La Princesse d'Argent - Partie I

Depuis le début
                                    

            Sa voix était douce, apaisante.

            -Tu semblais tellement détester la personne que j'étais réellement, tu détestais tellement ma famille, soufflai-je, sans cesser de caresser ses cheveux, son visage.

            -C'est vrai, mais tu n'as jamais été comme eux. J'ai été stupide, jamais je n'aurais dû t'abandonner. Si tu es repartie dans la Tour, c'est uniquement par ma faute. Je n'aurais pas dû te rejeter, j'aurais dû t'écouter, te comprendre et te protéger jusqu'au bout. C'est à moi de te demander pardon.

            Je passai une main derrière sa nuque et l'attirai à moi. J'enfouis ma tête dans son cou, inspirant profondément son odeur.

            -Je t'aime, Seth Sarkis, murmurai-je.

            -Je t'aime, Era Eléazar, répondit-il. Qui que tu sois, Lévana, Era, peu m'importe. Je suis tombé amoureux d'une femme, et pas d'un nom.

            Combien de fois avais-je rêvé et espéré entendre ces mots sortir de sa bouche.

            Il se pencha, et m'embrassa. Notre étreinte fut ardente, comme si nous voulions rattraper tous ces mois loin l'un de l'autre. Comme si par ce baiser et ces caresses nous pouvions nous faire pardonner l'un de l'autre.     

            -Nous avons tous deux commis des erreurs, fit Seth au bout de quelques minutes, nous sommes humains. À présent, essayons de rattraper tout ce que nous n'avons pas pu accomplir. Oublions le passé, Era, et si tu es d'accord, nous mènerons cette bataille jusqu'au bout.

            Je serrai sa main dans la sienne.

            -Jusqu'à la toute fin.

            Soudain, des pleurs me firent lever la tête.

            Hélios.

            J'avais presque oublié que nous étions dans un avion, et qu'Ilyana, son frère et Anna s'y trouvaient aussi.

            Ilyana me tendit mon fils, tandis que je croisais le regard d'Anna derrière elle.

            Elle semblait encore plus jeune que ces 14 ans. Sa maigreur maladive et sa pâleur mortelle la rendait méconnaissable. Ses beaux cheveux noirs avaient été coupés, et ses grands yeux rouges lui mangeaient tout le visage.

            -Anna...

            Ma cousine. Non... Ma nièce.

            Galaad était son cousin, et son bourreau par la même occasion. Quand la famille Eléazar était-elle tombée aussi bas ? À supplicier les propres membres de sa famille ?

            -Dame Era.

            Je me précipitais vers elle et la serrais de toutes mes forces dans mes bras, en veillant cependant à ne pas lui faire mal. Qu'elle semblait frêle !

            -Ne m'appelle plus jamais comme ça, murmurai-je contre ses cheveux. Je suis Era. Rien de plus.

            Elle hocha la tête.

            Elle ne pleurait pas, mais ses lèvres tremblaient.

            -Tu n'aurais jamais dû endurer ça, Anna... surtout par pour moi.

            -Certaines choses méritent que l'on se sacrifie. Même si je n'ai pas réussi à tenir jusqu'au bout...

            C'était ce que disait toujours Arianna. Sa mère. Anna ne savait rien sur sa véritable identité, qu'elle était une Eléazar tout autant que moi. Qu'elle était de mon sang, qu'elle était ma nièce.

            J'allais devoir lui révéler la vérité.

            Comme moi, on lui avait menti toute sa vie sur son origine, on lui avait même volé son apparence physique.

            Je pouvais presque la voir, avec ses yeux bruns et ses cheveux blonds. La fille qu'elle aurait dû être, celle qu'on l'avait empêchée d'être. Je me fis la promesse de l'aider à devenir la femme qu'elle voudrait.

            -Rien ne vaut ta vie, Anna. Rien.

            Elle me sourit, je vis des larmes poindre au bord de ses yeux.

            -À partir de maintenant, ajoutai-je, on reste ensemble, compris ?

            Elle hocha la tête.

            -Tu n'as plus à te sacrifier pour moi, complétai-je, sèche malgré moi. Nos vies ont la même valeur. Tu ne me dois rien.

            Elle me prit la main et la serra doucement.

            Ses yeux étaient pleins d'une reconnaissance muette.

            -Quant à vous deux, continuai-je en me tournant vers Ilyana et Samael, je ne vous remercierai jamais assez de m'avoir fait ouvrir les yeux et de m'avoir aidé à me battre.

            Samael hocha la tête. Ses cheveux roux lui tombaient dans les yeux, mais je vis la lueur ardente dans ses yeux noisette. La cicatrice qui lui barrait l'œil et la joue droite ne gâchait en rien la beauté de son visage d'une finesse émouvante.

            Sa jumelle, mon amie depuis peu, sourit, déridant son visage à l'aspect trop souvent glacé. Elle me faisait douloureusement penser à Elvira. Elle possédait sa grâce, sa froideur et sa droiture, ainsi que sa mélancolie...

            -Si nous n'étions pas sortis de la Tour, nous serions morts nous aussi. Tôt ou tard, souffla Ilyana. 

            -Notre place n'était pas là-bas, renchérit Samael. Notre place est auprès des Souffleurs de Rêves et de leurs idéaux que notre sœur a toujours défendus ardemment. Notre place est auprès de toi, Era, comme Irone l'aurait voulu.

            Je répondis par un bref hochement de tête, émue par leur loyauté et par leur foi.

            Oui, ils n'avaient décidément par leur place au sein de la Tour.

            -J'espère être digne de la confiance que vous m'accordez, répondis-je simplement.

            -Tu l'es déjà, murmura Ilyana.

            Je me tournai vers Seth. Il m'observait. Calmement, tendrement.

            Je vis la fierté dans ses yeux, pour tous ces gens que j'avais rassemblés autour de moi, de ma cause, de mes idéaux. Je n'avais pourtant rien fait. Ces gens s'étaient sauvés eux-mêmes. Ils avaient simplement décidé d'incarner en moi leurs espoirs les plus profonds.

            -Pourquoi ne m'avoir pas dit que Seth faisait partie du plan ? demandai-je en regardant Ilyana.

            Elle sembla soudain gênée.

            -C'est Galaad qui a estimé que ce n'était pas nécessaire.

            C'était Seth qui avait répondu.

            Je les regardai, sourcils froncés.

            -Galaad ?

La Tour d'Ivoire - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant