Chapitre 4

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Nery

Nery s'empressa d'aller prendre son bain afin de retirer toute la sueur et le sang accumulés au cours de la journée. Dégoulinante et parfumée, elle sortit de sa salle d'eau, un peignoir noué autour de la taille. Telle une météorite, la jeune femme se laissa tomber vulgairement sur son imposant lit à baldaquin. Akini, confortablement endormi sur son oreiller, fut secoué par le rebond. Malgré son besoin de tranquillité, le devoir l'appelait autre part alors, d'une traite, elle enfila sa combinaison et rabattit la capuche de sa cape.

Juste avant de quitter sa chambre, Nery contempla son visage dans l'un de ses miroirs aux moulures élégantes. Encore humide, ses cheveux sombres commençaient déjà à onduler autour de son visage. Grommelant, Akini réveillé de sa sieste vint se fondre dans l'obscurité de la capuche.

Avec précaution, elle vérifia qu'aucun domestique ne se trouvait dans les parages et constata par la même occasion l'absence de l'exilixi. Ainsi, drapée sous sa longue cape obscure, elle s'éclipsa derrière la porte de l'une des cinq vieilles bibliothèques du manoir. Comme le reste de la bâtisse, la pièce au mobilier raffiné débordait de charme. Sans trop s'y attarder, Nery tira partiellement sur l'un des livres afin d'activer le mécanisme.Silencieusement, les lattes du parquet se rompirent pour dévoiler un trou béant.

En dépit de son apparence lugubre, ce passage secret menait directement aux galeries souterraines de Kardia. Méconnus de tous, ces tunnels permettaient aux Exelixis et au roi de se mouvoir dans la ville cœur et d'en sortir sans être remarqués. Pour l'heure, ces galeries restaient le moyen de locomotion dont se servait Nery pour s'éclipser de la résidence.

Bien entendu, la dynamiste n'était point supposée connaitre leur existence, mais un jour, alors qu'elle trainait dans le palais, elle avait surpris un Exelixis emprunter un passage similaire. Quelques semaines plus tard, en cherchant un livre, elle était tombée par hasard sur celui du Manoir. Au fil des années, la jeune femme avait fini par connaitre les galeries comme sa poche, bien qu'elles ne soient qu'une multitude de tunnels entremêlés.

Cierge en main, les différents virages la menèrent jusqu'à l'une des sorties. Situé sous une cascade, un bruit sourd resonnait sur les parois rocheuses tandis que l'humidité alourdissait l'atmosphère . Une fois à l'extérieur, Nery eut l'impression d'avoir passé des heures entières sous ce passage. Le ciel nocturne trahissait une nuit tombée trop violemment.
Parmi les nombreuses défaillances du Nouveau monde, l'imprévisibilité du soleil et de la lune restait la moins pénible.

Comme aujourd'hui, voir la nuit à quatre heure de l'après-midi n'avait rien d'étonnant. Pour certains, comme les Kardésiens, ce demeurait une parfaite occasion pour commencer les festivités plus tôt.

À seulement quelques kilomètres de la ville cœur, l'organisation prenait siège au beau milieu d'une forêt. Sous ses pas, les craquements des brindilles résonnaient malgré son désir de discrétion.

Machinalement, Nery souleva la fausse écorce de l'un des chênes et emprunta un escalier en colimaçon aux murs recouverts de racines.

Éclairé par des centaines de bougies, le quartier général du papillon se trouvait ce soir particulièrement agité. Tous drapés sous les mêmes capes, les membres, appelés nuisibles, se bousculaient dans l'entrée. D'un air préoccupé, Nery rabattit sa capuche, laissant ainsi son visage à découvert. Lorsqu'elle descendit les dernières marches, des chuchotements se mirent à fuser.

Il se trouvait dans l'entrée du papillon quelques bureaux et quelques chaises, mais seule la majorité des divans et des fauteuils importait. Des tas de tableaux peints par les nuisibles trônaient sur l'ensemble des murs. Ici, personne ne les jugeait indignes. La plus grande des toiles s'étalait sur un mur entier. Ainsi, sur un fond aussi noir que les abîmes, trois majestueux papillons écarlates semblaient sortir du cadre. Si les murs débordaient de créativité, le sol quant à lui se voyait recouvert par un simple parquet lustré.

The blood heiressOù les histoires vivent. Découvrez maintenant