Chapitre 4 - Hièble

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Port-Long Ucaradé

Hièble se tenait assis, au milieu de l'Assemblée, entouré par quelques appuis de longues dates. Ils écoutaient Karehil Cavé, qui déclamait avec emphase l'ordre du jour.

« ... Puis nous étudierons la proposition de M. Lafar, à propos des travaux de rénovation de la Grand-Rue. Ensuite nous accueillerons Mme Kalip, qui souhaite ouvrir une boulangerie. Enfin... »

Hièble soupira légèrement, regardant autour de lui. Il ne s'était pas fait politicien pour participer à des futilités pareilles ! Karehil céda enfin la place au premier groupe de requérants. Il s'agissait apparemment de paysans, vu leurs accoutrements. L'un d'eux s'avança timidement, ôtant son chapeau avec respect pour s'adresser à l'Assemblée.

« Messieurs, nous sommes désolés de vous déranger, mais nous sommes inquiets... »

Il s'arrêta, jetant un œil à Karehil, qui lui fit signe de continuer. Il toussa légèrement puis reprit :

« Nous sommes inquiets car l'hiver a été très sec. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mais les plantes n'ont pas eu assez d'eau. Le printemps est arrivé tôt et la chaleur est déjà là. Nous craignons qu'il n'y ait une véritable sécheresse et que nous ne subissions une famine cette année ! »

Un brouhaha étonné suivit ces paroles. L'un des membres se leva et annonça d'une voix dédaigneuse.

« Une sécheresse ? Et que voulez-vous que nous fassions ? Nous ne faisons pas la pluie et le beau temps ! railla-t-il.

— Nous le savons bien, votre Honneur, répondit l'autre d'une voix blanche. Mais il est de notre devoir de vous prévenir ! »

La plupart des membres haussèrent les épaules, se désintéressant du problème des paysans. Karehil était plongé dans la lecture d'un rapport, dédaignant lui aussi le sujet. Hièble secoua la tête, indigné, et se leva, plongeant l'Assemblée dans le silence. Karehil releva la tête et fronça les sourcils en apercevant Hièble prendre la parole.

« Merci mes braves de venir nous trouver aussi tôt ! Vous avez raison, il nous faut agir maintenant si nous ne voulons pas subir ce fléau bientôt ! »

Il regarda avec sévérité l'homme qui avait rabroué le paysan, le faisant se recroqueviller sur son fauteuil.

« Si les puits sont à sec, nous allons les creuser plus profond. Vous pouvez vous servir de l'eau des rivières qui sont actuellement à leur niveau habituel de l'année. Vous allez privilégier les céréales et plantes qui demandent le moins d'eau possible pour cette année. Et si la sécheresse s'installe comme vous le prévoyez, nous réduirons vos impôts ! »

Karehil se redressa à ces mots, prêt à intervenir pour contrer les propositions de Hièble. Mais la plupart de l'Assemblée se rangea à l'avis de ce dernier, montrant son approbation avec vigueur, tandis que les paysans le remerciaient avec effusion. Hièble se rassit à sa place, félicité pour sa proposition par les hommes qui l'entouraient. Karehil le regarda d'un air mauvais, puis fit entrer les requérants suivants.

La matinée s'écoula paisiblement, au rythme des demandes parfois saugrenues et souvent inutiles de la population. Puis, alors que Karehil avait repris la parole pour vanter un projet anodin, le regard de Hièble fut attiré par une jeune femme, menue et à la peau sombre, qui pénétrait dans l'Assemblée d'un pas décidé.

Elle était habillée de manière totalement incongrue et marchait pieds-nus. Sa longue jupe rouge agrémentée de motifs noirs, tranchait avec la sobriété des vêtements en Ucaradé. Son bustier jaune faisait ressortir la finesse de sa taille et l'arrondi de sa poitrine, dévoilant le début de sa gorge de manière fort impudique. Sa tête était surmontée d'une étrange couronne en feuilles séchées, reposant sur une opulente chevelure noire qui lui descendait jusqu'à la chute des reins.

Le Cycle du Kunnen - Les ProtecteursWo Geschichten leben. Entdecke jetzt