11. Asong était heureux

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C'était le soleil qui réveilla Asong, chatouillant son visage comme le matin venait, ses rideaux grands ouverts. Il ouvrit des yeux fatigués par la maladie, l'esprit comme frappé par milles marteaux et le nez enrhumé, exténué malgré son repos agité. Il faisait bon dans la chambre, le radiateur dans un coin émettant une chaleur constante, et Asong alors sut que sa mère était passée par-là, car lui avait toujours aimé le froid de l'hiver et ne l'allumait jamais seul. Il se tourna sous les épaisses couvertures, grimaçant en sentant tout son corps recouvert d'une sueur froide, et ses yeux tombèrent sur la bassine d'eau et le linge humide posés sur sa table de chevet, la dernière trace de la présence de sa mère dans sa chambre. Il était seul à cet instant, et il n'était peut-être pas particulièrement aimé, mais elle était venue quand même. Elle l'avait porté à son lit et l'avait bordé, était restée à ses côtés jusqu'à ce que la fièvre ne meurt sans jamais ciller, et il en était reconnaissant.

Il s'assit dans son lit, essuyant son visage avec le linge laissé là et tournant les yeux vers le ciel bleu comme une ancolie dehors. Des oiseaux se posèrent à sa fenêtre, la tête penchée, heureux de le voir de nouveau debout. La fenêtre de sa chambre était fermée pour la première fois depuis longtemps et il ne ressentit plus l'envie douloureuse de courir l'ouvrir, d'entendre le murmure de l'eau et la voix enjôleuse de Magnolia portée par le vent. Apaisé par les bras réconfortants de Gabriel et ses dernières paroles qui résonnaient encore au creux de ses oreilles, il en était satisfait. À la place, il quitta les draps chauds et invitants de son lit et marcha jusqu'à sa petite salle de bain, celle qui avait été carrelée de bleu et peinte de vagues et de petits bateaux quand il était trop jeune pour s'en souvenir, celle que jusqu'à présent il n'avait jamais vraiment aimée. Il se débarbouilla dans le lavabo, effaçant les traces rouges des larmes brûlantes qui avaient coulé sur ses joues dans son sommeil, coiffant sa tignasse dans laquelle il découvrit encore quelques petites tresses. Il n'aurait su définir l'émotion qui tourbillonna en lui quand il pensa aux mains agiles de Magnolia qui les avaient placées là, celles qui avaient enserré le cou d'une enfant plus jeune que lui sans aucun remords, celle qui avaient tant fait souffrir. Il défit les tresses et ne pleura plus pour ce qu'il ne pouvait changer.

Il était encore tôt et le reste de la maison était plongé dans la pénombre lorsque le garçon descendit les escaliers, silencieux, habitué à ne pas faire craquer les planches des marches si capricieuses. Il prit sa veste dans la commode, remettant le cintre à sa place en prenant attention à ne pas faire de bruit en le cognant contre les autres, et enroula son écharpe de laine épaisse autour de son cou. Il traversa la cuisine et n'était plus loin de la porte d'entrée, et puis il se figea. Dans le salon sa mère était là, debout déjà et assise près de la fenêtre qu'elle ne quittait presque plus ces derniers temps, ses traits tirés et ses cheveux détachés, longues boucles blondes dont il avait hérité mais qui semblaient presque blanches dans la lumière du soleil levant. Elle l'avait entendu bien sûr car c'était après tout sa mère et que rien ne lui aurait échappée, et elle se retourna vers lui le visage impénétrable, l'expression lisse comme le mur de pierre qu'elle avait érigé entre eux il y a si longtemps. Dans ses mains elle tenait une photo qu'Asong ne pouvait voir, loin comme il l'était, qu'elle contemplait silencieusement avant qu'il ne descende.

"Tu es debout, dit-elle, indifférente presque, et pourtant quelque chose sembla avoir changé. Sais-tu que ta fièvre est montée à près de 41 degrés la nuit dernière ? J'ai cru que tu ne te réveillerais pas.

– Je... je ne me souviens plus, bégaya Asong, choqué presque de l'entendre parler de quelque chose de si important de façon si désinvolte.

– Je n'en doute pas. C'est assez élevé pour appeler le médecin d'urgence, normalement. Ton père a dit que ça passerait, et que c'était inutile de demander un déplacement pour cela. Je déteste lui donner raison mais te voilà déjà debout et voulant quitter la maison, soupira la femme qui parut plus vieille soudain, amère et alourdie par le poids des années.

Magnolias dans le jardin d'hiverWhere stories live. Discover now