Chapitre 6 : Acceptation

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Il n'aurait jamais cru que cette sensation lui manquerait tant. Le parfum de ses cheveux qui venait doucement l'atteindre, et le délicat contact entre leurs lèvres, il se dit qu'il n'avait pas besoin de plus.

Si telle était la saveur du bonheur, alors il aurait voulu y goûter pendant de longues heures encore, seulement il sentit la main tremblante et chaleureuse de sa subordonnée se poser sur sa joue. Elle écarta lentement son visage du sien, tout deux haletants et fuyant le regard de l'autre.

Elle avait besoin de parler franchement, car malgré le lourd sens de leurs actes, il n'y avait que les mots pour se faire comprendre avec clarté. Bien entendu, si sa raison ne l'avait pas appelé, elle aurait continué à l'embrasser encore et encore, et ce peu importe où ça l'aurait mené. Mais étant donné la situation et son humeur plus basse que jamais, elle devait maîtriser son envie brulante de le sentir contre elle.

Lorsque leurs iris se croisèrent à nouveau, Livaï baissa la tête, honteux de ne pas réussir à s'accorder dans ses paroles et dans ses actes. Il la savait compréhensive, mais ne voulait pas abuser de sa bienveillance et de son amour. Elle l'aimait, et le savoir faisait bouillonner en lui un immense sentiment de fierté et de joie, mais il avait la responsabilité de refuser, pour l'empêcher de commettre cette erreur avec lui.

Il ne la méritait absolument pas à son sens, et ne pouvait même pas imaginer qu'Erwin approuve une relation de ce genre au sein du bataillon. Car s'il le faisait, Livaï ne pourrait plus jamais dévouer son cœur à l'armée étant donné qu'il lui offrirait à jamais.

-Petra, je... Hésita-t-il en voyant la lueur scintillant dans le regard de la rousse, tandis qu'il retenait son souffle difficilement.

-Caporal. Répondit-elle alors, faisant se tourner vers elle, le visage du brun encore soucieux de sa réaction. Je vous admire énormément, et comme vous le savez, je me suis entièrement dévouée à vous. Mais je refuse de me faire de fausses idées, alors par pitié dites-moi, pourquoi ?

Sa question sonna telle une supplication désespérée dans la pièce lumineuse de l'hôpital et Livaï sentit qu'il ne pouvait plus lui mentir après avoir agi aussi bêtement pour la seconde fois. 

-Parce que tu es la seule qui me laisse espérer... Avoua-t-il, dans un élan de tristesse et de honte d'être ainsi mis dos au mur faiblement face à ses sentiments.

-Espérer quoi caporal ? Demanda-t-elle avec ardeur et franchise, car l'heure n'était plus aux formalités.

Seulement, la simple pensée qu'elle soit celle qui le verrait de cette manière le radoucit étrangement, certainement grâce à la confiance inconditionnelle qu'il lui vouait. Après tout, elle lui avait dit également alors au diable ce qu'en penseront les autres, il portait cet amour depuis bien trop longtemps. Il n'avait jamais eut de tels yeux, dont le bleu portait l'espoir de son cœur et la douleur de son esprit.

-Espérer de pouvoir rester te protéger, contre tout ce qui pourrait t'atteindre ou te faire du mal. Espérer de réussir à tuer tous ces titans qui nous anéantiront tous mais surtout... espérer que tu acceptes.

-Mais que voulez vous que j'accepte caporal ?! S'écria-t-elle presque, étouffée par la brume que laissaient derrière elles, les paroles de son supérieur.

-Accepter ce que je ressens pour toi Petra !

Et malgré ce soudain aveu, et l'inhabituelle posture dans laquelle il se trouvait, elle ne put s'empêcher de fondre devant son charme incontestable. Il n'avait jamais été aussi beau que dans ce moment si particulier, alors que leurs camarades partaient se battre.

Ils culpabilisaient déjà d'avoir une telle conversation alors que tant d'autres problèmes pesaient lourdement sur les épaules d'autres soldats.

Le déferlement d'émotions continua dans la cage thoracique de Petra, tandis qu'il ne décrochait plus ses yeux de son visage de son air toujours si calme et insensible, s'approchant d'elle précautionneusement.

-Si vous le pensez réellement, alors s'il vous plaît... Restez avec moi caporal-chef.

Il haussa alors ses sourcils bruns, si froncés et sévères depuis le début de leur discussion. Il n'aurait jamais imaginé l'entendre lui demander cela, alors qu'il conservait intimement cette envie de la garder près de lui pour toujours.

