" Et si les étoiles m'accordent une chance" La Fouine

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Assise dans la grande bibliothèque du Manoir de la meute Ratayon, Aéna travaillait sur l'essai qu'elle devait rendre pour son cours d'anthropologie de la nature. Elle posait une analyse sur l'omniprésence du rapport à la nature dans les œuvres de Tolkien, reflet d'une culture européenne qui jadis posait un regard sur la nature plus cosmologique. La cosmologie c'est quoi en fait ? . La cosmologie c'est une manière d'être au monde. La notion de culture est trop rapportée au visuel. Dans l'univers de Tolkien, qu'il s'agisse des Elfes ou des Nains, en passant par les Ents, le rapport au Monde se fait par la nature, par les étoiles, par la transcendance entre le visible et l'invisible.

Aux portes de la bibliothèque se tenaient deux vampires imperturbables. Volontaires, ils étaient les vampires que Med avait suggéré aux Ratayon pour assurer sa sécurité. Ils n'étaient autorisés au Manoir que le temps que soient arrangée la situation avec sa famille.

Ainsi avait-elle au moins à ses côtés quelques individus qui n'étaient pas là par conscience collective ou dévotion pour son âme-soeur. Ainsi pouvait-elle paisiblement savourer sa lecture sans penser aux potentielles personnes qui étaient contre le lien qui la liait à Evan. Elle ne l'avait pas souhaité ce lien, elle le subissait autant que Evan, et la conscience collective de la Meute.

Elle entendit un coups à la porte qui la fit sursauter. Les vampires présents ouvrirent d'un geste synchronisé, rapide, presque un millième de seconde après le coups. Ils ne trouvèrent personne dans le corridor. Elle se demandait s'il était possible d'être plus rapide que des vampires. Comment était-ce possible?

-Qui est-ce, demanda-t-elle.

- Une odeur de loups que nous ne connaissons pas, commenta Jade, un des deux vampires envoyés par Med.

- Il va sans dire que ce n'est pas anodin qu'on ait frappé à votre porte pour disparaître, jeune Luna, sourit, sans joie, Stan, le compagnon de Jade. Je m'en vais investiguer cette senteur, Jade reste à vos côtés.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Stan disparut sans un bruit tandis que Jade refermait la porte de la bibliothèque pour reprendre sa place, mais cette fois-ci en se positionnant devant la porte.

- Vous croyez que je peux vivre une journée sans avoir de soucis, soupira lasse Aéna en rouvrant son livre et continuant sa prise de note pour son essai. Elle devait quand même le rendre dans deux jours et ne semblait pas prête à pouvoir le faire sans une nuit blanche en perspective.

- Les calices et les lunas sont deux faces d'une même pièces : la cible du pire et pourtant l'incarnation du meilleur, déplora Jade.

- Comment ça le meilleur?

- Un calice est le rappel qu'un vampire, aussi imbu de puissance et d'expérience qu'il soit, est dépendant du plus précaire des êtres : une vie parmi tant. Et la luna, en un sens, montre qu'une meute, aussi forte et libre qu'elle puisse être, par sa conscience collective et l'attitude de son alpha, peut sombrer à tout instant si une vie parmi tant n'est pas prise en considération.

- Vous parlez comme si vous aviez assisté à la chute de nombreuses meutes, commenta Aéna, sourcils froncés.

- Oh ma chère Luna, j'en avais vu tant sombrer... Connaissez vous l'histoire des Macon ? Une meute française qui était hégémone sur son territoire national, et tenait en respect les autres meutes de l'héxagone?

- Non, je n'ai pas encore eut le temps de lire l'histoire des meutes d'Europe.

- Avez-vous envie d'entendre ce drame digne d'une tragédie antique? Ou êtes vous trop prise par votre travail universitaire ?

- Vous avez lancé l'histoire, ne me faites pas plus attendre, grogna Aéna.

