Chapitre 19

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Nous avons fini par inviter Mélissandre à s'asseoir sur le canapé, puis lui avons tendu une tasse de thé fumante. Amos est resté, comme à son habitude, en retrait. Adossé contre un mur, le regard dans le vague, je sais qu'il nous écoute de loin. Il veille à notre sécurité, persuadé que Mélissandre est le mal incarné.

Avoir tort une fois de temps en temps, ça ne devrait pas lui faire de mal.

Assis de chaque côté de la frêle silhouette de la sorcière, Théo et moi écoutons attentivement son histoire.

Il s'avère que la jeune Mélissandre ne comptait que peu de proches dans son entourage, ses parents et une vieille tante. Malheureusement, sa mère est décédée d'un cancer et son père l'a suivi peu de temps après suite à un infarctus. Mélissandre s'est retrouvée orpheline à l'âge tendre de dix ans.

Par la suite, elle est allée vivre chez sa vieille tante, mais celle-ci est morte lors d'un accident lorsque Mélissandre a fêté ses quatorze ans.

Je ne peux que compatir à la douleur de cette gamine. Chaque fois qu'elle semble approcher quelqu'un, celle-ci finit par mourir peu de temps après, comme si elle avait été maudite par le destin, nous raconte t-elle.

Aujourd'hui, Mélissandre ne possède plus rien, ni famille ni foyer. Et s'il y avait bien une chose dont elle est sûre, c'est qu'elle ne souhaitait pas être placée en famille d'accueil et - pire encore parait-il - avec des humains. Tous étaient des sorciers dans son entourage, et si les métamorphes ne sont pas des enchanteurs comme ses ancêtres, ils restent des êtres surnaturels, qui ne la placeront pas dans un asile de fou après avoir vu une démonstration de ses pouvoirs.

—Sache que tu peux rester avec nous autant que tu le souhaites, je la rassure. Les métamorphes de cette meute sont plus que bienveillants. Ils prendront soin de toi.

Mélissandre tripote ses mains sur ses genoux, sans doute un peu mal à l'aise au milieu de cette pièce inconnue. Son attention est soudain attirée par la silhouette massive d'Amos. Ce dernier continue de bouder dans son coin, même si je suis persuadée qu'il écoute notre conversation avec une grande attention.

—Qui est-ce ? Il n'a pas l'air d'un loup.

Amos se crispe lorsque la jeune fille le mentionne, mais ne dit rien.

—Amos est un ami, et tu as raison, il ne fait pas partie de la meute, lui réponds-je.

Elle se lève doucement du canapé et s'approche à petit pas du grec, intriguée. De là où je suis, j'aperçois la lèvre supérieure d'Amos se relever furtivement, découvrant une paire de crocs effilés.

Alertée par la tournure que pourraient prendre les choses, je rattrape Mélissandre et l'arrête dans sa progression.

Il ne faut surtout pas prendre le risque de réveiller la bête.

—Tout est sombre autour de toi, dit Mélissandre. Tu émanes une aura si lugubre, comme si tu avais été...

Elle s'arrête un instant, le souffle coupé.

—Tu es un être maudit.

Mes yeux s'écarquillent, surprise que la jeune fille ait deviné si vite la nature d'Amos.

—Comment le sais-tu ? je la questionne.

—Amos est un quoi ? demande Théo.

Celui-ci n'étant toujours pas au courant de la réelle identité d'Amos, il ne doit sans doute rien comprendre à la situation. Mon ami nous observe depuis le canapé, une expression perplexe sur le visage.

—Ce n'est pas facile à déterminer, mais enfin, je suis une sorcière, me répond Mélissandre, le menton relevé par la fierté.

Je gobe son explication, n'en sachant que trop peu sur le monde de la magie pour la contredire. Peut-être que les gens sont plus souvent maudits que ce que j'imagine. Si ça se trouve, Amos n'est pas le seul homme à se transformer en bête sanguinaire.

Maudit Smilodon !Onde as histórias ganham vida. Descobre agora