Et l'amour, c'était encore la lune et les étoiles - Part 3

98 29 82
                                    

OSCAR

Les gargouillements de la douche lui signifient que Liane est bien en train de se laver. Un soupir las aux lèvres, il redescend lourdement les escaliers en bois, son regard parcourant les tapisseries médiévales qui recouvrent les murs. Ce manoir est glauque. Glauque comme lieu de vie et d'apprentissage, de floraison, pour des enfants. Mais plus glauque que l'endroit où se trouve Evan en ce moment-même ?

Il était d'accord avec la décision prise, mais il n'était pas d'accord avec la manière de le faire. Il avait averti ses frères que Liane serait une inconnue indéchiffrable dans l'équation. Ils ne l'avaient pas écouté, ils étaient quatre contre lui. Leurs paroles contre la sienne. Lorsque Grand Pa' et Grand Ma' sont injoignables, c'est la majorité qui l'emporte.

Il pleuviote sur le parvis du manoir, les longues fenêtres du salon semblent onduler, baignées dans la luminosité orageuse de la fin de journée. Ses frères se tiennent debout et silencieux, éparpillés aux quatre coins de la pièce. Tour à tour son regard harponne les leurs, sa bouche se durcit et des nervures de colère strient ses tempes.

- Oscar ? soupire Dimitri.

Les mots se bousculant dans sa bouche, il se laisse choir lourdement sur le vieux fauteuil où Liane est restée prostrée toute la journée. Il peut encore sentir sa chaleur, son odeur et les relents mouillés de sa peur. Son estomac se soulève.

Martin vient s'asseoir à côté de lui. Muet, il fixe de ses grands yeux comme deux lacs pétrifiés dans la brume, le tapis et les figurines de voitures que collectionnait Evan. Les premières sont rangées en lignes bien droites qui peu à peu se désagrègent, phalanges d'une armée qui explosent contre un ennemi invisible.

- On devrait peut-être ranger ses jouets ? murmure Martin.

- Il va revenir.

- Oui... mais comment ?

Dans quel état ? Veut-il sûrement dire.

- Arrête avec tes questions à la con ! articule Paulo d'une voix forte.

Il reprend bruyamment sa respiration.

- Pourquoi tu lui as dit que l'on avait parlé à la police ? Maintenant la première chose qu'elle va faire c'est se ruer dans le premier poste qu'elle trouvera ! Et tout leur déballer, et ça en sera fini de tout ! s'énerve-t-il, repoussant ses lunettes sur son nez avec dédain.

- C'est peut-être pas la plus mauvaise des solutions... renchérit son jumeau.

Paulo envoie sa main frapper brutalement le dos de son frère. Jacques replie automatiquement ses grandes jambes sur la housse jaune brodée du canapé. Il ouvre la bouche puis la referme. Martin s'abîme dans la contemplation de la petite voiture qu'il fait tourner entre ses doigts, une 4L d'un vert élimé.

- On ne change pas le plan. martèle Oscar d'une voix sourde, le ventre bouillonnant.

- Alors pourquoi tu te plains ? demande Paulo d'un ton acerbe et il remonte à nouveau ses lunettes sur l'arrête de son nez, pourquoi tu as l'air si irrité ?

Il relève la tête et les toise à nouveau. Dimitri les bras croisés, se tient dans l'ombre d'une des fenêtres. Il les observe se mouiller.

- Vous savez tous pourquoi. persifle-t-il.

Les mains secouées de spasmes nerveux, Oscar inspire avant de lancer :

- Liane.

Ses frères roulent les yeux au ciel et Jacques le dévisage d'un air hébété. Il semble vouloir lui reprocher quelque chose, comme s'il voulait lui dire que c'est mal, qu'ils ne sont plus dupes, mais il se ravise.

L'odeur des larmesWhere stories live. Discover now