8. Vague d'épines

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Maelle sauta par-dessus ce qui restait du chapeau de la créature qu'elle avait fait explosée avec sa nano dango. Jamais elle n'aurait pensé faire de ses boules de graines de véritables bombes. Au bout de ses doigts fourmillait encore l'énergie des plantes qui s'étaient déployées avec une force et une vitesse extraordinaire avant de disparaître.

Lorsqu'elle surgit au bout du boulevard, elle aperçut Katya entourée d'une dizaine de ces créatures gélatineuses et sombres. Chaque fois que son épée s'abattait sur l'une d'entre elles pour l'éventrer, deux masses plus petites prenaient vie à la place des parties tranchées. Katya était complètement cernée. Essoufflée, Maelle posa la main sur un mur d'immeuble pour se retenir, sous ses phalanges les aspérités de la pierre laissaient échapper de la mousse et elle reconnut le trou dans lequel elle avait enfoncé sa boule de semence le matin même.

Ses doigts s'infiltrèrent à l'intérieur, retirant la petite sphère de terreau. Elle crut sentir des battements pulser au bout de son pouce et de son index, une étrange chaleur se diffusa jusqu'au creux de sa paume.

Katya poussa un cri quand ce que Maelle pensa être des lames argentées la touchèrent par derrière, laissant son vêtement couvert de coupures dans le dos. La peau à vif apparu alors sous le pull gris. D'instinct Maelle serra le poing, manquant de détruire la nano dengo.

Aidez-moi, pria-t-elle.

Katya poussa un cri et ploya sous le coup de la douleur lorsqu'une deuxième salve lui déchiqueta le dos.

Aidez-nous ! supplia Maelle en serrant plus fort la boule entre ses mains jointes. Une faible lumière verte irradia de ses doigts. Elle se dirigea vers le terreplein. Les créatures se tournèrent alors vers elle d'un seul mouvement, comme si elles étaient toutes pourvues d'une conscience unique. Au moment, où Katya se redressa, les masses noires et gluantes glissèrent ventre à terre vers Maelle à une vitesse inouïe.

- Cours ! hurla Katya en se lançant à leur poursuite.

Maelle était terrorisée. Lorsque la première assaillante arriva vers elle, elle tendit ses mains fermées autour de la bombe de graines. Une lumière verte jaillit en rayon entre ses paumes. La chaleur fut si intense que Maelle lâcha la nano dengo. Dès qu'elle toucha le sol, elle se déploya en dizaine de ronces et ondula comme une vague noire sur le bitume. Les ronces devirent aussi épaisses que des bras puis s'élargirent d'avantage comme autant de de boas épineux.

Katya les contourna en courant et d'un bond se plaça devant Maelle, la pointe de l'épée tendue pour la protéger.

- Qu'est-ce que tu as invoqué ? demanda-t-elle en reprenant son souffle.

Maelle bougeait la tête de droite à gauche, dans une incompréhension totale. Les créatures reculèrent devant les ronces énormes. Ces dernières s'élevèrent comme un vague verte gigantesque parcourues d'épines noires avant de s'abattre sur les créatures et de toute les faire exploser. Une par une ! Des petites gouttelettes retombèrent alors autour des deux filles. Une seconde plus tard, la pluie reprenait sa danse sur la capitale et les passants, comme les voitures avancèrent comme si de rien n'était. L'épée disparue des mains de Katya et Bidule sauta dans ses cheveux.

- Faut que tu m'expliques ! murmura Katya en passant une main dans ses cheveux rouges.

- J'allais te demander la même chose ! souffla Maelle.

Elle se regardèrent en silence et soudain une petite boule de poils mauve tomba entre elles. Maelle eu juste le temps de la rattraper avant qu'elle ne touche le sol. Bidule ne bougeait plus.

- Est-ce qu'il est... paniqua Maelle.

- Non, juste épuisée, répondit Katya.

Un petit ronflement se fit alors entendre au creux des mains de Maelle. Bidule ronflait. Maelle rêva de pouvoir se reposer si paisiblement, sans se poser de questions.

- Tu es blessée !

Katya haussa les épaules, l'air de dire « bof, juste des égratignures ! », mais les stries rougies dans son pull n'étaient pas belles à voir.

- Suivez-moi, tous les deux, dit-elle.

***

Katya n'avait pas hésité devant le somnia aux allures de dragon, elle avait tout fait pour protéger Maelle du monstre au chapeau, et elle était blessée. Si Maelle admirait son courage, elle s'amusait des yeux ahuris de la petite rousse quand celle-ci s'effraya des voitures, lui désigna une poussette en demandant le nom de cette drôle de cariole et se gratta la joue en découvrant de loin la silhouette de la Tour Eiffel. Maelle dû lui apprendre à traverser la rue en fonction des feux de signalisation.

Maelle n'avait pas réfléchi davantage avant de la ramener chez elle pour l'aider à nettoyer ses plaies. Comment allait-elle expliquer ce qu'il venait de se produire à sa mère. La croirait-elle ? Il suffisait peut-être de lui montrer Bidule pour qu'elle soit convaincue. Oui, bonne idée ! Une créature toute mignonne qui ressemble à un pompon de bonnet et qui a la capacité de devenir en épée d'un mètre soixante serait une preuve suffisante, non ?

Seulement, en ouvrant la porte de leur petit appartement, qu'elles occupaient depuis à peine quinze jours, Maelle ne découvrit pas les cartons de déménagement bien rangés contre le mur, ni les crayons que sa mère laissait trainer dans d'innombrables pots dans tous les lieux qu'elles habitaient. Elle ne perçu pas le parfum de térébenthine typique qui accompagnait sa mère et son tablier couvert de tâches de peintures. Elle ne vit pas Anissa surgir de son atelier avec des pinceaux en main ou un fusain derrière l'oreille, caché sous ses cheveux mousseux qu'elle portait en une belle afro ronde. L'appartement était étonnamment silencieux et glacial.

Le vent semblait souffler sur les rideaux qu'elles avaient accroché la veille en riant toute les deux, pourtant aucune fenêtre n'était ouverte. Les cartons éventrés jonchaient le sol de vêtements d'été, pas encore rangés, de vaisselle brisée et une odeur de glace et d'eau prit Maelle à la gorge.

- Maman ?

Rien ne répondit à l'appel de Maelle, si ce n'est un nouveau courant d'air. Katya posa une main sur l'épaule de la jeune fille.

- Ce n'est pas normal, déclara Maelle.

- Reste derrière moi.

Mais Maelle n'écouta pas et elle se précipita dans la cuisine : vide. Puis dans la petite pièce qui ressemblait à une logia et dont sa mère se servait pour peindre.

La pluie cinglait les fenêtres et le ciel devint si sombre que tout fut plongé en un instant dans une obscurité inattendue. Un éclair lacéra le ciel, éclairant furtivement tout l'atelier. Les tableaux étaient éventrés. Les œuvres dont sa mère était si fière, les couleurs chatoyantes des toiles pendaient comme des peaux mortes des châssis de bois.

Un bruit de pas vint du couloir et la porte d'entrée claqua aussitôt. Maelle et Katya se retournèrent pour voir qui venait d'entrer. Katya replaça Bidule dans sa poche, tendant un bras pour protéger Maelle. Le tonnerre retentit dans un bruit sourd qui couvrait les battements trop rapides du cœur de Maelle : où était maman ?

Un second éclair fendit le ciel derrière elles et éclaira la silhouette mince d'une femme avec un arc à la main.

- Tante Lyne ? s'exclama Maelle.

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Rdv bientôt

La cité miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant