Chapitre 24

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Dîner avec Harry fut étrangement plaisant. Ils évitèrent avec soin tous les sujets sensibles et ils passèrent un bon moment.

Drago parla beaucoup de sa librairie, répondant avec bonne volonté aux questions de Harry. Ce dernier semblait sincèrement intéressé par le sujet, le poussant à partager des anecdotes.

Ce ne fut qu'au dessert que Drago se rendit compte qu'il n'avait pas eu l'occasion de poser la moindre question à Harry et qu'il n'en savait pas vraiment plus sur lui.

Il profita du fait que Harry soit occupé à manger sa mousse au chocolat pour l'interroger.

— Et toi, alors ? Tu fais quoi de tes journées ?

Harry haussa brusquement les épaules, un peu mal à l'aise.

— Rien d'aussi passionnant que toi, j'en ai peur. Disons que je cherche... ma voie.

Drago haussa un sourcil perplexe en le dévisageant, puis il hocha la tête en essayant de masquer son agacement. Harry savait tout de sa vie, dans les moindres détails, mais la réciproque était loin d'être vraie. C'était un rappel de plus qui prouvait que tout était faussé entre eux.

Harry sembla se rendre compte de sa déception puisqu'il murmura, en se mordillant la lèvre.

— J'essaie d'apprendre à gérer la famille Black. Mon parrain n'a jamais assumé ce rôle et je pense qu'il n'a jamais imaginé que le titre de chef de famille me serait transmis... après tout, son passage à Azkaban l'avait privé de ses droits. Comme il était le dernier héritier survivant, sa mère a fait ajouter dans son testament que s'il venait à être innocenté de ses crimes, il serait réintégré à la famille pour en prendre la tête.

Drago hocha la tête.

— La guerre a fait disparaître beaucoup de familles sorcières. Je suppose que certaines fautes sont pardonnables lorsque toute une lignée est sur le point de s'éteindre.

Harry ricana, amer.

— Je ne suis pas certain que Sirius aurait aimé découvrir ça. Mais... je ne voulais pas laisser son nom s'éteindre alors que j'avais la possibilité de faire quelque chose.

Drago garda le silence quelques instants avant de murmurer.

— Habituellement, le chef de famille forme ses héritiers. Comment te débrouilles-tu ?

Harry laissa échapper un léger gloussement avant d'avouer, les yeux pétillant d'amusement.

— Hermione m'a fait une liste interminable d'anciens livres à lire, mais je dois avouer que je préfère... voir au jour le jour. Disons que je fais comme je peux et je vois ce qui se passe.

L'expression à la fois fière et terriblement coupable de Harry fit rire Drago, et il secoua la tête, amusé.

— Venant de toi, ce n'est même pas étonnant. Ça te permettra peut-être de dépoussiérer tout ça.

Harry eut une légère grimace, avant d'avouer ses projets.

— Disons que je n'ai pas encore réclamé le siège qui m'est réservé au Magenmagot. Je n'étais pas certain d'avoir envie d'y entrer, mais Hermione m'a convaincu que je pourrais...

Il s'interrompit et plissa le front, comme s'il essayait de se rappeler les mots de son amie. Drago ricana, et proposa immédiatement, avec un sourire malicieux.

— Mettre le bazar ? Leur faire avaler leurs dentiers ?

Harry se mit à rire, incapable de garder son sérieux. Il hocha la tête, en faisant signe à la serveuse de lui apporter l'addition.

— Quelque chose dans le genre, oui. C'est probablement ce point qui m'a convaincu de tenter l'expérience, mais je veux être prêt à toute éventualité avant de plonger dans la fosse aux lions... Je t'invite, Malefoy.

Le sourire de Drago se flétrit et il détourna le regard, fixant la nappe sur laquelle il commença à dessiner des formes abstraites du bout du doigt.

— Si ça te fait plaisir. Ce n'est pas comme si j'avais la possibilité de payer, désormais. Tout est à toi.

Drago se sentait un peu stupide d'avoir ruiné la bonne ambiance d'un coup, en évoquant le fait qu'il n'avait plus de possessions matérielles. Il avait passé une excellente soirée et Harry l'avait traité comme un égal, faisant en sorte de ne jamais le faire se sentir inférieur.

Bien que Harry n'était pour rien dans ses ennuis, il n'avait pas pu s'empêcher d'être amer. Il avait été livré à lui-même depuis sa majorité, il s'était débrouillé pour devenir indépendant sans aide et il en était fier. Se retrouver sous la tutelle de Harry était un coup dur porté à son égo, mais aussi à son moral.

Ils sortirent du restaurant côte à côte, sans prononcer le moindre mot. Drago frissonna en enroulant son écharpe autour de son cou, puis il murmura.

— Je suis désolé, pour tout à l'heure. C'était mesquin de ma part de faire cette remarque alors que... ce n'est pas de ta faute.

Harry plongea les mains dans ses poches et baissa la tête, marchant au même rythme que Drago dans la rue déserte à cette heure avancée de la soirée. Il soupira.

— Ce n'est rien. Je comprends que tu sois... en colère. Je veux dire, j'imagine sans peine ce que je ressentirais si j'étais à ta place.

Drago se mordilla la lèvre puis lança, sans réfléchir.

— À Poudlard, on se serait battus pour moins que ça, non ? Qu'est-ce qui a changé, Potter ?

Harry lui jeta un bref coup d'œil en coin, avant de soupirer.

— Nous sommes devenus adultes, peut-être ? Ce n'était que des disputes d'enfant, tu ne penses pas ?

Drago haussa les épaules, incertain.

— Probablement.

Alors qu'ils arrivaient à proximité de leur immeuble, Harry s'immobilisa, entre deux flaques de lumière projetées par les lampadaires. Le visage dans l'ombre, il murmura, indécis.

— Tu préférais quand on se battait ?

Drago laissa échapper un rire nerveux.

— Non, pas vraiment. C'est juste... différent, je suppose.

Harry resta immobile et après quelques secondes, il ajouta.

— Tu sais que c'est des conneries ces histoires de tutelle, n'est-ce pas ? Quoi que puisse en dire le ministre, je ne vais pas détruire tout ce que tu as construit. Et je ne vais pas me servir de toi pour... gagner ce foutu bras de fer.

Drago aurait aimé pouvoir croiser le regard de Harry en cet instant, même s'il savait au fond de lui qu'il était pleinement sincère. Il eut un sourire triste et il haussa les épaules, fataliste.

— À la fin, tu n'auras peut-être pas le choix. Mais je ne t'en veux pas, Potter. Quoi que tu puisses penser, je n'ai rien à te reprocher.

Sous TutelleOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz