Chapitre 5

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Le crâne de la rouquine heurte le sol dans un bruit sourd et nous demeurons pétrifiés, incapables du moindre mouvement. Les hurlements se poursuivent, comme lointains, et mes pensées se sont figées, tout comme mon sang qui termine son tour avant de geler.

C'est Marius qui brise le silence, soudain blafard :

— Roxane...

— Elle est morte ? murmure Arkan, horrifié.

— Bien sûr que non, elle est pas morte ! je m'emporte brusquement tout en me passant la main sur le visage, incapable de réfléchir convenablement.

Je fais précipitamment bondir mon regard sur chacun de mes amis, tentant en vain de les rassurer :

— Il faut... Il faut appeler à l'aide, je bredouille, bien moins sûre de moi tout à coup.

Soudain, les muscles de Lee s'animent, comme s'il sortait d'une congélation de plusieurs années :

— Allez les gars, on se bouge. On peut pas la laisser là.

D'un signe de tête, il ordonne à Marius de l'aider. Les deux se penchent pour attraper le corps immobile de Roxane quand soudain, un long sifflement nous précipite à terre. Ma respiration s'accélère tandis que mes oreilles hurlent un horrible son aigu ; l'instant d'après, le noir nous englobe.

Seule demeure la lumière pâle du soleil qui pointe à l'horizon : les ampoules éclatent, et les fusons d'électricité jaillissent tout autour de nous. Je plaque mes mains sur mes oreilles et me couche au sol, réprimant un hurlement, les yeux fermés. La terre semble trembler. D'étranges ondes magnétiques me traversent et je suis secouée de violents tremblements. Mon esprit lui-même ne m'obéit plus.

Puis, le calme revient.

On m'enserre le bras.

J'ouvre les yeux et m'aperçois que ma vision est toujours nette. Je ne me suis pas évanouie. Nous sommes toujours dans cet horrible cauchemar. Lee, qui s'est redressé à mes côtés, me tient fermement le poignet et plante un regard féroce dans mes yeux :

— Allez, debout !

Terrifiée, je me relève en titubant et fais rapidement l'état des lieux. Il n'y a plus aucune lumière. Je tire mon portable de ma poche, appuie sur le bouton ; l'écran affiche un message d'alerte imprimé de rouge vif. Aucun réseau.

— Où est passée l'électricité... ? murmure Théodore, le regard rivé sur les lampadaires et les bâtiments soudain assombris.

— Où est Roxane ? s'inquiète soudainement Iris, les yeux écarquillés.

Je fais volte-face, épouvantée, mais aucune trace de la rouquine. Je passe ma main dans mes cheveux, une fois, deux fois, puis sur mon visage. Je tire ma peau à m'en faire mal, appuie sur mes yeux, mais rien n'y fait. Tout est bien réel.

Ma respiration s'accélère alors. Je dois garder mon calme. Je dois prendre le temps de respirer. Mais mes poumons semblent vouloir cracher une fumée âcre, douloureuse, qui comprime ma gorge et m'arrache de courtes bouffées d'air bruyantes et irrégulières.

On m'attrape les poignets, et je lève à peine les yeux ; cette fois-ci, c'est Arkan qui me secoue. Je peux lire la peur dans son regard, mais il le garde droit planté dans le mien :

— Oh, réveille-toi ! Tu es plus forte que ça !

Mes muscles se bandent, et aussitôt mon esprit s'éveille ; les odeurs, les bruits et le vent me parviennent à nouveau. Je redresse le menton, les yeux toujours plantés dans ceux d'Arkan, quand soudain une ombre glisse derrière lui.

Sans réfléchir, je me jette sur lui pour nous dégager sur le côté : nous roulons au sol et mes mains s'écorchent contre le dur béton noir. Je fais alors volte-face quand un long râle effrayant retentit. Mes yeux s'écarquillent et j'hurle : Roxane se rue vers nous, la mâchoire brisée et les orbites injectées de sang. Je recule vivement vers l'arrière, la respiration saccadée. Arkan saute sur ses pieds, me soulève d'un geste vif et nous détalons dans la direction inverse.

Mais à peine quelques mètres plus loin, c'est la rambarde qui se dresse sur notre chemin. La Roxane morte-vivante qui court sur nos talons est rapide. Je bondis jusqu'au dernier mètre et percute la barrière. Je bascule un instant de l'autre côté mais Arkan me rattrape juste à temps. Nous faisons aussitôt face à la rouquine et, soudain, le temps semble s'arrêter.

Une barre de ferraille vole dans ma direction. Mon nom est scandé dans un cri désespéré et j'attrape le métal au vol. J'envoie alors le lourd bâton frapper le visage de la créature, et le sang gicle.

Les cris se stoppent. La barre tombe au sol dans un grand fracas. Mes yeux fermés refusent de s'ouvrir pour découvrir ce que je viens de faire. Je passe cependant ma main sur mon visage ; je rouvre les yeux, la respiration coupée, et secoue mon poignet pour retirer tout le sang qui s'y est amassé. J'essuie une nouvelle fois mon visage mais cela semble être peine perdue : mes cheveux comme mes vêtements sont tâchés de sang.

C'est là que je baisse les yeux vers celle qui était autrefois mon amie. Celle que je viens d'abattre. La nausée me vient, mais je ravale la bile. Je ne sais plus qui est étendu là, devant moi. Sa mâchoire s'est presque détachée du reste, son nez cassé se tord et un creux s'est formé sur sa tempe. Son corps fracassé vomit une marée de sang écarlate et jauni.

Je relève légèrement les yeux : Marius, Lee, Iris et Théodore se tiennent là, en face de nous. Les larmes glissent sur les joues du grand blond et de la jeune fille à ses côtés.

— On fait quoi, maintenant ? souffle Arkan, le visage blême.

Je réprime un sanglot, lève le menton pour chasser les pleurs et déclare d'une voix dure :

— On fuit.

Zombee / tome 1 : La Chute /Where stories live. Discover now