Chapitre 46

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Après un mois entier en mer, Drago avait changé physiquement. Ses cheveux déjà clairs — Harry ne l'avait jamais laissé se teindre de nouveau les cheveux après l'avoir retrouvé — étaient devenus presque blancs à cause du soleil. Il les avait laissés pousser pour les attacher grossièrement, ne se souciant pas vraiment de son apparence.

Son teint pâle, aussi clair que la porcelaine lorsqu'il vivait en Angleterre, avait pris des couleurs. Il avait la peau tannée par le soleil, ce qui mettait encore plus en évidence ses yeux gris clair. Il n'était pas bronzé comme certains de ses compagnons de voyage, mais il ne ressemblait plus au riche sang-pur privilégié d'autrefois.

Les travaux physiques qu'il imposait à son corps quotidiennement avaient également porté leurs fruits et il s'était musclé, perdant la silhouette presque délicate qu'il avait eue. Il restait mince cependant, mais désormais, il se sentait plus en forme que jamais. Il lui arrivait parfois de penser que s'il devait se faire agresser de nouveau, ses assaillants auraient fort à faire pour le maîtriser et pour le rendre impuissant. Il avait appris à se défendre et à ne plus rester simplement passif face aux évènements.

Certains de ses collègues avaient tenté de se lier avec lui, mais il était resté dans son coin, solitaire. Il répondait poliment, bien sûr, ne repoussait pas vraiment les autres, mais il ne s'impliquait jamais et ne cherchait pas à se faire des amis. Si à Poudlard il avait été qualifié de prétentieux, désormais il était vu comme un jeune homme timide et agréable à vivre malgré son mutisme.

Parfois, il sentait le regard du capitaine Anton sur lui, le jaugeant. L'homme n'avait cependant jamais fait le moindre reproche à son égard, et comme avec le capitaine Moore, il reçut une lettre de recommandation à la fin de la traversée, mais cette fois-ci, il n'eut pas à divulguer ses secrets — même partiellement.

En arrivant à Icy Strait Point, Alaska, Drago regarda autour de lui avec une pointe d'émerveillement. Les lieux étaient magnifiques et il préférait ce climat plus rude à la chaleur tropicale de l'Indonésie.

Icy Strait Point étant touristique, Drago rejoignit Hoonah, à proximité. La petite ville était isolée et elle n'était accessible que par la mer ou les airs.

La petite communauté semblait plutôt soudée et l'économie reposait sur le poisson. Étrangement, Drago s'intégra assez vite.

Il ne savait pas si c'était parce qu'il ne ménageait jamais ses efforts et qu'il acceptait n'importe quel travail ou si c'était à cause de sa discrétion.

La vie à Hoonah était confortable pour le jeune homme. Savoir qu'il devrait partir bientôt l'attristait et malgré lui, il prolongea son séjour à plusieurs reprises.

Drago se renseigna sur les prochains voyages en mer, hésitant à repartir en Océanie. Il entendit par hasard parler d'une croisière qui reliait les deux pôles et qui durait plus de trois mois. Aussitôt, Drago s'y intéressa : la vie en mer lui manquait, puisque tout semblait différent. Hors du temps.

En mer, son passé n'avait plus d'importance et il parvenait presque à rendre le manque de Harry supportable.

Le seul point négatif de cette croisière alléchante était qu'il devait prendre l'avion à Hoonah pour rejoindre Vancouver. Ensuite... il monterait sur le M.S. Roald Amundsen, qui partait du Canada pour rejoindre Ushuaïa, au bout du monde.

Il n'était pas certain de trouver un poste à bord, mais il eut envie d'essayer. Ça lui semblait être un défi et il devait avouer être intrigué par la mission scientifique qui serait à bord. Tous ces mois de dur labeur n'avaient pas tari sa soif de connaissances, bien loin de là.

Cependant, il avait quelques mois à patienter, puisque l'expédition ne partait qu'à l'été. Drago n'eut pas vraiment à se poser la question : il était évident qu'il resterait à Hoonah jusqu'au moment où il devrait rejoindre Vancouver.

Inexorablement, avec le temps qui passait, Drago relâcha sa garde. Harry était toujours dans ses pensées, en permanence, mais il n'y avait plus cette souffrance paralysante qui lui déchirait le cœur. C'était devenu un manque lancinant, mêlé à une forte nostalgie.

Il avait quitté l'Angleterre depuis plus de deux années complètes désormais et il avait cessé d'envoyer des nouvelles à Hermione en quittant l'Indonésie. Il culpabilisait parfois à ce sujet, tout en se disant que Hermione devait avoir compris qu'il ne reviendrait pas.

Puisqu'il avait de l'expérience sur un bateau — même si un paquebot de luxe était bien différent d'un chalutier ou d'un petit bateau de pêche — Drago commença à travailler avec des pêcheurs de Hoonah.

Après la première tempête essuyée en mer, pendant laquelle il crut qu'il ne survivrait pas aux éléments déchaînés, il fut joyeusement accueilli à terre, comme tous les autres marins. Il avait fait ses preuves, en montrant qu'il gardait la tête froide, même au milieu du danger. Il ne se sentait pas spécialement plus courageux, cependant, dans son cœur, Hoonah devint son foyer.

Il y eut d'autres tempêtes. Drago les affrontait avec calme, probablement parce qu'à ses yeux rien n'était plus effrayant que de savoir Harry en danger à cause de lui.

Le petit bar où se réunissaient les pêcheurs en rentrant d'une longue journée en mer ne payait pas de mine, mais l'accueil y était chaleureux, la nourriture y était bonne et la bière coulait à flots. La propriétaire du troquet lui rappelait Pansy Parkinson dans ses manières, même s'il s'agissait d'une sculpturale blonde qui approchait de la quarantaine.

Cette femme le maternait outrageusement et Drago se laissait faire, presque malgré lui. Même s'il avait repoussé toutes les amitiés jusqu'à présent, il avait besoin d'un peu de contacts humains pour ne pas devenir fou.

Tessa Jones paraissait lire dans son esprit et elle avait su l'apprivoiser, petit à petit. Elle avait deviné qu'il cachait beaucoup de choses, mais elle ne posait jamais de questions. Elle se contentait de l'écouter et d'être une présente constante pour lui.

Lorsqu'il rentrait d'un voyage en mer, elle était présente et l'enlaçait chaleureusement, soulagée de le voir rentrer, comme s'il était de sa famille.

Drago allait la voir quand il se sentait trop seul. Il s'installait à une table avec une bière et un livre, et la présence seule de Tessa lui permettait de se détendre et de chasser ses vieux démons.

Lorsqu'arriva le troisième anniversaire de sa fuite, Drago rejoignit directement le bar de Tessa, sans se poser de questions. Il avait la gorge serrée et il se sentait terriblement mal, au point d'oublier toute prudence et de commander bière après bière, espérant juste anesthésier ses sentiments.

Sous TutelleWo Geschichten leben. Entdecke jetzt