Chapitre 6

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Les mois passaient, sans que je ne m'en aperçoive. C'est fou, quand j'étais vivant, je n'avais pas vu le temps passer aussi rapidement. Les cheveux de Clémence avaient déjà recouverts son petit crâne, formant ainsi un halo châtain enrobant son visage pâle, encore quelque peu potelé. Pour fêter son premier anniversaire, Louise l'emmenait faire une promenade en poussette. Il faut dire que la démone est assez vieux jeux, les cadeaux, elle ne s'y connaît pas. De plus, elle craignait qu'ils ne découvrent Clémence. Je ne cessais de me questionner sur l'identité de ses soi-disant prédateurs. Ah, encore une chose : J'avais appris récemment que Louise était la propriétaire de l'orphelinat où logeait Clémence. Lorsque je lui avais demandé pourquoi une démone s'occupait de jeunes orphelins, son regard s'était perdu dans le vide. Puis, elle m'avait expliqué qu'une personne qui lui était chère, avait autrefois l'habitude de s'occuper de pauvres enfants ; et, pour honorer sa mémoire, elle continuait son combat. Émouvant, non ?

C'était la première sortie de Clémence, quand j'y pense. Et il nous fallut quelques minutes de marche avant d'arriver dans un parc. En son centre se trouvait une fontaine, décorée de gravures minutieuses ; l'herbe était d'un vert tendre, et les fleurs s'épanouissaient depuis leurs vases ; le feuillage des arbres semblait jouer avec les rayons du soleil, et l'air était frai. J'avais toujours adoré les parcs pour leur tranquillité, car à l'époque, ils l'étaient. Je me rappelle le temps où, je bouquinais à l'ombre sur un banc, bercé par le seul bruit du vent. Ou encore, lorsque la nuit tombait, quelques baisers échangés avec une inconnue, à l'abri des curieux... Mais aujourd'hui... J'avais juste envie de rentrer chez moi. Des gamins grouillaient de partout, se courraient après, criaient, riaient ! Où était mon silence ? Et la nature ne faisait office que de figurant, car tous les jeunes ici étaient obsédés par leurs smar... Smar... Smartphone, c'est ça ? Oui, smartphone. S'ils voulaient rester devant un écran, ils pouvaient tout aussi bien rester chez eux plutôt que de voler l'air que je respirais par leur simple présence ! Une main se posa sur mon épaule, me sortant de mes pensées. Je rencontrais le regard curieux de Louise.


- Tu sembles bien énervé, Vengeur. ; chuchota-t-elle.

- Moi ? Énervé ? Qui le serait en voyant ce paysage si magnifique souillé par des créatures si insignifiantes ? Et puis pourquoi tu chuchotes d'abord ? ; Lui demandais-je intrigué.

- Les humains ne peuvent pas te voir, mais moi, je suis visible. De quoi j'aurais l'air si je parlais toute seule ? ; rétorqua-t-elle en posant de nouveau ses yeux sur Clémence.


Elle détacha la ceinture qui rattachait l'enfant à la poussette, et la prit dans ses bras. Le visage de la concernée s'illumina d'un sourire angélique, et elle enroula aussitôt ses bras autour du cou de la démone. Ses yeux ronds semblaient examiner le lieu dans lequel elle se trouvait. Elle restait surprise à la vue de tant de monde. Peut-être était-elle intimidée ? Elle leva ensuite la tête, avant de plisser ses yeux quand un rayon de soleil vint l'éblouir. Ses prunelles noisette semblaient devenir dorées quand elles étaient exposées à la lumière. Elles roulèrent vers moi, et sa petite main frêle se tendit en ma direction. J'haussais un sourcil, tout en lui lançant un regard interrogateur.


- Je crois qu'elle veut que tu la portes. ; m'expliqua Louise.


C'était donc ça. Je lui tendis alors les bras, avant de recevoir l'enfant. Je fus surpris de sentir une masse s'écraser sur mes muscles. C'est qu'elle pesait la gamine ! Paniquée, elle s'agrippa de toute sa force à mes cheveux, me les arrachant au passage. Je me contentais de serrer les dents, car si je criais, elle paniquerait encore plus.

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