Chapitre 10

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Nous passons plus d'une heure à se raconter en détails tous les évènements qui nous sont arrivés. J'ai appris que Cerise et ses camarades ont recueilli Théo à l'instant même où j'ai reçu son appel inquiétant. J'en ai donc conclu que les étranges grognements que j'avais entendus provenaient des loups.

Après cela, mon meilleur ami les a suivis jusque dans leur charmant village d'où il n'est pas ressorti depuis. Il avait l'intention d'attendre que la tempête se calme avant de me rappeler pour me donner des nouvelles, mais l'occasion ne s'est jamais présentée.

Quelle étrange tempête tout de même. Cerise a raison lorsqu'elle dit que celle-ci n'est pas ordinaire. N'importe quel orage se serait terminé au bout de quelques heures. Or, j'ai eu le temps de rouler de chez moi jusqu'à Chamonix, de discuter avec les guides, les gendarmes et les vendeurs, et de partir à la recherche de Théo, que rien ne s'était calmé. Et même après, lorsque j'ai continué de chercher au côté d'Amos, la tempête était toujours là.

Mais bon, je ne suis pas une experte des blizzards.

Lorsque vient mon tour de raconter mes péripéties, je préfère garder certains détails pour moi. Je lui rapporte tout ce qui m'est arrivée depuis mon départ de la maison, en passant par mon agression à la station-service, jusqu'à mon escapade dans la montagne.

Je lui conte ma rencontre avec Amos, de comment il m'a sauvé la vie. Je lui parle de sa manie d'offenser les gens chaque fois qu'il ouvre la bouche et de sa drôle de façon de s'exprimer dans une autre langue. Et je lui confie comment j'apprécie sa compagnie malgré tout.

Cependant, je ne lui parle pas de la nuit où Amos a perdu les pédales. Je garde encore la trace de sa morsure sur mon cou, masquée derrière les nombreuses couches de vêtements. Elle m'aide à me rappeler que je n'ai pas rêvé, que tout cela s'est bien produit.

Ceci dit, de là à croire que je n'ai pas halluciné les yeux violets et les longs crocs effilés, il y a un gouffre.

—Tu vas me faire croire que tu as dormi par terre, dans une grotte ? Toi qui ne jures que par le confort ? se moque Théo.

—Difficile à croire, hein ? Mais bon, je n'ai pas vraiment eu le choix. Et puis, toutes ces couches de vêtements les unes sur les autres, c'est comme être emmitouflé dans un matelas.

Heureusement, l'air est beaucoup plus chaud ici. Je peux retirer mes deux manteaux sans avoir à claquer des dents ou me recroqueviller sur moi-même pour garder ma chaleur corporelle.

—Et donc, qui c'était la fille qui partageait ton lit ? je le taquine.

Au moment où je mentionne la jeune femme, les joues de Théo se mettent à rosir. J'hausse les sourcils, étonnée de cette réaction inattendue.

Jusqu'ici, mon meilleur ami a toujours été un bourreau des cœurs. Il virevolte d'une femme à l'autre sans jamais s'engager. Pas de sentiment, pas d'attache, juste du plaisir, me répète t-il tout le temps.

—Julie est une personne formidable.

—Oh, et tu te rappelles son nom en plus ! je continue de l'asticoter.

Il se renfrogne et bougonne.

—Dis-moi, qu'est-ce qu'elle a de plus que les autres filles ?

L'expression de Théo se fige soudainement. Le rose de ses joues disparait pour reprendre un teint plus pâle, presque livide. Je m'inquiète devant cette réaction déconcertante.

—J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas ?

Il secoue la tête.

—Non, tu n'as rien dit de mal. C'est juste... Je ne veux pas en parler.

Maudit Smilodon !Onde as histórias ganham vida. Descobre agora