Chapitre 8 : Retour

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Alors que la nuit tombait doucement dans l'enceinte des murs et que le ciel s'assombrissait de couleurs écarlates, les chevaux arrivèrent au district de Trost, toujours bouché par le rocher qu'Eren avait porté.

Les chariots revenaient pleins de soldats blessés et tous s'arrêtèrent devant l'entrée de l'hôpital. Petra, entendant le bruits des sabots sur les pavés, sortit de la pièce où elle avait eu la chance de pouvoir se reposer, contrairement à ses camarades. Elle avait seulement enfilé sa fine chemise blanche ainsi que son pantalon de combat, et courait dans le couloir du bâtiment.

Haletante, elle descendit les marches quatre à quatre, ne pouvant plus attendre le retour de ses amis. Mais arrivée en bas, elle se heurta à l'épaule stoïque de son supérieur, qui lui lança un regard plein d'empressement.

Elle écarquilla les yeux, surprise de le croiser ainsi après leurs derniers contacts, mais elle préféra agir comme si rien ne s'était passé. Sa chevelure rousse disparut après l'encadrement de la porte d'entrée de l'hôpital, devant laquelle se dressait les chariots et les chevaux épuisés.

-Auruo ! S'exclama la jeune femme en voyant son ami, se tenant faiblement debout après la bataille.

Le jeune homme aux cheveux châtains se tourna alors vers elle, et fut surpris de la sentir s'agripper à son cou aussi prestement et sans aucune retenu.
Elle descendit aussitôt de son emprise, se souvenant de la fatigue de son ami.

-Excuse-moi, j'ai eu tellement peur que vous ne reveniez pas... Déclara la rousse presque sanglotante.

-Hey, attendez les gars, on vous a ramené l'escouade Livaï au grand complet ! Dit Erd en souriant presque, pour interpeller sa camarade.

La mine rassurée de Petra ne put soutenir plus longtemps ce sourire rayonnant, et s'affaissa en repensant à la perte de son amie qu'elle avait découverte la veille. Les mots ne lui vinrent pas, et les trois hommes la serrèrent dans leur bras, dans un geste collectif représentant leur parfait esprit d'équipe.

Leur supérieur et chef d'équipe n'avait pas raté une seconde de ce spectacle touchant, et avait même inconsciemment grincé des dents lorsque la jeune femme avait sauté au cou de son ami.

« Si ils savaient, ils n'oseraient même plus l'approcher... » Pensa-t-il presque amusé en voyant l'affection reçue par celle qu'il aimait.

Il l'aimait, et se le répétait en boucle comme pour réaliser la réalité de la situation.

Seulement son petit bonheur intérieur fut bien trop vite rattrapé par les mauvaises nouvelles arrivant sous ses yeux. Il constata en effet la perte qu'avait du essuyer le bataillon, en voyant le major partir pour une chambre de l'hôpital en urgence, un bras en moins.

De tous les soldats des trois corps d'armée partis pour la bataille, seuls les plus chanceux revinrent vivant de cette sortie hors des murs, et cela ne cessait d'affliger le caporal-chef, se souciant du bien-être de ses hommes.

Le soldat aux cheveux d'ébènes vit les trois soldats de son escouade le saluer militairement, mais remarqua avec déception que Petra était déjà partie voir Eren, toujours suivi par Mikasa. Elle ne lui avait pas laissé de nombreuses occasions d'admirer son visage depuis le retour des soldats, et cela l'attristait intimement.

Seulement les trois hommes ne devaient en aucun cas se douter de la relation qu'entretenaient leur supérieur et leur camarde, et Livaï s'efforça de se retenir de la regarder une fois de plus pour leur faire face.

-Repos, allez vous reposer maintenant mais n'oubliez pas de faire un rapport. Déclara le caporal froidement, avant de s'en aller voir l'état d'Erwin.

Quant à la rousse, elle s'en voulait d'éviter ainsi le regard persan du soldat le plus puissant de l'humanité, mais elle ne l'avait jamais trouvé aussi intimidant qu'après l'avoir embrassé. Pour se changer les idées, et aussi parce qu'elle s'en souciait énormément, elle était partie voir Eren, au milieu de la foule de soldats.

Elle souffla un bon coup, rassurée de le voir de retour avec le bataillon, qui avait donc réussi une partie de leur mission.

-Ah, Eren, Mikasa je suis contente de vous voir. Où sont les autres ? Demanda-t-elle en parlant des membres de la 104ème brigade devenus presque inséparables.

-Nous n'avons pas réussi à ramener Ymir... Elle est partie avec Reiner et Bertholdt. Elle nous a trahi ! Déclara alors le brun, tête baissée, mais plein de rage.

