Jardin hystérique

6 2 0
                                    

Ah, terrible hantise, peur mêlée à l'impatience.
Vous me rendez la vie bien dure.
Mon sommeil –où est il ?– vous l'avez fait fuir.
Ma paix ? Disparue elle aussi.
Décadente vie de vacances !
Ma valise de souvenirs, dites moi, qui la portera ? Qui donc osera ?
Car elle est trop lourde pour moi.
Le passé, quitte à l'erroner, je préférerais l'oublier. Tout effacer. Réduire la page (le livre, s'il le faut) en cendres.
Ô douces cendres de mon âme, terreau de mon futur !
Je meurs de vous imaginer.
Les plantes vivantes que vous aviverez seront les fruits d'un monde nouveau, les graines d'un avenir inconnu.
Que dis-je ? Où êtes vous ? Terreau d'un futur impossible.
Qui donc ose me tromper de la sorte ! Cerveau de noeuds enchevêtrés, névrose d'une âme damnée, tête idiote !
C'est vous que j'accuse (j'en souris même, en hystérique).
La routine me lasse, et je craint son léger changement. Son infime changement certain.
(La fatalité encore m'accable. Que puis je ? Je n'y peux rien.)
Surtout, SURTOUT, je n'y comprends plus rien. Pour ainsi dire, c'est un faux dilemme cornélien.
Car seule, inconsciente, naïve, bête (en plus d'être une hystérique) je me languis de cette fosse où je me jetterai pour sûr.
J'aime la musique (comment ne pas aimer l'amour ?) et j'aime l'amour aussi (comment ne pas aimer l'amour ?), sans aimer personne moi même.
(Coquine ! Hystérique !)
Voilà. C'est dit. L'homme est complexe.
Je suis un jardin hystérique.

Expériences - prose et vers libresWhere stories live. Discover now