3. Amer soir d'hiver

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Le miroir terni renvoyait une image qui me paraissait étrangère, presque irréelle. Dans ma salle de bain misérable, aux carreaux ébréchés de déchéance, je me tenais, fixant mon reflet dans une ambiance glaciale et morose.

Les lumières blafardes accentuaient les cernes creusés sous mes yeux, témoins de nuits blanches et de larmes inavouées. Ma peau pâle, presque translucide, trahissait les marques indélébiles laissées par des années de solitude et de souffrance intérieure. 

Ma solitude pesait lourd. La lassitude se lisait sur mes traits tirés, un mélange de résignation et d'un désespoir sourd qui s'était installé au creux de mon être. Cette envie de vivre s'était étiolée, laissant place à une indifférence glaciale.

Avec un frisson de dégoût, je détournai les yeux de ce miroir, incapable de supporter plus longtemps la vision de cette ombre que j'étais devenue. C'était comme si chaque fragment de ce miroir reflétait non seulement mon image, mais aussi les échos d'un passé douloureux et d'un présent sans avenir.

En baissant les yeux, je cherchais à échapper à ce reflet, mais il était gravé en moi. Je serrai les dents, retenant les larmes qui risquaient de quitter le coin de mes yeux.

Je me sentis vide et emplie à la fois. Vide par ces flammes qui avaient emportés une partie de moi-même dans la braise, et emplie par ce sentiment qu'était la peine et qui me rongeait de l'intérieur depuis.

J'ôtai le reste de mes vêtements à la hâte et me pressai sous douche.

Je me sentais prisonnière de cette ville impitoyable, New York, où chaque rue semblait me rappeler mon échec, chaque visage anonyme dans la foule reflétant mon isolement. Les cris incessants de la ville me perçaient les oreilles. Moi qui croyait que tout irait mieux en quittant la Californie, que je ne serais plus rongée par mes démons, que cette nouvelle vie ne m'apporterait que du bien. J'avais tout faux. 

New York ne m'apportait aucun bien.

La ville était trop grande, trop polluée, trop oppressante et bondée de monde. Trop de regards. Trop de trop.

Les palmiers de ma ville natale me manquaient. Le sable, la plage et les beaux couchers de soleil aussi. Le bruit des vagues et l'odeur de l'océan qui me saluaient chaque matin. Le vent salé qui chatouillait mes narines dès que je mettais le pied dehors. Cette ville que j'avais fuis après l'incendie. Mais n'oublie pas les mauvais côtés aussi- non, tais-toi.

Je ne pouvais plus revenir en arrière maintenant. J'avais songé plusieurs fois d'y retourner, or la peur me prenait aux tripes chaque fois. Elle me manquait autant qu'elle m'effrayait à présent. Même si je tentais de garder les bons souvenirs, mes traumatismes refaisaient surface instantanément et les détruisaient au passage.

De toute façon, j'étais coincée à New York maintenant, je n'avais plus les moyens de me permettre de changer de vie une nouvelle fois, ce luxe ne m'était plus qu'un lointain rêve irréalisable.

En repensant à tout cela, je me recroquevillai sur moi-même et laissai l'eau couler le long de mon corps fébrile. Je repensais aux couchers de soleil rouge-orangés, et mes larmes se confondirent à l'eau qui mouillait mon visage.

En me frottant le dos, je sentis ces cicatrices au toucher, avant d'immédiatement retirer ma main.

En sortant de la douche, j'attachai négligemment mes cheveux mouillés avec une pince. Habillée d'un pull et jean flottant autour de mes jambes, je sortis de la pièce. La buée s'échappa en même temps.

Je passai devant ma chambre, et la porte entre-ouverte me permit de voir Isaac, assis sur le rebord de son lit. Il soulevait les altères qu'avait emmené un type que je n'avais jamais vu. 

RENAISSANCETempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang