Chapitre 42

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Drago regarda longuement dans la direction d'Alice Spring, avant de soupirer et de faire demi-tour, déterminé.

Ses projets étaient un peu différents de ce que Hermione avait planifié pour lui.

En premier lieu, il allait parcourir deux cents kilomètres dans la direction opposée d'Alice Spring pour rejoindre Sandover. La même distance à peu près le mènerait à Davenport. Les deux villes qu'il avait repérées sur un Atlas avaient trop peu d'habitants pour qu'il puisse s'y cacher, mais elles étaient des étapes de son périple. Il avait repéré un aéroport à Tennant Creek, à cent cinquante kilomètres de Davenport au nord, d'où il pourrait rejoindre une plus grande ville pour se fondre dans la foule.

Il commença à marcher le long de la route, d'un bon pas, essayant d'ignorer la chaleur écrasante. Il avait prévu de faire de l'auto-stop pour se rapprocher de sa destination, et il leva rapidement le pouce dès qu'un bruit de moteur se fit entendre.

En voyant l'homme immense qui s'arrêta, il eut un bref moment de doute, avant de monter dans son pick-up poussiéreux, en le surveillant du coin de l'œil avec méfiance. L'homme l'examina longuement, puis grogna.

— Tu vas où, gamin ?

En temps normal, Drago se serait probablement hérissé d'être traité comme un enfant. Cependant, le colosse à ses côtés était trop intimidant pour qu'il s'offusque de ses paroles. Il haussa les épaules en essayant d'avoir l'air décontracté, puis il souffla.

— Sandover.

L'homme soupira en démarrant.

— T'es pas du coin, toi.

Drago eut un instant de panique, cherchant quelque chose à dire, puis il murmura, en baissant la tête.

— Je suis en voyage, oui.

Ils roulèrent un long moment en silence, puis l'homme reprit la parole, toujours aussi bourru.

— Pas de bagages ?

Drago grimaça un sourire nerveux.

— Je voyage léger.

L'homme soupira et mit son clignotant avant de s'arrêter sur le bas-côté, pour fixer Drago.

— Écoute, gamin. Je t'emmène à Sandover si tu veux, mais je veux que tu me dises pour quelle raison tu es sur la route au milieu de nulle part, seul et sans bagages. Je ne tiens pas à être mêlé à une histoire de fugue ou... des conneries de ce genre.

Drago écarquilla brièvement les yeux, puis il pinça les lèvres.

— J'ai vingt-cinq ans, je suis majeur, monsieur.

L'homme ne sembla pas se préoccuper de son âge, continuant à le fixer, imperturbable. Drago jeta un coup d'œil sur la route déserte, puis il soupira à l'idée des deux cents kilomètres à parcourir.

Après quelques secondes à réfléchir, il finit par murmurer, sans croiser le regard de son chauffeur.

— J'ai besoin de prendre un nouveau départ. De commencer une nouvelle vie. Je ne suis pas un criminel et je n'ai pas de famille dans ce pays.

Alors que Drago pensait que l'homme allait lui demander de quitter son véhicule, ce dernier démarra et reprit la route.

— Querelle d'amoureux ?

Drago sursauta, les yeux écarquillés, et il perdit contenance un instant. Puis il se mordilla la lèvre avant de souffler tristement.

— Quelque chose comme ça, oui.

Les deux heures de voyage jusqu'à Sandover se terminèrent dans le silence, et Drago somnola en regardant distraitement le paysage. Arrivé dans la petite ville, l'homme le dévisagea attentivement.

— Besoin d'aller plus loin, gamin ?

Le jeune homme hésita longuement, puis il sourit aimablement et il secoua la tête.

— C'est gentil, mais je pense que je vais... rester un peu par ici.

— Comme tu veux. Bonne chance, gamin.

— Merci beaucoup, monsieur. Bonne route.

Drago regarda le pick-up démarrer, regrettant presque de ne pas avoir accepté la proposition. Sous ses dehors bourrus, l'homme semblait définitivement quelqu'un de bien, concerné par sa sécurité.

Cependant, il ne voulait pas donner la moindre indication de sa destination et il avait prévu de se débrouiller à chaque étape.

Il traversa la petite ville en regardant autour de lui, jusqu'à trouver la route qui menait à sa prochaine étape, Davenport.

Il n'eut pas longtemps à attendre et cette fois-ci, ce furent deux vieilles dames aux cheveux blancs qui s'arrêtèrent.

À peine leur voiture démarrée — un modèle qui semblait très ancien — elles se mirent à parler, lui racontant leur vie. Drago les écouta poliment, amusé de les entendre se chamailler sur des détails quand leurs souvenirs différaient. D'après ce qu'il avait compris, elles étaient cousines et elles avaient toujours vécu l'une près de l'autre. Lorsqu'elles étaient devenues veuves, elles avaient emménagé ensemble pour ne pas souffrir de la solitude.

En entendant leurs mots, le cœur de Drago se serra. Il se préparait à une vie solitaire, et il n'aurait personne pour apaiser la souffrance d'avoir perdu Harry. Cependant, il avait conscience qu'il ne méritait pas le moindre réconfort pour l'avoir abandonné.

Ils arrivèrent à Davenport en fin d'après-midi. Drago salua les vieilles dames avec un sourire reconnaissant, regrettant presque de ne jamais les revoir. Il les remercia abondamment avant de les laisser repartir.

Davenport n'était qu'une petite ville, comptant moins de deux cents habitants. Bien que ce soit une ville du centre de l'Australie, perdue à proximité de l'Outback, il n'y avait pas assez de monde pour qu'il puisse se fondre dans le décor.

Lorsqu'un panneau indiqua un aéroport à moins de deux cents kilomètres de la petite ville, à Tennant Creek, Drago se prépara à faire du stop encore une fois pour sa nouvelle destination.

Cette fois, ce fut un représentant de commerce taciturne qui lui proposa de faire le voyage avec lui et Drago en profita pour somnoler tout le long du trajet.

Lorsqu'il arriva à Tennant Creek, Drago était trop épuisé pour envisager de continuer son périple et il trouva un petit hôtel bon marché un peu à l'écart de l'aéroport pour y passer la nuit. En prévision de sa fuite, il avait pris soin de changer de l'argent avec la complicité de Hermione et il n'eut pas le moindre problème à payer pour une nuit.

La chambre était petite et propre, bien que décorée de façon vieillotte. Drago ne s'en préoccupa pas : il n'alluma pas la lumière, quittant juste ses vêtements rapidement pour s'effondrer sur le lit un peu trop mou. La seconde suivante, il dormait profondément, à des milliers de kilomètres de chez lui.

Sous TutelleWhere stories live. Discover now