-D'accord, d'accord ! C'est l'histoire de Macon, meute de renom il y a encore deux décennies. C'était l'époque où le père de Evan Ratayon commençait à étendre son influence du nord au sud du plat pays. Macon avait à sa tête Manuel, un alpha ambitieux, au harem déplorablement vulgaire et à la politique expansionniste uniquement limitée par la force de son voisin du nord. Manuel n'avait pas d'âme soeur, du moins, il ne l'avait pas encore rencontrée et cela l'arrangeait pleinement : il se plaisait dans son harem à expérimenter toutes sortes de choses. Un beau jour, il s'est introduit sur le territoire des Ratayon par le sud-est. Il est arrivé à Dinant, dans une nuit automnale, espérant soumettre un des grands alliés des Ratayons : la Meute Divo de la vallée sacrée de Dinant. Divo était un vieil alpha qui avait une fille unique, Ellie. Elle avait une vingtaine d'années, et était vue comme la future alpha de la Meute sans étonnement. Elle était connue pour son entêtement et pour sa féroce volonté de défendre leur territoire contre tout incursion. Une meneuse et une guerrière sans égal, sinon la luna de l'alpha Ratayon de l'époque.

- Dinant est célèbre pour ne rien avoir lâché en période de conflit, les celtes ne l'ont pas nommée vallée sacrée sans raison : elle est importante pour les locaux, commenta Aéna, songeant à sa visite de la citadelle, quelques années plus tôt.

- Bref, lorsque Manuel Macon arriva à Dinant pour s'approprier le territoire des Divo, un affrontement d'un violence sans nom. Les deux meutes ont perdu un grand nombre de loups et louves. C'est deux semaines après le début des affrontements, alors que les Ratayon avaient envoyé leurs meilleurs guerriers soutenir leur allié, qu'eut lieu le combat décisif. Dnas les Cascatelles, une zone boisée à proximité de Dinant, pas loin de la rivière Maas, que Manuel affronta Ellie. La jeune alpha avait perdu son père, l'honorable Waul, les premiers jours de l'attaque. Depuis, les Divos n'étaient que haine, leur conscience collective était ombragée par les sentiments tiraillés de la jeune alpha qui assumait à la fois le poids pesant des responsabilités qui lui incombaient et celui de son deuil, faisant écho au deuil de la Meute entière. Elle était très habile au combat rapproché, et aurait sans aucun doute pros le dessus sur l'alpha Macon si un des loups de l'hexagone ne lui avait pas tiré dessus. Une seule balle, d'argent, logée profondément dans sa jeune poitrine. C'est la douleur qui a alors déchiré la meute Macon : ils venaient de tuer leur Luna, et cette prise de conscience de Manuel se fit seulement lorsqu'elle poussa son dernier soupir. Il était tellement aveuglé par sa conquête qu'il ne sentait que le sang de la victoire et de la défaite, mais pas la senteur de sa Luna.

- Que s'est-il passé pour les Macon, demanda Aéna, la gorge serrée tant Jade racontait bien. Elle avait la chair de poule, comme si elle avait vu la pauvre Ellie tomber au sol, au milieu des arbres des Cascatelles.

- La mort d'une Luna c'est pour la conscience collective un déchirement. Ils n'étaient plus "uns", ils n'étaient plus. La meute Macon a sombré, dans la folie et la douleur. Parce que le coeur lié au leur avait cessé de battre, le leur a fini par s'arrêter.

- J'ai l'impression que la conscience collective est une malédiction dans certains cas, soupira Aéna.

- Elle est là pour encadrer les meutes, pour imposer une structure et une conduite. Il se dit que les liens ne sont jamais innocents, comme si une plume invisible écrivait en fonction des perspectives d'avenir.

- C'est de la croyance ce que vous racontez, Jade.

- Anthropologue, vous ne pouvez pas réduire la performativité du sacré à de la croyance, la nargua le vampire.

- Certes, reconnut-elle, replongeant dans son travail, soucieuse de sortir de son esprit l'image qu'elle avait de la jeune Ellie tomba, emplie de peine et de rancœur.


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Alooooooors ?

Pas trop ému.es par le récit de notre Ellie dinantoise ?

J'avoue qu'en l'écrivant j'ai eut un pincement au cœur : comment la soif de pouvoir peut détruire tout un chacun et emmener par cette destruction, la fin de tout un équilibre...

Breff, si vous avez aimé, détesté, hésitez pas à voter, commenter, et pourquoi pas, partager!

Byee,

Sofia.

Au Nom de ma Liberté...Where stories live. Discover now