Chapitre 2 Réécriture : Une Étrange Vision

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J'écoute d'une oreille peu attentive les chants liturgiques que la chorale de la paroisse entonne pendant la messe. La mélopée se mêlant avec une harmonie parfaite au son de l'imposant orgue qui surplombe l'entrée du bâtiment. Ce chœur profite de l’incroyable acoustique de l'église  pour se sublimer. Cette mystique mélodie me transporte toujours vers une profonde spiritualité. 

Pourtant aujourd'hui je ne suis pas emportée dans cette transe habituelle. Mon attention se porte sur la contre-allée qui longe le côté droit de l'église. Elle regroupe les statues de certains saints. Une étrange énergie m'attire sur une sculpture bien spéciale. Il s'agit de la représentation d'une femme tenant dans ses mains une coupelle et une palme symbolisant son martyre. Je ne peux pas détacher mon regard de ses yeux peints sans vie. 

— Psst ! T'es avec nous-là ? me questionne Marie. 

Je me détache de cette troublante observation. Pour concéder à ma fidèle comparse de catéchisme un sourire reconnaissant.

— Nous allons maintenant écouter notre sœur Gabrielle du comité des fêtes de la paroisse qui va vous présenter l'organisation du séjour, annonce le prêtre Emmanuel. 

Ma chère mère prend place dans le transept, suivie de près par la mère de Marie. Elles nous présentent comme chaque année notre lieu de vacances et notre planning. Cette année nous serons dans un camping proche d'une très grande cathédrale. Une magnifique forêt borde notre lieu de villégiature. Cependant, je ne prends que l'information principale puis me replonge dans ma contemplation de la statue. 

Mon attention est troublée quand je croise de nouveau ses yeux vides. L’effroi se lit sur mon visage. Je me crispe complètement, mes yeux écarquillés face à ce spectacle. Mon corps tout entier tremble. Je suis contrainte de mettre ma main devant ma bouche pour étouffer un cri d'horreur. La statue pleure des larmes de sang qui viennent s'écouler dans sa coupelle. Une angoisse naît en moi. Que signifie cette vision macabre ? Suis-je la seule à la voir ? Pourquoi il faut que ça tombe sur moi ? 

— Ça va ? marmonne discrètement Marie en me donnant un coup de coude. 

— Il y a un truc qui a changé avec les statues ? lui demandé-je en la fixant pour voir sa réaction. 

— Non, me répond-elle en haussant les épaules après un rapide coup d'œil. 

Sa réponse et sa réaction me glacent le sang. En me retournant vers la source de ma panique soudaine, je remarque la disparition de ses larmes. Les personnes autour de nous témoins de mon agitation nous regardent de travers en nous crachant des Chut ! agacé. Je suis en train de sombrer dans les méandres de la folie. Que m'arrive-t-il ? 

A la sortie de la messe, je suis toujours sous le choc de ma vision à me questionner sur son sens. Je ne veux pas en parler, je crains le regard et le jugement des autres. Je ne souhaite pas être cataloguée comme la cinglée du village, la place est déjà prise par Aimée. Je me ressaisis avant de franchir le seuil de l'église en cachant mon trouble sous un magnifique sourire. Nous nous retrouvons tous au parc pour un immense pique-nique. C'est l'occasion pour les familles qui partent au camping de dire au revoir à celles qui ne pourront pas venir. Chacun a ramené de quoi rendre ce moment le plus agréable possible. J'aide au dressage des plats avec Marie. Nous les mettons sur les tables improvisées avec des tréteaux et des planches de bois couvertes par de grandes nappes en papier. Marie et moi sommes inséparables, je la considère comme la petite sœur que je n'ai jamais eue. 

— Toi aussi ça te surprend de voir la statue de sainte Lucie dans notre église ? me demande-t-elle 

— C'est bien ce que je me disais. Elle n'était pas là avant, m'étonné-je faussement pour justifier mon comportement étrange durant la messe. 

Métérise En Réécriture Where stories live. Discover now