-Elle l'a fait pour que Reiner et Bertholdt arrêtent de nous suivre... Elle ne nous aurait fait jamais du tort ! S'exclama alors faiblement une voix angélique venant d'arriver dans leur discussion.

C'était la jeune Historia, aux airs toujours si purs et profondément emplis de bonté, qui défendait toujours avec conviction sa camarade. Petra se tourna vers elle et ne sut pas si elle devait admirer sa dévotion ou déplorer celle-ci, mais elle avait bien compris que cette jeune fille allait avoir un rôle majeur à jouer pour leur mission et qu'elle était loin d'être la frêle soldate que l'on pouvait s'imaginer aux premiers abords.

-Écoutez, je pense que vous êtes tous très fatigués alors, allez ranger le matériel et allez vous reposer. La journée a été longue. Ordonna la rousse aux jeunes recrues, de son ton maternelle.

Ils aidèrent tous à ranger le matériel, et malgré sa blessure encore vivace, Petra aida à porter les caisses de matériels jusqu'au local. Elle continuait ses allers retours jusqu'à ce qu'une main ferme se posa sur son épaule.

-Tu veux vraiment te blesser encore plus ? Ce n'est pas une après-midi de repos qui réparera ton épaule alors retourne dans ta chambre... Et prends ça, tu vas attraper la mort. L'interpella Livaï, de son ton si détaché en déposant la veste sur ses épaules, et en lui prenant la caisse qu'elle lâcha aux contacts de ses mains.

-Pardon, je m'en vais. Envoya-t-elle le regard fuyant les yeux bleutés du brun.

Il n'eût pas le temps de lui dire quoi que ce soit d'autre, elle était déjà partie vers sa chambre, s'enfermant encore une fois derrière cette porte pour souffler, la main posée sur son cœur.

Elle pouvait le sentir tambouriner dan sa poitrine, elle ne savait plus comment agir, ce moment de fuite devant les autres soldats avait été la preuve qu'elle ne maîtrisait plus du tout la situation, comme si ses sentiments l'avaient engloutit.

Ils ne resteraient dans cet hôpital qu'une seule semaine environ, le temps que les soldats soient remis sur pieds, et cela lui semblait déjà interminable. Certes, elle et le caporal ne resteraient pas collés l'un à l'autre au milieu d'une pièce remplie des soldats prêts à analyser le moindre signe d'affection qu'ils s'échangeraient, mais dans son esprit les sensations étaient similaires.

Elle avait la sensation qu'un seul de ses faux pas vers son supérieur laisserait deviner au major leur relation, et menacerait donc son poste.

« Ils vont forcément le remarquer, bon sang, comment j'ai pu être aussi stupide ?! » Songea-t-elle en se giflant intérieurement d'avoir voulu rester auprès de cet homme.

Mais sous le coup de l'épuisement, elle s'allongea dans ses draps, ôtant seulement son pantalon et ses bottes, et sombra alors dans un profond sommeil.

Ses rêves furent jonchés d'images, la faisant revoir le cours de sa vie, comme un défilé de souvenirs mis bout à bout. Elle revoyait sa mère, les prairies dans lesquelles elle avait pu jouer enfant, puis les brigades d'entraînement, Auruo et son air enfantin, sa première expédition, puis seulement son visage.

Elle ne voyait que lui, comme si les décors qu'elle avait pu imaginer quelques secondes avant cela s'étaient subitement évanouis pour lui laisser la place qu'il possédait dans son cœur. Il ne lui souriait pas, même dans ses rêves, mais son regard n'avait jamais été aussi doux, et elle pouvait presque sentir ses mains contre les siennes.

Elle finit par se réveiller difficilement, au beau milieu de la nuit à cause de la lumière aveuglante de la lune, tout en ressentant encore les derniers songes qui avaient traversé son esprit.

Elle aurait tant voulu qu'il soit là, à côté de son lit, veillant sur elle sans penser aux conséquences que cela pourrait avoir dans l'esprit de ce soldats.

Rien ne pourrait faire battre son âme avec autant de puissance, sa présence, son contact, et son regard restaient les seules choses réussissant un tel exploit.

Seulement, elle ne réussissait pas à se rendormir, et dans un élan qu'elle aurait qualifié de folie, elle partit le rejoindre.

𝔻𝔸𝕐𝕃𝕀𝔾ℍ𝕋 | Acte II : 𝓕𝓮𝓪𝓻𝓵𝓮𝓼𝓼Où les histoires vivent. Découvrez maintenant