Ils étaient si semblables et différents à la fois que le lien les unissant en demeurait indescriptible. Elle lisait toujours sur son visage le reflet de toute la douleur de ce monde, mais elle vit celui-ci s'évanouir lorsqu'elle prononça ces mots.

Sans prendre la peine de réfléchir, et se disant que sa réponse avait été suffisamment claire pour qu'elle comprenne, il retourna attraper ses lèvres en posant délicatement sa main glaciale sur sa joue.
Leur contact se faisait plus intense, mais alors qu'elle fermait les yeux pour ressentir toutes les envies refoulées se libérer subitement, il cessa de l'embrasser.

Seulement, son visage stoïque restait à quelques centimètres seulement de celui brulant de désir de sa subordonnée. Il songea qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour rester encore plus proche d'elle qu'il ne l'était déjà, même s'il fallait une fois de plus faire des sacrifices.

-Je pense que tu as ta réponse. Repose-toi maintenant. Ordonna-t-il, reprenant son sérieux militaire qu'il employait naturellement.

Il s'avançait vers la porte, laissant derrière lui Petra complètement déboussolée et rougeoyante.

-À plus tard, caporal-chef... Répondit la rousse, plus apaisée à présent.

-À plus tard, Petra. Dit-il finalement dans un murmure avant de refermer la porte derrière son dos svelte et tendu.

Sa veste de costume noire semblait presque l'étouffer après tant de sensations fortes, mais ce retour à la réalité lui fit prendre conscience de sa faiblesse. Il avait cédé face à ses sentiments, lui qui représentait l'autorité dans leur relation n'avait pas su dire non à celle qui avait fait su faire chavirer son cœur.

« Quel con putain ! » Pensa-t-il presque à haute voix en tenant son front dans sa main crispée.

Il était vrai que s'embarquer ainsi dans une telle relation avec sa subordonnée le faisait se sentir énormément stupide et pourtant, il se sentait presque soulagé, soulagé de lui avoir dit à sa manière, ce qu'il ressentait pour elle.

Mais il avait encore quelques heures, voir quelques jours avant le retour d'Erwin et du bataillon pour évaluer la situation. Ils n'étaient techniquement pas en couple ou dans une quelconque relation d'engagement, mais avaient tout deux prit connaissance de leurs sentiments mutuels.

Livaï préféra vérifier que les soldats venant tout droit des brigades spéciales, avaient bien eu le courage d'accompagner le bataillon d'exploration.

Il descendit les marches de bois grinçantes et poussiéreuses machinalement, ne pouvant sortir de son esprit l'image de Petra tremblante sous ses yeux persans. À cause de tous ces bouleversements qui s'étaient produits au fond de lui, il en aurait presque oublié le coup de balais qu'il aurait aimé passer sur le sol de sa chambre, qui l'avait affreusement horrifié lorsqu'il avait su qu'elle dormait dans de telles conditions.

Petra, elle, ne se remettait que difficilement des dernières émotions qu'elle avait ressenti. Sa mère lui manquait terriblement dans ce genre de moment, elle et ses conseils avisés à propos des naïves histoires d'amour qu'elle lui racontait quand elle était enfant.

C'était assise dans ces draps blancs que la jeune femme se souvint de ce récit qu'elle adorait écouter, à propos d'une ravissante princesse qui rencontrait l'amour par hasard dans un grand parc aux tours dorées et scintillantes.
Elle avait aimé y croire, mais après mure réflexion, rien n'atteindrait jamais la sensation qui s'emparait d'elle lorsqu'il venait l'embrasser, lui avec ses cheveux ébènes et ce regard indéchiffrable.

Portant ses yeux vers le bleu du ciel qui surplombait sa fenêtre, la jeune soldate songea à ses amis se battant en ce moment même, pendant qu'elle profitait de ces tendres instants.

Il n'y avait rien de plus culpabilisant pour elle, de se reposer tranquillement dans un hôpital pendant qu'ils se battaient tous contre des titans terrifiants et monstrueux.

Ils l'avaient envoyé ici et lui avaient permis de le revoir, seulement son devoir n'avait pas arrêté de la rattraper pendant toute leur conversation.

« Par pitié, revenez en vie mes amis... » Pria-t-elle inquiète, tout en revoyant apparaître le corps ensanglanté de Nanaba, au milieu de ce champ de bataille.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋 | Acte II : 𝓕𝓮𝓪𝓻𝓵𝓮𝓼𝓼Where stories live. Discover now