Chapitre 52

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Perdu dans son esprit, perdu dans le passé, Drago entendit vaguement de l'agitation autour de lui, mais il ne parvint pas à sortir de ses souvenirs.

La mention du feudeymon avait suffi à briser la barrière solide qu'il avait érigée dans son esprit pour garder à l'écart son passé. Mais maintenant, tout ce qu'il avait soigneusement refoulé durant toutes ces années le submergeait, le noyait sous des millions de moments de son enfance et de son adolescence.

Il y avait l'héritier choyé, d'abord. Celui qui obtenait tout ce qu'il désirait à condition d'être un parfait petit sang pur. Il avait très vite appris à répéter les mots de son père, sans même les comprendre.

Sa mère le prenait parfois dans ses bras, avant Poudlard, mais son père détestait les manifestations d'affections et très vite, il avait dû oublier les gestes de tendresse. S'il se montrait trop faible, il recevait un coup de canne, pour l'endurcir.

En grandissant, il avait pris l'habitude de donner à son père ce qu'il espérait d'un héritier et en contrepartie, rien n'était interdit ou inaccessible pour lui. Quoi qu'il désire, il l'obtenait, et c'était suffisant pour le contenter. Il imaginait qu'il était heureux.

À Poudlard, les choses avaient commencé à déraper. Son père semblait plus intéressé par la présence de Potter à l'école que de son propre fils, lui demandant en permanence ce qu'il faisait. Lorsque son père avait perdu à la fois son elfe et son poste au conseil d'administration de l'école, il avait été furieux pendant des semaines, rendant l'atmosphère au manoir irrespirable.

Le retour de Voldemort avait été le point de basculement. Son père s'était précipité aux pieds du mage noir et il avait promis que son fils suivrait ses traces. Drago n'avait pas eu voix au chapitre, il avait juste été informé qu'il prendrait la marque lorsqu'il serait temps.

Drago n'avait pas protesté, puisqu'il baignait dans ces croyances depuis sa naissance. Mais au fond de lui, il avait commencé à douter et à craindre pour son avenir. Il pensait avoir le temps jusqu'à sa majorité, mais lorsque son père avait été expédié à Azkaban, Drago avait été appelé et marqué... Il s'était convaincu que c'était pour le mieux, qu'il pourrait protéger sa mère et son père, mais avec le recul, c'était juste de la lâcheté. Il n'avait pas osé donner son avis ou même se rebeller.

Le jour où il avait assisté à une réunion au manoir, alors que son bras n'était pas encore cicatrisé, et qu'il avait découvert une professeure de Poudlard, immobilisée au-dessus de la longue table de salle à manger, il s'était figé, horrifié.

Il avait regardé cette femme qu'il connaissait être tuée sous ses yeux, puis dévorée par l'ignoble serpent de Voldemort, sans dire un mot et sans faire un geste. Ensuite, dès que possible, il avait regagné sa chambre et il s'y était enfermé, l'esprit vide.

Pour ne pas devenir fou, il avait prétexté que rien ne s'était produit. Il n'en avait jamais parlé à personne, comme si Charity Burbage n'avait jamais existé.

Il avait fait de même avec chaque mort, chaque séance de torture à laquelle il avait assisté.

Tous ces souvenirs étaient comme de l'acide qui rongeait peu à peu ce qu'il était, mais il ne parvenait pas à y faire face.

Le pire avait été la mort de Dumbledore. Il aurait dû être celui qui lançait le sort fatal, mais il avait échoué. Il n'avait pas pu, alors que Dumbledore lui proposait de l'aider — trop tard, bien trop tard.

Il avait hésité après l'avoir désarmé, suffisamment longtemps pour que Rogue arrive et termine sa mission. Horrifié, Drago avait regardé le directeur basculer et tomber, interminablement.

S'il avait détesté Dumbledore de toute son âme depuis qu'il était arrivé à Poudlard, il avait pris conscience à cet instant précis, alors qu'il tombait de la tour d'astronomie, qu'il n'avait jamais réellement souhaité sa mort.

Il n'avait pas eu le temps de réfléchir à ce sujet que Rogue l'empoignait pour qu'ils puissent fuir et il avait croisé le regard vert de Harry Potter.

Ça avait été le pire pour lui. Découvrir que Harry avait assisté à la scène. Il avait vu ce qu'il avait fait — laisser les Mangemorts entrer et acculer Dumbledore — mais également son incapacité à tuer.

Le moment n'avait duré qu'une fraction de seconde en réalité, mais il avait eu l'impression d'être transpercé jusqu'à l'âme et immédiatement jugé.

Trop faible pour se révolter et faire le bien, trop lâche pour embrasser les ténèbres et appartenir au mal...

Il entendit l'écho de cris, trop lointain pour être entendus, et Drago se tendit, le souffle court, craignant une nouvelle plongée dans ses pires souvenirs. Il ne parvenait pas à sortir de son hébétude, puis, alors qu'il allait paniquer, sa joue se mit à le brûler et il sursauta sous la piqûre de douleur.

Il cligna des yeux et secoua lentement la tête, frottant sa joue endolorie. Weasley était toujours là, devant lui, le fixant les sourcils froncés avec une pointe d'inquiétude dans ses yeux, les joues écarlates.

Drago fronça les sourcils, perplexe.

— Tu m'as giflé.

Le rouquin afficha un sourire tordu et il haussa les épaules.

— Tu semblais perdu dans tes pensées, je ne voyais pas comment te ramener.

Il leva la tête et fixa un point dans le dos de Drago, avec une expression étrange. Aussitôt, Drago se tendit en devinant qu'ils n'étaient plus seuls.

Son cœur accéléra, même si Weasley paraissait presque amical à son égard. Après tout, il y avait des tas de raisons pour que l'Auror du Macusa lui joue un sale tour. Drago avait été un gamin détestable à Poudlard, toujours prêt à se moquer et à humilier ceux qui ne convenaient pas aux standards très stricts de son père.

Le jeune homme déglutit, hésitant à se retourner, avec la très nette sensation que quelqu'un le fixait.

Weasley soupira et il reporta son attention sur Drago.

— Tu te sens mieux ?

Un bref instant, Drago eut envie de répondre qu'il n'allait pas bien. Qu'il voulait juste dormir quelques heures et oublier tout ça. Cependant, autrefois, en fuyant, il s'était juré de ne plus jamais esquiver ses responsabilités, alors il hocha la tête, avec une légère grimace.

Weasley le dévisagea un instant de plus, puis il hocha la tête à son tour.

— Très bien. Je pense que vous avez des choses à vous dire, je vais... faire un tour.

Il redressa une fois de plus la tête en fronçant les sourcils, puis il marmonna, agacé.

— Je préférerais autant que la nuit se termine sans blessés.

À cet instant, Drago sut exactement qui était derrière lui et il ferma les yeux, totalement défait.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant