire la gamine sur ce genre d'attraction, crois-moi que tu vas en entendre parler pendant longtemps.

—Est-ce que tu m'as bien regardé ? Je hoquette sous sa remarque. Chemisier toujours impeccable, gilet et queue de cheval : Je suis le stéréotype même de la petite intello.

Amélia me reluque d'un air surpris, genre elle n'avait jamais remarqué auparavant. Elle a les lèvres pincées quand elle m'assure que ce n'est pas la même chose. Qu'un look c'est personnel, que les gens s'y habituent et que dans un an je serai dans une grande Fac, loin d'ici, et que j'y trouverai ma place parmi d'autres jeunes habillés je cite : « comme ça », fait-elle en pointant mon gilet. Amélia a peut-être raison. Je ne sais pas trop. Les considérations vestimentaires ne font pas partie de mes priorités : les études d'abord ! Mon look me correspond bien. Et soyons réalistes : Il n'y a que ma grande sœur qui peut se vêtir de cuir et entourer ses yeux turquoise de noir. Jamais je n'oserai !

—OK , en fait, c'est juste que tu as honte de moi ! Je lâche en empruntant l'air triste auquel elle n'a jamais su résister, pour la simple et bonne raison que c'est le même qu'elle arbore tout le temps, quand Lenny Harington n'est pas avec elle.

Celui qui s'efface là, sous mes yeux, quand elle adresse un regard par-dessus mes épaules. Quand on parle du loup, voilà qu'il pose ses griffes sur le sommet de mon crâne et fait s'écrouler la queue de cheval que je m'étais donné tant de mal à faire tenir, un peu plus tôt ce matin.

—Désolé, j'ai été retenu par le groupe, il affirme tandis que je grogne en tentant d'arranger mes cheveux.

Ils échangent un baiser, sans tenir compte de la foule autours. Je détourne le regard quand mes joues s'empourprent sous l'effet du sang brûlant qui parcourt mes veines. Plus gênée qu'eux, tandis qu'ils se dévorent l'un, l'autre. Quand ils se séparent enfin, Lenny me toise du haut de son mètre quatre-vingt et des poussières, un rictus ravi à la commissure de ses lèvres. Bien sûr, c'est à ce moment que le soleil transperce les nuages dans son dos, le baignant de lumière comme s'il était le messie incarné sous des traits afro-américains.

Une tornade s'empare de mes pensée, pour les jeter en désordre dans mon esprit, au point que je ne suis plus aussi certaine que deux et deux font quatre. Et quand son rictus s'étire mon cœur paraît rejouer en boucle les premiers instants de l'univers. C'est un Big-Bang infini qui s'y déroule.

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